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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Jacques Audiard
The Sisters Brothers (Les frères Sisters)
Sortie le 24 octobre 2018
Article mis en ligne le 27 septembre 2018

par Charles De Clercq

Synopsis : Charlie et Elie Sisters évoluent dans un monde sauvage et hostile, ils ont du sang sur les mains : celui de criminels, celui d’innocents... Ils n’éprouvent aucun état d’âme à tuer. C’est leur métier. Charlie, le cadet, est né pour ça. Elie, lui, ne rêve que d’une vie normale. Ils sont engagés par le Commodore pour rechercher et tuer un homme. De l’Oregon à la Californie, une traque implacable commence, un parcours initiatique qui va éprouver ce lien fou qui les unit. Un chemin vers leur humanité ?

Acteurs : Joaquin Phoenix, John C. Reilly, Jake Gyllenhaal, Riz Ahmed, Rutger Hauer.

En 2012, les éditions Actes Sud publiaient un roman, étonnant « western » sous le titre « Les frères Sisters ». Il s’agissait de la traduction d’un roman en anglais, « The Sisters Brothers » publié moins d’un an plus tôt, et écrit par Patrick deWitt romancier et scénariste canadien. L’ouvrage (primé en langue originale et dans sa traduction française) apportait un regard neuf sur le genre, plus intimiste, très humain, abordant des relations entre frères ou, pour d’autres, quasiment fraternelles. La violence, la quête de l’or étaient sous-jacentes à l’intrigue.

L’on peut écrire, après avoir vu le film de Jacques Audiard que son adaptation est réussie. Le réalisateur qui est notre contemporain (nous sommes né onze jours avant lui !) propose ici son huitième film, le premier « américain » : il ne peut y être réduit, parce que le roman est d’origine canadienne et que le tournage s’est fait beaucoup en Espagne (et un peu en France). Le casting lui est principalement américain, notamment pour trois des quatre rôles principaux.

Si le film, d’une durée de deux heures, prend son temps, on ne voit cependant pas le temps passer. S’il débute par une violence extrême dont hommes et animaux vont souffrir, il se termine par une quiétude déjà chantée par Joachim Du Bellay ! Entre les deux, un récit qui conte l’histoire de deux frères, un récit dont le spectateur croira à tort connaître le déroulement et l’issue. En effet, à mi-chemin, l’intrigue prend une autre tournure, une autre dimension, comme si la quête initiale n’était plus de mise.

Audiard (tout comme le romancier) nous offre un nouveau western, ni celui qui oppose « cowboys et indiens »), ni le nouveau western, dit « italien » avec ses différentes déclinaisons, jusque dans la parodie. Oserait-on : un western humain, presque humanitaire ! Un des fils conducteurs est formé du couple de frères : Charlie et Elie Sisters, le premier (Joaquin Phoenix) est le cadet mais s’auto-proclame le chef, le leader ; alors que l’ainé (John C. Reilly) est bien plus profond qu’il n’y parait à première vue. Il est celui qui est sensible, plus qu’humain : ainsi certaines scènes où il s’inquiète des chevaux (celle initiale avec ceux-ci dans les flammes ; une autre plus tard avec le sien, blessé puis mort). Il est celui qui recherche la tendresse chez les très rares femmes qu’il rencontre, s’opposant à la violence virile de son frère. Il le prend d’ailleurs sous son aile lorsque des choses dérapent, lorsqu’il est saoul, par exemple. Ces deux-là sont des tueurs, à gages ou chasseurs de primes, peu importe. Ils font bien le job, de façon efficace. Ils sont réputés et craints. Ici, Le Commodore (Rutger Hauer, à peine présent à l’écran) les charge de retrouver un homme qui aurait une formule chimique pour trouver de l’or.

Si la première quête du film est celle-là, trouver le scientifique, lui faire la peau mais avant cela le torturer pour qu’il avoue son secret (sa formule) il en est une seconde qui, justement, tourne autour de l’or. Si le couple des frères Sisters donne une densité au récit, il est un autre couple qui a défaut d’être de frères, sera en quête de fraternité. Entre le chasseur-détective (Jake Gyllenhaal) et la proie (Riz Ahmed) des échanges auront lieu. Syndrome de Stockholm ou construction d’une possible fraternité sur fond d’utopie (le rêve d’un phalanstère à créer au Texas) la relation va évoluer sans qu’on puisse en dévoiler plus au risque de spoiler !

Il sera aussi question de la violence des pères qui aura des répercussions chez les uns et les autres qui les obligera à une véritable métanoia, un renversement de perspective qui conduira à la scène finale. Entretemps, la soif de l’or aura rongé le cœur et le corps des protagonistes. Qui en sortira indemne ? Qui devra passer la main, perdre le contrôle qu’il avait des choses ? Qui pourra poser un geste de paradoxale délivrance ? Et, à la fin, peut-on trouver une quiétude après avoir plongé dans une folie qui ronge le cœur de ces chercheurs, d’hommes et d’or aussi ?

La réponse à l’écran, dans un film à la fois tendre et violent, avec certaines touches d’humour (les épisodes avec la chasse d’eau mais surtout avec la brosse à dent !) sans concession, qui offre quatre portraits d’hommes très dissemblables sur fond d’une fraternité à reconstruire !

https://www.youtube.com/embed/AsDJ6T7wTa8
Les Frères Sisters (The Sisters Brothers) - Bande-annonce vostfr - YouTube

Lien vers la critique de Julien



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