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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Jean-François Richet
Un moment d’égarement
Sortie le 24 juin 2015
Article mis en ligne le 7 juin 2015

par Charles De Clercq

Synopsis : Antoine et Laurent, amis de longue date, passent leurs vacances en Corse avec leurs filles respectives : Louna, 17 ans et Marie, 18 ans. Un soir sur la plage, Louna séduit Laurent. Louna est amoureuse, mais pour Laurent ce n’est qu’un moment d’égarement... Sans dévoiler le nom de son amant, Louna se confie à son père qui cherche par tous les moyens à découvrir de qui il s’agit... Combien de temps le secret pourra-t-il être gardé ?

Acteurs : François Cluzet, Vincent Cassel, Alice Isaaz, Lola Le Lann.

 Un remake ?

En découvrant le titre, c’est l’original qui revenait à la mémoire, le célèbre film de Claude Berri avec Jean-Pierre Marielle et Victor Lanoux. Etait-il possible d’en faire un remake ? L’entreprise semblait risquée, « casse-gueule ». Nombre de spectateurs auront encore celui de 1977 qui traitait sur le mode de la « comédie » un sujet moins risqué et tabou à l’époque qu’il ne l’est aujourd’hui. Les Français découvraient alors la toute jeune (16/17 ans) Agnès Soral dans son premier rôle, celui qui la révéla à l’écran.

Qu’en est-il aujourd’hui en 2015 alors que le thème de la pédophilie, dramatique en lui-même, est surchargé d’« affaires » tragiques qui hantent nos mémoires ? On se dira qu’il ne s’agit pas de pédophilie ici puisque nous sommes aux « frontières » de l’âge adulte et qu’il ne s’agit pas d’enfants. Une jeune fille, proche de sa majorité, tombe amoureuse du meilleur ami de son père. N’empêche, c’est délicat et à l’arrivée, Richet s’en est (très) bien sorti. Il faut dire qu’il y a aux commandes un producteur qui n’est autre que Thomas Langmann, le fils de Claude Berri (auquel le film est dédié dès son ouverture). Richet quitte donc le domaine policier pour passer dans le registre de la « comédie dramatique ». Nuance donc par rapport à l’original.

 La famille des quatre

L’histoire est bien connue et a été très bien transposée dans les années 2015. Ces quatre-là forment une famille, celle que l’on découvre dans la voiture. Ils se rendent en vacances dans une villa en Corse. Les épouses sont absentes et seules des conversations téléphoniques dont nous ne sauront rien les amèneront au récit. Famille certes, mais avec ses pôles : il y a connivence entre les deux filles, distanciation par rapport à leurs pères respectifs qu’elles marqueront grâce à leurs écouteurs. Les pères sont en connivence aussi. Ils forment quasiment un « couple » amical, à la fois tendre et viril. Ils ont ont des choses à se dire, se raconter et des expériences à partager. Leurs caractères, très dissemblables se complémentent.

Les vacances seront donc classiques. Moments de détentes pour les pères et d’ennui pour les filles dans une maison où il n’y a pas de réseau, pas d’internet, pas de télévision. Seuls divertissements : des sorties en boites avec des copains de leur âge et en scooter.

 L’égarement !

Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, même si quelques pistes nous sont données, particulièrement à ceux qui connaissent très ou trop bien l’intrigue. Ainsi dès l’arrivée dans la maison l’accent est mis sur les fusils d’Antoine (François Cluzet), sur son caractère excessif, ses violences de gamin à cause des débats des sangliers qu’il veut électrocuter ou tuer avec ses armes. Il a des sautes d’humeur qui frisent parfois l’hystérie et semble manquer de maturité. En fait, lui, autant que Laurent ont parfois encore des relations adolescentes. Pendant ce temps, les filles, elles font leur chemin vers l’âge adulte et notamment Louna. C’est ici le premier rôle de Lola Le Lann qui est littéralement fascinante. Tant à l’écran comme actrice que dans son personnage qui tout un coup après une soirée bien arrosée et un bain de minuit va séduire le père de sa meilleure amie (Vincent Cassel). L’homme dit non et non, se rebelle, mais la séduction et la séductrice sont plus fortes, la chair est faible et ce qui ne doit pas arriver arrive. C’est tragique parce qu’il y a là un point de non-retour. Il fallait dire non ! Mais comment ? La manœuvre de séduction paraît si forte, si intrusive qu’il n’y avait à mon estime qu’une seule solution : une baffe dans la figure de la fille du meilleur ami. Elle est aussi une amie et confidente de longue date.

 L’impasse

La situation est traitée tout en finesse par le réalisateur qui ne juge pas ses personnages. Nous comme spectateurs ressentons le malaise de la situation et le drame dans lequel nous allons verser. En effet, si l’adulte veut oublier au plus vite cette passade, l’adolescente elle s’accroche. Ce n’est peut-être qu’une amourette de vacances, mais pour l’instant c’est l’Amour en majuscules et plus rien ne compte. Elle aura de plus en plus de force jusqu’à exercer du chantage pour obtenir plus de cet adulte qui a faibli un soir sur la plage.

Le film montre

  • cette évolution et comment le transgresseur s’enferme dans une nasse dont il ne peut sortir ;
  • l’évolution de la relation des deux adolescentes, l’amie ne pouvant comprendre son père qui lui est l’adulte
  • la quête du « coupable » ou Antoine demande à Laurent de l’aider dans sa recherche.
  • les colères d’Antoine, sa quête d’une relation amoureuse
  • une partie de chasse en forêt où le non-dit ne le sera plus totalement !

 Force et faiblesse

Le film excelle à garder l’équilibre entre ses scènes dramatiques et d’autres de comédie. A la différence de l’original où il y a eu plusieurs relations sexuelles, ici, il n’y en aura qu’une seule, fatidique qui fait basculer dans le tragique. Il nous montre avec beaucoup de nuances la fragilité de Laurent (et de l’adulte en général ?). Il ne l’excuse pas et ne l’accuse pas non plus. Il nous donne à voir aussi la force de Louna que l’aveuglement de l’amour qu’elle croit éprouver mène à prendre le pouvoir avec malice et peut-être perfidie sur l’adulte. On peut rire et être ému, peut-être choqué, ressentir un malaise comme face à la situation inverse dans les rôles dans Perfect Mothers d’Anne Fontaine.

 Des talents

D’excellents acteurs chevronnés François Cluzet et Vincent Cassel, une actrice néophyte Lola Le Lann, secondée par Alice Isaaz qui l’aide à renforcer son jeu sans lui voler la vedette sont au service de ce drame qui traite des « frontières ».

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