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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Emir Baigazin
The Wounded Angel (L’Ange blessé)
Sortie le 11 mai 2016
Article mis en ligne le 10 mai 2016

par Charles De Clercq

Synopsis : Milieu des années 90 au Kazakhstan, un temps d’une profonde crise économique...

  • Zahra porte des sacs de farine pour nourrir sa famille. Son père vient de sortir de prison et ne peut pas trouver un emploi, de sorte qu’il est sur sa propre pour permettre à sa famille de survivre.
  • Chick (Poussin) a une voix merveilleuse et se prépare à prendre part à un concours de chant. Mais un jour, de nouveaux amis apparaissent dans sa vie. Les petits caïds de son collège le provoquent quotidiennement pour l’inciter à se battre.
  • Toad (Crapaud) est suspendu dans les ruines et les égouts de son village, à la recherche de restes de métal, il pourrait revendre. Un jour, il rencontre trois jeunes garçons dérangés qui lui montrent un trésor caché dans une usine abandonnée.
  • Aslan est un étudiant brillant qui se prépare à entrer dans un collège médical dans la ville, mais découvre que sa petite amie est tombée enceinte de façon inattendue. Réalisant le désespoir des conditions dans le village, il décide de l’aider à se faire avorter.

Quatre contes moraux, quatre destins des adolescents qui vont brûler leurs ailes pour trouver une place dans le climat misérable et difficile du monde réel.

Acteurs : Nurlybek Saktaganov, Madiyar Aripbay, Madiyar Nazarov, Omar Adilov.

L’Ange blessé - dont la sortie est très confidentielle en Belgique - est le deuxième volet d’une trilogie adolescente (voire de la très jeune adolescence) du Kazakh Emir Baigazin. Ceux qui auront découvert le premier opus, Leçons d’harmonie (lire ici une analyse du film) ne seront pas surpris par le film, mais pourraient être déçus. Le deuxième n’est pas une suite à proprement parler même si l’on se réfère à certains personnages du premier et que deux des jeunes acteurs sont au casting de L’Ange blessé. Le film nous propose le portrait de quatre jeunes gens âgé de 13 ans. Les portraits sont parfois cruels, sans concession à l’image du monde dans lequel ils sont insérés : la violence des jeunes de leur génération, celle des adultes est sans cesse présente, dans un film lent, parfois très lent avec de nombreux plans fixes. Plus que quatre contes moraux, ce sont des histoires immorales qui nous sont offertes avec ces itinéraires de jeunes gens qui pour devenir adultes - et ils sont encore bien loin de l’être - doivent intégrer la violence (déjà largement présente dans La leçon d’harmonie), par rapport à d’autres jeunes (ou pas), aux animaux et parfois à eux mêmes. Film d’une immense nostalgie, souvent désespéré et désespérant aux images de toute beauté, dans un cadre formel qui vous fait écarquiller les yeux, au risque parfois de le lasser de l’histoire racontée. Ou plutôt des quatre récits qui se concluent par un cinquième (rêvé, onirique, symbolique) qui rassemble les protagonistes des quatre contes pour écouter l’un d’eux chanter.

  • Zahra doit-il devenir à son tour un voleur pour sauver l’honneur paternel ?
  • Chick (Poussin) doit-il céder à la violence pour en finir avec ces humiliations ?
  • Toad (Crapaud) doit-il dérober le butin aux pauvres hères, ces jeunes garçons dérangés ?
  • Aslan, lui, sombre dans la folie et imagine qu’il se transforme en arbre...

Reconnaissons que le film n’est pas facile, mais qu’il mérite d’être vu par des cinéphiles qui sont prêts à s’ouvrir, cœur et esprit, pour le recevoir et longtemps encore (se) poser des questions, réfléchir, questionner et s’émerveiller. Après quelque temps, on se dira peut-être que l’on retournera une deuxième fois en salle pour appréhender le film dans toute sa splendeur et sa densité, grâce notamment, à des acteurs néophytes et cependant talentueux !

Pour aller plus loin... *

L’Ange Blessé est le second volet d’une trilogie. Pourquoi l’adolescence en est-elle le sujet central ?
L’adolescence n’est pas le sujet de ma trilogie en tant que tel et il n’y a rien d’autobiographique dedans. Elle est simplement le prisme privilégié à travers lequel je peux aborder les dilemmes moraux, les conflits intérieurs des hommes, de la manière la plus claire et la plus sensible possible. L’intériorité d’un jeune de 13 ans agit comme un verre grossissant. Chacun des personnages de L’Ange Blessé pourrait reprendre à son compte cette phrase tirée de Sa majesté des mouches de William Golding : « Puisque nous savons que personne ne viendra nous chercher et que nous allons devoir vivre ici pour toujours, alors nous ne pouvons plus nous comporter comme des enfants  ». L’Ange Blessé est un film sur la perte de l’innocence. Quelque chose s’est brisé dans la conscience de ces adolescents ; un nouveau système de valeurs apparaît.

Les quatres personnages paraissent destinés à commettre une faute irréparable.
Cette « chute » est-elle liée à l’état du pays ?

Les personnages sont tous les quatre confrontés à un dilemme moral. Ce qui m’importe, c’est qu’ils réalisent qu’ils ont fait le mauvais choix. La période qui sert de cadre historique à L’Ange Blessé, celle des années 1990, a été marquée par une crise profonde pour le Kazakhstan : l’électricité était coupée régulièrement, les orphelinats étaient surpeuplés, à l’heure du couvre-feu la rue devenait un petit théâtre de criminalité… Les lois scélérates ont fini par devenir la norme. A mes yeux, c’était le contexte le plus efficace pour travailler les thèmes de The Wounded Angel.

Enfin, les liens avec le tableau d’Hugo Simberg (1873-1917) ne sont pas fortuits car cette toile a influencé le travail du réalisateur : « Lorsque j’ai commencé à écrire le film, je traversais une période difficile, je me sentais très déprimé. Je lisais beaucoup, à peu près tout ce qui me tombait sous la main, et notamment des essais d’esthétique et d’éthique qui tournaient autour de l’image et de l’esprit. J’avais déjà imaginé les 4 histoires de L’Ange Blessé pendant le montage de Leçons d’Harmonie. Et lorsque, dans un livre sur la peinture, je suis tombé sur des reproductions des œuvres de Hugo Simberg, que je connaissais déjà, je me suis senti moins seul. Le tableau éponyme de Simberg représentait pour moi l’aboutissement, la quintessence de ce que j’essayais de développer avec ces quatre histoires. Pour le dire autrement, chacun de mes personnages pourrait être cet ange que portent les autres enfants dans le tableau. »

* (source : dossier presse).



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