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Mehdi M. Barsaoui
Un Fils
Sortie du film le 01 juillet 2020
Article mis en ligne le 28 juin 2020

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • premier long métrage du cinéaste tunisien Mehdi M. Barsaoui après trois courts et deux documentaires ;
  • film sélectionné à la 76e Mostra de Venise dans la section Orizzonti, de laquelle Sami Bouajila a remporté le prix du meilleur acteur.

Résumé : Farès et Meriem forment avec Aziz, leur fils de 9 ans, une famille tunisienne moderne issue d’un milieu privilégié. Lors d’une virée dans le sud de la Tunisie, leur voiture est prise pour cible par un groupe terroriste et le jeune garçon est grièvement blessé...

La critique de Julien

Pour un premier film, Mehdi M. Barsaoui a vu grand. En faisant éclaté un cocon familial privilégié, victime du lourd tribus politique et social d’une Tunisie post-révolution, le jeune cinéaste côtoie des thèmes forts dans son film « Un Fils », aujourd’hui dans les salles. Il y a donc au départ une intrigue principale, à savoir un drame, duquel ressortira grièvement blessé l’enfant unique d’un couple pour lequel les affaires fonctionnent très bien, et notamment à l’étranger. Puis, petit à petit, Mehdi M. Barsaoui nous révèle une histoire encore plus profonde qu’il n’y paraît, avec des éléments secondaires qui vont se révéler primordiaux autour de ce drame, tels que des vérités enfouies, avec en toile de fond (toujours bien présente) une Tunisie instable, très à cheval sur la religion et ses principes archaïques, l’empêchant d’évoluer en son temps. Et puis, il y a ce dilemme moral, qui se profile, telle une épée de Damoclès, au-dessus de la tête de ces parents, quant à la survie de leur enfant. Car il faut agir, et vite. Sauf que des facteurs imprévus l’en empêcheront...

Construit autour de plusieurs ellipses qui permettent à la fois au cinéaste de ne pas se répéter dans son discours, et au spectateur de rester concentré sur le fil rouge, tout en s’imaginant sur ce qui pourrait s’y dire, « Un Fils » interroge sur le lien de filiation entre un père et son fils, mais également sur la maternité, et la crise du couple. Cette dernière est également aux centres des intentions du réalisateur. Alors certes, cela commence à faire beaucoup. Et pourtant, Mehdi M. Barsaoui, aidé à l’écriture par sa consultante Magali Negroni, parvient à trouver le ton juste pour nous raconter cette lourde histoire étant donné que vont se jouer ici de vrais dilemmes cornéliens pour cette famille, que le film ne révèle pas de prime abord. Mais dans sa démarche, Barsaoui a eu la bonne idée de ne pas condamner, ni juger ses personnages, nous laissant dès lors le libre arbitre de les interpréter comme bon nous semble, eux qui sont à la base des êtres, parents (ir)responsables, en totale détresse.

Souvent filmé caméra à l’épaule, en gros plans, et couplé avec un format Scope, le jeune cinéaste, sans grands effets techniques, réussit à faire ressortir d’autant plus la douleur, l’isolement et la déchirure de ses personnages, magnifiquement interprétés par Sami Bouajila (« Indigènes », « Les Témoins ») et l’actrice tunisienne Nadja Ben Allah. La manière de filmer également les paysages et le désert, dans leur état naturel, témoigne de montrer les choses comme telles, la force des personnages se suffisant à elle-même. Bref, la réalisation de Barsaoui étonne, et ne nous éparpille jamais de ses enjeux principaux, étant donné une vision réaliste, et des propos objectifs.

Enfin, « Un Fils » se construit dans une Tunisie en proie au terrorisme, aux tensions sociales et politiques, et cela peu de mois avant la fuite de Mouammar Kadhafi. Le cinéaste met alors en lumière des failles du système tunisien concernant par exemple la qualité des soins de santé, couplée à la question épineuse du don d’organe, voire son absence culturelle, qui, si elle sauve des vies (pour autant en plus que l’ADN le permet), porte atteinte à l’intégrité du corps après la vie, ainsi qu’aux obstructions religieuses (cela va à l’encontre de la réelle volonté de Dieu pour l’Islam), qui interdisent par exemple l’acte de prélèvement après la mort. Sa caméra traverse aussi la frontière libyenne, durant la guerre civile. Tout cela profite alors au marché noir, ainsi qu’à l’ignoble trafic d’organes, et même d’êtres vivants, tel que le film nous le montre ici au travers du calvaire de cette famille, désespérée, et d’autant plus déchirée par l’aveu, et les tabous.

Puissamment interprété, bouleversant, et sans pathos, Mehdi M. Barsaoui dévoile un premier film et drame familial lourd de sens, et pertinemment inscrit dans son temps, soit la Tunisie post-révolution de 2011, duquel persiste tout de même une libre note d’espoir sur l’avenir.

https://www.youtube.com/embed/ufSCpaSsuiI
UN FILS de Mehdi Barsaoui | Bande-annonce - YouTube


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