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CINECURE
L’actualité du cinéma

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Stéphane Brizé
Un autre monde
Date de sortie : 23/02/2022
Article mis en ligne le 29 janvier 2022

par Charles De Clercq

Synopsis : Un cadre d’entreprise, sa femme, sa famille, au moment où les choix professionnels de l’un font basculer la vie de tous. Philippe Lemesle et sa femme se séparent, un amour abimé par la pression du travail. Cadre performant dans un groupe industriel, Philippe ne sait plus répondre aux injonctions incohérentes de sa direction. On le voulait hier dirigeant, on le veut aujourd’hui exécutant. Il est à l’instant où il lui faut décider du sens de sa vie.

Acteurs : Vincent Lindon, Sandrine Kiberlain, Anthony Bajon, Marie Drucker

Il serait malvenu de « critiquer » (au sens premier du terme) Un autre monde, le dernier (?) volet de la trilogie (?) anticapitaliste de Stéphane Brizé. C’est que l’on ne peut être que solidaire du combat qu’il mène par écran interposé. Comment ne pas être en accord avec la thèse qui sous-tend ce film (et les précédents) qui montre et démontre, parfois avec excès, les ...excès du capitalisme où il n’y a pas de place pour l’humain ? Comment ne pas s’émerveiller de la lettre écrite par Philippe Lemesle à sa boss et qu’il nous est donné d’entendre à la fin du film ? Une lettre qui dit beaucoup du personnage et plus encore du réalisateur et de la lutte qu’il mène par films interposés. Une lettre qui est en quelque sorte sa tribune et dont Vincent Lindon, égal à lui-même, se fait le porte-voix. L’acteur qui a donc été des combats précédents : En guerre et La loi du marché. C’est donc entendu : nous sommes solidaires (nous comme critique et « nous » comme englobant ceux et celles qui iront voir le film) du combat dont il est question, notamment le dégraissage du personnel dans les filiales d’une multinationale qui a racheté des usines qui furent auparavant françaises. Le film montre les difficultés de chefs d’entreprises lorsqu’ils sont entre le marteau et l’enclume, soit entre le personnel (et l’on pourrait jouer ici sur l’ambiguïté du terme !) et leurs dirigeants, à Paris et à l’autre bout du monde, d’autant que, comme le dira le boss américain : mon boss - celui auquel j’obéis - c’est Wall Street !

Comment donc ne pas être d’accord avec le propos d’un tel film ? Comment ne pas reconnaître le travail d’abattage de Vincent Lindon ? Le jeu d’actrice de Marie Drucker (quasi débutante comme actrice) en temps que responsable du groupe pour la France ou celui d’acteur d’Anthony Bajon dans le rôle du fils en pleine « décompensation ». Outre Lindon, l’on retrouvera Guillaume Draux (le DRH France) qui avait déjà joué le rôle du PDG France dans En guerre et du DRH dans La loi du marché, mais qui semble être un acteur non professionnel en mode immersion, tout comme Valérie Lamond, dans le rôle de l’avocate d’Anne (et qui jouait dans En Guerre l’avocate des salariés). En réalité, la majorité du casting se trouve être des acteurs non professionnels. Ils interprètent probablement des personnages analogues à ceux qu’ils sont dans la réalité. Nous serions donc dans une utilisation en mode « vérité » (ou docu-fiction) en mode « jeu de rôle », avec plus que probablement une fonction cathartique de ces personnages (qui sont possiblement à certains moments en mode improvisation).

L’on regrettera donc d’autant plus la lourdeur de l’intrigue d’un long-métrage (quasi docu-fiction) qui est en mode trop démonstratif passant par des ressorts scénaristiques convenus qui obligent le film et ses spectateurs à emprunter des rails dont il est impossible de sortir, avec toutes les cases à cocher pour que le spectateur adhère au propos sans pouvoir contester celui-ci. Nous serions alors involontairement dans la même situation que le cadre Vincent Lindon qui n’a d’autre possibilité que d’emprunter la route qui lui est imposée par ses supérieurs, qui ne lui laissent aucune marge de manœuvre autre que celle qu’ils lui imposent. Admettons encore que cela conduirait à vivre le même malaise et les mêmes ambiguïtés que le (anti)héros du récit qu’il nous est donné de voir et la trop belle conclusion morale qu’il nous est donné d’entendre. Mais le bât blesse lorsque s’ajoutent à cela ce qui s’apparente à des poncifs ou des « case à cocher » pour que le film remplisse toutes les conditions pour que l’on ne se refuse pas à lui. Ainsi la crise du couple et son divorce, avec le passage obligés en consultation juridique et les atermoiements entre la gestion financière et la crise existentielle du couple, le conflit inévitable entre cadres pour savoir si l’on se sacrifie en partie ou pas du tout, la cadre supérieure qui a franchit le plafond de verre, la musique pour suspendre le temps et ajouter de l’émotion : ainsi le chant a capella, souvent en en latin et/ou de type religieux, ou encore, si vous n’avez pas compris, le plan avec le fils (en décompensation... et, de l’autre côté de l’Océan, la fille ainée qui elle à réussi) sur son apprentissage de marionnettiste... et le plan de la fin avec la marionnette (si d’aventure vous n’aviez toujours pas compris). Tout cela n’est pas dramatique et n’empêchera pas de voir le film et de trouver que la « morale » est juste même si la lecture de la lettre finale semble être donneuse de leçon morale... Mais fallait-il faire avaler tout cela au spectateur, comme l’on gave une oie, pour l’obliger à comprendre ?



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