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Steven Spielberg
West Side Story
Sortie du film le 08 décembre 2021
Article mis en ligne le 11 décembre 2021

par Julien Brnl

Genre : Film musical, romance

Durée : 156’

Acteurs : Ariana DeBose, Ansel Elgort, Rachel Zegler, Corey Stoll, Rita Moreno, Brian d’Arcy James, David Alvarez, Mike Faist, Josh Andrés Rivera, Ana Isabelle, Corey Stoll...

Synopsis :
Dans le West Side, bas quartier de New York, deux bandes de jeunes s’affrontent, les Sharks de Bernardo et les Jets de Riff. Un ex des Jets, Tony, s’éprend de Maria, la soeur de Bernardo.

La critique de Julien

« West Side Story », c’est avant tout un des monuments des planches de Broadway, monté en 1957 par Jerome Robbins (également chorégraphe), d’après un livret d’Arthur Laurents, une musique de Leonard Bernstein, et des paroles de Stephen Sondheim. Inspirée de la pièce « Roméo et Juliette » de William Shakespeare, cette comédie musicale raconte l’histoire légendaire d’un amour naissant, sur fond de rixes entre bandes rivales dans l’Hupper West Side de Manhattan, à New York, fin des années soixante. Et puis, en 1961, le spectacle s’est transformé en un film phénomène, réalisé (évidemment) par Jerome Robbins (uniquement pour les séquences dansées) et Robert Wise, lequel a remporté 10 Oscars, dont celui du meilleur film, lui qui est aujourd’hui revisité par le tout aussi immense Steven Spielberg. Mais alors qu’il devait sortir au cinéma il y un an, le cinéaste réalise-là un rêve d’enfant, un plaisir coupable, persuadé que les grandes histoires doivent être racontées, encore et encore. Et on ne le contredira pas, tant son film est la preuve-même que l’on peut toucher à un film inscrit au Panthéon du cinéma américain sans pour autant le dénaturer, et tout en réussissant aussi à lui apporter quelque chose en plus. Et entre nous, il n’y avait que Steven Spielberg pour réussir cela.

Spielberg s’est donc amusé avec ce film, duquel il se dégage une passion et un hommage au film d’origine, qu’il ne trahit donc jamais. Ainsi, on y reconnaît les décors cultes filmés en 1961 par Robert Wise, que le cinéaste américain retranscrit dès lors ici, tout en leur apportant cette modernité bienvenue, et pertinente, étant donné que les lieux dans lesquels se situait l’intrigue dans le précédent film n’existent plus aujourd’hui, ayant ainsi laissé place au Lincoln Center. Ainsi, le quartier du West Side est ici en passe d’être détruit, notamment pour la gentrification. Dès lors, les Jets (jeunes de la classe ouvrière blanche, nés de parents eux-mêmes émigrés européens, ayant le monopole du quartier) et les Sharks (appartenant à la deuxième génération d’émigrés venus, eux, de Porto Rico) vont se disputer le restant du territoire, avant qu’il ne disparaisse. Sauf que Tony (Ansel Elgort), ami du chef des Jets, Riff (Mike Faist), rencontrera Maria (Rachel Zegler), la sœur de Bernardo (David Alvarez), chef des Sharks, lesquels tomberont amoureux lors d’une soirée dansante... Outre une réactualisation du cadre spatial, Spielberg, d’après un scénario de Tony Kushner (auquel on doit aussi celui de « Munich », « Lincoln », ainsi que du prochain film du réalisateur, « The Fabelmans »), appuie également ici le racisme inhérent entre différents peuples des Etats-Unis, ainsi que la toxicité masculine. Aussi, cette réactualisation laisse plus de place aux personnages, de la rédemption du héros à l’héroïne qui s’affirme, sans oublier la présence d’Anybodys, joué cette fois-ci par un.e comédien.ne non-binaire, Iris Menas. Au regard de l’époque dans laquelle nous vivons, « West Side Story » se veut donc plus moderne. Et puis, on apprécie aussi le fait que le cinéaste n’ait pas souhaité sous-titrer ici les dialogues en espagnol du film, afin de donner toute la place à cette langue (la deuxième au pays de l’Oncle Sam), et ainsi de forcer sa compréhension par le spectateur. Heureusement, ces quelques répliques n’entravent en rien la compréhension des dialogues, d’autant plus qu’elles accentuent majoritairement certaines réactions des protagonistes. Enfin, malgré le côté tragique de cette histoire amoureuse, « West Side Story » reste un écrin de nostalgie et de bonheur à tous les niveaux, rendu finalement plus réaliste devant la caméra de Spielberg, même si « comédie musicale » et « réalisme » ne vont pas de pair. Ainsi, le film a beau être plus terre-à-terre dans ses propos socio-politiques, il n’en demeure pas moins une parenthèse de cinéma enchanteresse, et - fort heureusement - très bien chantée...

Préparez-vous ainsi à siffler et à claquer des doigts, car « West Side Story » enchaîne les scènes et chansons cultes de la comédie musicale, de « America » à « Tonight », en passant par « I Feel Pretty », mais avec quelques différences, comme le montage, qui n’est pas à l’identique celui du film de Robert Wise, tandis que les décors de certaines chansons changent, et cela souvent dans le but de clins d’œil actualisés. Or, étant donné les moyens dépensés, n’ayez crainte d’être déçus de ces actualisations. Visuellement, le film de Spielberg est une pure merveille, lui qui a été tourné dans cette version-ci en pleine rue, et avec uniquement des acteurs latinos pour le clan des Sharks (ce qui n’était pas le cas dans le précédent film). La mise en scène nous offre alors un spectacle musical extrêmement soigné, à l’égard du numéro « Dance at the Gym », au travers duquel Maria et Tony vont tomber éperdument amoureux l’un de l’autre, ainsi que celui des balcons, indémodable. En termes d’interprétation, Ansel Elgort (vu dans « Baby Driver ») et Rachel Zegler (la future nouvelle « Blanche-Neige » de Disney) font le job, avec leurs jolis minois et voix, bien qu’Ariana DeBose (Anita, la belle-sœur de Maria) leur vole la vedette. Aussi, pointons du doigt le rôle de Rita Moreno (Valentina, la gérante de l’épicerie où travaille maintenant Tony), 89 ans, déjà présente dans le premier film (justement dans la peau du personnage d’Ariana DeBose), qui lui valut notamment à l’époque l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle.

Sans être indispensable, et sans révolutionner le genre, au contraire du film de Robert Wises et Jerome Robbins, celui de Steven Spielberg réussit donc à restituer la puissance scénique et dramatique du film original, tout en parvenant à lui injecter ce que la société a (partiellement) appris depuis. S’il n’en est ainsi pas une copie-conforme, « West Side Story » ne perd en rien ce qui fait du modèle un film, une histoire toujours aussi vibrante, qu’elle nous émeut aux larmes ou non. Et en l’occurrence, celle-ci fait partie de celles à montrer, elle qui nécessitait sans doute ici une remise au goût du jour, ne serait-ce que pour la nouvelle génération. Car on a beau dire, mais les progrès du cinéma sur six décennies sont considérables. Et cette version en est le parfait témoin, bien que le charme de la version originale reste, et restera, intact.



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