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CINECURE
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Jean-Marc Vallée (2015)
Wild
Sortie le 4 mars 2015
Article mis en ligne le 19 février 2015

par Charles De Clercq

Synopsis : Après plusieurs années d’errance, d’addiction et l’échec de son couple, Cheryl Strayed prend une décision radicale : elle tourne le dos à son passé et, sans aucune expérience, se lance dans un périple en solitaire de 1700 kilomètres, à pied, avec pour seule compagnie le souvenir de sa mère disparue… Cheryl va affronter ses plus grandes peurs, approcher ses limites, frôler la folie et découvrir sa force.
Adaptation des mémoires de Cheryl Strayed, « Wild : marcher pour se retrouver ».

Acteurs : Reese Witherspoon, Gaby Hoffmann, Laura Dern, Michiel Huisman, Brian Van Holt, Charles Baker, Kevin Rankin.

Le Canadien Jean-Marc Vallée s’est fait remarquer l’an dernier par un grand et beau film qui a mérité - avec raison - de nombreux prix : Dallas Buyers Club. Si son précédent, Café de Flore, a reçu un accueil plus mitigé, en revanche, le film qui l’a révélé en 2005, c’est C.R.A.Z.Y., d’après les initiales des prénoms des cinq enfants mâles de la famille Beaulieu. Révélation aussi pour un jeune acteur qui a depuis franchi les frontières canadiennes : Marc-André Grondin.

Vallée adapte ici un roman autobiographique et déjà culte, Wild : marcher pour se retrouver (Wild : From Lost to Found on the Pacific Crest Trail) de Cheryl Strayed (EN), née en 1968. La romancière y rend compte d’un périple, d’un trip même, qu’elle entreprend en 1994, quelques années après la mort de sa mère. Elle va accomplir une des randonnées les plus difficiles des USA, le Pacific Crest Trail (PCT). Elle a 26 ans environ, et va parcourir 1700 km depuis le désert de Mojave à travers la Californie et l’Oregon jusqu’à la frontière avec l’État de Washington (le PCT fait en tout plus de 4200 km).

Avant d’entrer dans la salle, un confrère journaliste me disait que ce serait une sorte de Into the Wild. Et de fait, cela l’est, si ne n’est que le personnage central est ici une femme, interprétée par Reese Witherspoon, excellente, et qui a dû s’engager physiquement pour jouer son rôle. En effet, même si c’est « du cinéma », certaines scènes ont été tournées dans des conditions proches de celles vécues par son personnage (le tournage s’est principalement effectué dans l’Oregon et dans le désert de Mojave). Dans l’un et l’autre film, il s’agit donc de l’adaptation d’une histoire « vraie ».

Jean-Marc Vallée filme son actrice principale en plans très larges, noyée dans l’immensité du désert, de la montagne et de la nature en général, mais également avec une caméra très proche, surtout du visage. Cette proximité m’a fait songer - toutes proportions gardées (car il n’atteint pas ce chef d’œuvre) - à Gerry du Gus Van Sant. Certaines anecdotes, parfois quasi dramatiques, parfois drôles, viennent apporter des éléments narratifs qui empêchent de trouver le récit fastidieux. Qu’il s’agisse des rencontres avec des humains et des animaux, voire des mythiques chaussures Danner Boot Company, le récit y gagne en épaisseur. À noter aussi la voix off de l’héroïne et surtout les très nombreux flashbacks qui de l’enfance à l’adolescence, aux dernières années avec sa mère, de la relation avec son compagnon - et la dégradation de celle-ci, de ses aventures sexuelles sans lendemain, à la consommation de drogues viennent éclairer les raisons de ce parcours où, dès le début, la tentation de l’abandon est présente. Le spectateur en vient donc à comprendre le récit comme une sorte de délivrance, de catharsis pour (s’)expurger d’un passé et de ses souffrances pour se (re)construire un avenir.

Et ce serait là que le bât blesse (même si c’est aussi le cas des bas et des chaussures de Cheryl - mais c’est ici humour à cinq centimes !) : si ces flashbacks sont bien présents dans le roman et éclairent celui-ci, paradoxalement, il y a une sensation de trop-plein dans le film. À un moment donné, ces flashbacks sont si nombreux qu’ils nuisent à la découverte du périple. C’était un peu toute la force de Gerry, déjà cité : Gus Van Sant se concentrait sur ses deux protagonistes, et un troisième, le désert. La démarche est donc ici très différente et cette mémoire du passé risque de dé-router le spectateur alors même que c’est probablement la démarche et l’itinéraire accomplis qui seront structurants pour la randonneuse.

Cette remarque émise, il n’en reste pas moins que nous avons affaire ici à un beau et grand film où le réalisateur, la bande-son et l’actrice arrivent à nous faire entrer en consonance (en communion ?) avec la « nature » et la route prise il y a près de vingt ans par une femme en quête de repères !



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