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CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Nicolas Boukhrief
Trois jours et une vie
Sortie le 18 septembre 2019
Article mis en ligne le 9 septembre 2019

par Charles De Clercq

Synopsis : 1999 - Olloy - Les Ardennes belges. Un enfant vient de disparaître. La suspicion qui touche tour à tour plusieurs villageois porte rapidement la communauté à incandescence. Mais un événement inattendu et dévastateur va soudain venir redistribuer les cartes du destin…

Acteurs : Sandrine Bonnaire, Charles Berling, Jeremy Senez, Pablo Pauly, Philippe Torreton, Margot Bancilhon, Dimitri Storoge.

S’il est bien une projection presse à laquelle nous partions... les yeux fermés (entendons, sur tout a priori négatif !), c’est bien celle-ci. Un roman de Pierre Lemaitre adapté au cinéma par Nicolas Boukhrief ! Du premier, nous avions apprécié son travail avec Albert Dupontel pour le film Au revoir là-haut que l’on résumait ainsi : « La guerre, ses conséquences, ses masques et Nahuel Perez Biscayart en route pour un César. Interprétation magistrale, émouvante, tragique et comique d’un roman de P. Lemaitre ». Du second, nous gardons un excellent souvenir de La confession à tel point que nous le recevions pour une interview sur RCF en mars 2017. Un tel duo ne pouvait être que gagnant. Quoique !

Certains sont très enthousiastes... alors qu’il nous reste une impression de trop (voire, paradoxalement, de trop peu !). De suite, les enjeux sont connus (que l’on ait lu ou pas le roman), nous savons de suite qui est le « coupable », mais coupable est-il le bon terme ? Responsable serait-il mieux ? Probablement pas ! C’est un enchaînement ’malheureux’ qui d’une déception amoureuse va passer en cascade de la mort d’un chien à celle d’un camarade de jeu.

Le roman, pas plus que le film ne sont « policiers » ! L’intrigue elle-même sur ce genre-là manquerait de crédibilité, car la justice ne pourrait vraiment condamner le jeune Antoine Courtin. Quelle pourrait être la peine pour un enfant de cet âge pour un homicide (certes !), mais involontaire, accidentel ? Simplement la faute à pas de chance. Il faut donc à l’auteur et au réalisateur à passer dans un autre registre, celui de la culpabilité. C’est que Antoine n’est certainement pas conscient des implications juridiques de son acte et que la peine serait tout au plus « symbolique ». Mais ici, le jeune Antoine doit porter cela (et l’acteur Jeremy Senez l’interprète à merveille. Ensuite vient, comme « deux ex machina » un « événement inattendu et dévastateur [qui] va soudain venir redistribuer les cartes du destin »(spoiler en note : [1]).

Le thème de la culpabilité s’efface pour d’autres thèmes : quel serait, parmi nous dans le village, celui qui aurait fait du mal à un enfant (n’oublions pas que nous sommes dans les Ardennes, en Belgique, quelques années après l’affaire « Dutroux »). Comment nous jugeons coupable par a priori (un thème abordé d’ailleurs dans la saison 3 de True Detective et dans d’autres films) ? Comment les médias traitent-ils de tels sujets (c’est une actualité toujours prégnante dans de nombreux domaines) ?

A plusieurs reprises, l’on se disait que le film (et le roman) auraient dû se titrer : « Une vie, trois jours.. et après ! ». Car c’est le temps de l’après qui devient important et peut-être le moins bien négocié dans le film. Si l’on commence par un 25 décembre, c’est pour revenir « trois jours plus tôt ». Le pivot sera d’ailleurs ces différents Noëls, en 1999, en 2014 et en 2017. Occasion de retrouver les protagonistes bien des années après les faits. ...Et APRES donc ! Au début, la culpabilité n’est plus présente et Antoine a ses projets de vie. Ce sera un nouveau deus ex machina, un chantier de déboisement (les arbres ont vraiment très très bien grandi en quinze ans !) qui risque de mettre à jour le cours du délit ! L’on passe alors à un autre registre, non plus celui de la culpabilité, mais celui de se préserver de la justice en faisant en sorte que l’on ne trouve rien. Et ce n’est plus un Antoine, désormais adulte et médecin, qui doit vivre la culpabilité, mais qui veut échapper à la justice ! Comment donc l’intelligence qui lui a permis d’être médecin ne lui permet pas de comprendre qu’outre la prescription, il ne peut plus être poursuivi, car mineur au moment des faits. Admettons donc que la peur court-circuite les neurones. Faisons « comme si », mais le trop-plein de situations qui dégénèrent se fait sentir : un enfant à naître, un médecin qui se souvient qui obligeront à prendre des décisions que l’on ne voulait pas, que l’on n’envisageait pas.

Trois ans plus tard, la vie s’est coulée en forme de « chose jugée ? » et l’on est là où l’on ne voulait pas être jusqu’à de nouvelles révélations polonaises (notamment).

Par rapport à l’adaptation du roman, l’on regrette le début du film qui rassemble par la préparation pour la battue pour ensuite afficher « trois jours avant », alors que le livre commence à décrire Antoine et surtout celui-là prend tout le deuxième chapitre pour nous faire découvrir les pensées d’Antoine, ses désarrois, les hypothèses qu’il envisage. Le film est si elliptique sur ce point que l’on a peine à comprendre comment il envisage le pire et entre dans un processus de culpabilité.

Enfin, l’on appréciera les images de Manu Dacosse, tout en relevant que les Ardennes filmées avec un drone font penser à une série comme La trêve (notons aussi par-delà le présent film qu’il faudrait éviter que les cinéastes se croient obligés de faire appel au drone de façon systématique, c’est certes beau, mais est-ce toujours utile ?). Pour conclure, il y a l’une ou l’autre chose qui dérange. D’inévitables regards caméra de figurants (mais c’est quasiment inévitable), une messe de Noël qui ne tient pas la route dans ce que l’on en montre, mais surtout le fait que nombre d’acteurs n’ont pas pris une ride quinze ans plus tard (bien sûr on n’a pas pour ce film les compétences et les moyens des maquilleurs et prothésistes américains). Quant à la messe, plusieurs nous disent « mais on s’en fout », certes, c’est parce que c’est mon métier... mais si l’on montrait un film avec une scène d’un match de football où les joueurs prennent le ballon en main, là on se poserait des questions !



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