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CINECURE
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François Ozon
Tout s’est bien Passé
Sortie du film le 22 septembre 2021
Article mis en ligne le 19 octobre 2021

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 113’

Acteurs : Sophie Marceau, Hanna Schygulla, Charlotte Rampling, André Dussollier, Grégory Gadebois, Géraldine Pailhas, Eric Caravaca...

Synopsis :
A 85 ans, le père d’Emmanuelle est hospitalisé après un accident vasculaire cérébral. Quand il se réveille, diminué et dépendant, cet homme curieux de tout, aimant passionnément la vie, demande à sa fille de l’aider à mourir.

La critique de Julien

À raison, grosso modo, d’un film tous les dix-huit mois, François Ozon est de retour cette année-ci avec « Tout s’est bien Passé », son vingtième long métrage, présenté à Cannes en Sélection officielle et en compétition. Ce drame familial est librement adapté roman éponyme d’Emmanuèle Bernheim (paru aux Éditions Gallimard en 2013), dans lequel la romancière, essayiste et scénariste française narrait sa propre histoire, lorsque son père lui avait demandé de l’aider à mourir à la suite d’un accident cardio-vasculaire. Déjà, en 2019, le documentaire « Être Vivant et le Savoir » racontait les coulisses de la préparation d’un film mis en scène par le réalisateur Alain Cavalier, dans lequel son amie Emmanuèle Bernheim interpréterait alors son propre rôle, et Cavalier son père. Sauf que la romancière a été rattrapée par un cancer, et le film par le décès de cette dernière, en 2017. Projet qui lui tenait à cœur, François Ozon a alors pris du recul suite au décès de son amie, avec qui il a écrit le scénario de trois de ses films, que sont « Sous le sable » (200), « Swimming Pool » (2003) et « 5×2 ». Après avoir relu son roman, le cinéaste s’est alors senti fin prêt à adapter son histoire, comme un choix qui s’imposait à lui, lui qui offre d’ailleurs ici l’un des meilleurs rôles de la carrière de Sophie Marceau, dans la peau d’Emmanuèle, tandis qu’il permet également de mettre en scène André Dussollier (son père) dans un rôle plus qu’exigeant.

Même s’il traite (en surface) de l’euthanasie et de la loi Leonetti (ne permettant pas, en France, aux gens de mourir dans des conditions dignes choisies), ce film n’est pourtant pas un film qui traite frontalement de la mort, mais plutôt de l’impact du choix d’euthanasie sur une famille, par un de ses membres. Le titre du film reflète alors particulièrement bien le parti-pris scénaristique du film qui est celui de mettre en images l’histoire d’un homme avec un appétit féroce de vivre qui, très affaibli par la maladie, et dépendant, veut maintenant en finir, étant donné qu’il n’a plus les moyens d’avoir la (fin de) vie qu’il souhaitait. Ce dernier n’a donc plus peur de la mort, et n’attend finalement que cela pour être enfin débarrassé de son propre fardeau, et de celui qu’il fait subir à aux siens, joués ici avec retenue et pudeur par Sophie Marceau et Géraldine Pailhas. Et cela faisait longtemps qu’on n’avait plus vu la première dans un rôle si intéressant, touchant, même si l’histoire ne se développe pas dans la psychologie, mais davantage dans les faits, les actes, choix et mouvements de ses personnages.

Sans pathos, François Ozon adapte alors assez fidèlement le récit de son amie, à quelques exceptions près, notamment au regard de la relation qui existait entre les deux sœurs, ainsi que par rapport au personnage de leur mère, Claude (Charlotte Rampling), qui n’était pas du tout développé dans le livre. De plus, le cinéaste a souhaité apporter à cette histoire un écrin de cynisme relatif à la représentation de la mort dans notre société, assez tabou. Étant donné la personnalité cash du père, ce dernier parle en effet ouvertement, et avec un désir très fort, de la mort, ce qui créé dès lors une rupture avec notre propre rapport à la mort. Dans un formidable rôle de composition, pour lequel il a dû apprendre à parler avec un orthophoniste, et subi deux heures de maquillage tous les jours, Dussollier déploie une ironie narrative permettant à son personnage de mettre les choses à distance et de se résigner à vivre dans sa condition, préférant ainsi regarder vers le futur, et la libération que représente, pour lui, son choix. Avec quelque part une touche d’égoïsme, cet homme regarde alors la mort en face ; son choix est pris.

Même si sa mise en scène est assez éteinte, et le choix de découpe chronologique du film assez artificiel, « Tout est bien Passé » est une œuvre salutaire, au travers de laquelle un auteur de cinéma rend hommage à la hauteur d’histoire vécue par l’une de ses amies, auteur à son tour, et de ce qu’elle a vécu d’intense et d’impartial, face au choix irrémédiable, et tabou, de la mort assistée d’un parent.



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