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David Lowery
The Green Knight
Sortie du film le 04 août 2021
Article mis en ligne le 6 août 2021

par Julien Brnl

Genre : Drame, fantastique, aventure

Durée : 125’

Acteurs : Dev Patel, Alicia Vikander, Ralph Ineson, Joel Edgerton, Sean Harris, Barry Keoghan, Kate Dickie, Sarita Choudhury...

Synopsis :
Sir Gauvain est envoyé par le Roi Arthur pour affronter le Chevalier vert, un monstrueux chevalier vert émeraude qui a déjà vaincu de nombreux héros. Pour accomplir sa mission, Gauvain va devoir surmonter plusieurs obstacles alors que des forces surnaturelles semblent menacer son aventure.

La critique de Julien

Attendu de pied ferme, « The Green Knight » débarque enfin dans nos salles de cinéma, lequel est sorti fin juillet en Amérique du Nord, distribué là-bas par l’exceptionnel studio A24, qui sait prendre des risques. David Lowery, son réalisateur, aime lui aussi prendre des risques, puisqu’il adapte ici le récit de chevalerie « Sire Gauvain et le Chevalier vert », enraciné dans les cultures et folklores celtique et germanique, lequel a probablement été écrit par le poète Pearl Poet, et rédigé en moyen anglais vers la fin du XIVe siècle. Retardé suite à la pandémie mondiale, Lowery a alors profité du temps supplémentaire qui lui a été donné pour approfondir les thèmes fédérateurs de son film, modifiant ainsi la coupe de son montage, et son rythme. Et aussi complexe et riche que l’est son modèle, « The Green Knight » est sans aucun doute le film le plus ambitieux de son auteur, mais aussi l’un des plus abscons.

« The Green Knight » relate alors les aventures de Gauvain, l’un des fraîchement nommés chevaliers de la Table ronde de son oncle le roi Arthur, lequel acceptera alors le jeu lancé par un mystérieux chevalier vert, le soir de Noël. En effet, il acceptera d’affronter la créature, et d’entreprendre ensuite un voyage étrange et périlleux pour une riposte égale en retour, un an plus tard, à la Chapelle verte. Décapité, le chevalier repartira alors de Camelot avec sa tête sous le bras, en riant bruyamment... Un an plus tard, alors que la fin d’année pointe le bout de son épée, et que son histoire a été racontée et que sa réputation a grandi, Gauvain devra honorer son serment, comme tout valeureux chevalier (à en devenir), même si ce n’était « qu’un jeu ». Le jeune homme emportera alors avec lui la hache verte du chevalier, gagnée lors de leur duel, ainsi qu’une ceinture fabriquée et ensorcelée par sa maman, prétendant qu’aucun mal ne lui arrivera tant qu’il la portera...

Énigmatique et abstrait, « The Green Knight » est le type de film qui risque d’engendrer des rires nerveux chez le plus commun des spectateurs à l’issue de la séance, se demandant ainsi ce qu’il est venu faire là. Il est certain que le film de David Lowery n’est pas un divertissement conventionnel, lui qui risque donc d’en déconcerter plus d’un. Mais en connaissance de cause, « The Green Knight » répond aux attentes du cinéphile. Tout d’abord, parce que Lowery traite du mythe de l’héroïque chevalier, lequel n’hésite pas à le dé/construire et à en jouer en termes de cinéma, pour alors nous assommer d’une grande leçon d’humilité, de courage et d’honneur, qu’on n’avait pas vu venir. Ensuite, parce que cette quête est parsemée d’obstacles et d’étranges rencontres qui amèneront son personnage à affronter sa propre mortalité, sa propre perte. Et « étrange » est ici le bon adjectif tant ce(ux) qu’il croisera sur son chemin est empreint de violence, de fantasy, de sensualité, et de luxure, sans pouvoir parvenir à tout expliquer à la première vision. De plus, Lowery traite aussi ici de notre rapport à la nature, au travers de la couleur verte, elle qui finira toujours par nous rattraper, et nous grimper dessus, en reprenant ses droits, menaçant ainsi l’ordre établi. Car c’est bien elle qui aura le dernier mot.

« The Green Knight », c’est aussi, et avant tout, une expérience de cinéma, laquelle prône davantage l’aspect psychologique et visuel du poème original de Pearl Poet que l’action et le monologue. Il n’est donc pas question ici de combats de chevaliers et de symbolique relative à la légende arthurienne à tout-va ; loin de là. David Lowery fait davantage vivre ici ce récit par une quête hypnotique - que certains pourraient ressentir comme (très) lente - à la fois onirique, introspective, et quelque peu ésotérique, d’où la nécessité de la voir plusieurs fois afin d’en déceler toutes les nuances.
Le cinéaste fait preuve alors ici d’une esthétique qui profite quant à elle à merveille de l’époque dans laquelle se déroule l’histoire. Photographie brumeuse et terne, décors et costumes médiévaux d’une autre époque, « The Green Knight » est une œuvre dont nos yeux se délectent, tandis que le réalisateur enchaîne les mouvements de caméra aussi vertigineux les uns que les autres, faits de gros plans et plans rapprochés, de travellings et de panoramiques, tous révélateurs à mesure que le cinéaste prend du recul, lesquels changent alors notre vision d’une même scène, qu’elle soit réelle, rêvée, illusoire. Et c’est en ça que le cinéma de David Lowery se veut foisonnant, riche, et complet.

Quelle audace aussi d’avoir choisi Dev Patel dans la peau de Gauvain, lui qui a fait du chemin depuis son rôle de Jamal Malik au cinéma dans le film « Slumdog Millionaire » de Danny Boyle. Il y incarne ici un jeune homme qui n’a encore rien à raconter, lui que l’on retrouve au début du film dans une maison close, et qui a donc beaucoup à prouver pour arriver à la hauteur de l’héritage qu’on attend de lui, et ainsi passer à l’âge adulte. Face à lui, Ralph Ineson impressionne sous ses tonnes de maquillage dans le costume verdâtre du Chevalier vert arboricole. Notons aussi plusieurs seconds-rôles que le personnage de Patel rencontrera, tel ceux de Alicia Vikander, jouant ici à la fois une prostituée, et plus tard la femme d’un Seigneur, tous deux aux attentes indéchiffrables mais pleine de tentations envers Gauvain, au sein d’un « interlude ». Car oui, le montage du film de Lowery se dresse en différentes parties, chacune possédant un titre, révélant ainsi leur teneur, jusqu’à la dernière, totalement renversante, et dévoilant la nature épique culminante de cette aventure très particulière, à réserver donc à un public averti.



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