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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Valentina Maurel
Tengo Sueños Eléctricos
Sortie du film le 03 mai 2023
Article mis en ligne le 15 mai 2023

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 104’

Acteurs : Daniela Marín Navarro, Vivian Rodriguez, José Pablo, Segreda Johanning, Reinaldo Amien...

Synopsis :
Eva, 16 ans, vit avec sa mère, sa petite sœur et leur chat. Après la séparation de ses parents, elle ne pense qu’à une chose, quitter la maison et aller vivre avec son père qui, désorienté, traverse une seconde crise d’adolescence et se rêve une vie d’artiste. Mais Eva a du mal à trouver sa place, partagée entre l’insouciance de sa vie d’adolescente et la brutalité du monde adulte.

La critique de Julien

Premier film de la réalisatrice franco-costaricaine Valentina Maurel, laquelle a étudié à l’INSAS de Bruxelles et habite en Belgique, « Tengo Sueños Eléctricos » fait suite à ses deux courts-métrages « Paul est là » (2017) et « Lucía en el Limbo » (2019), dans lequel elle avait déjà dirigé l’acteur Reinaldo Amien. Avec le besoin de traiter d’une relation père-fille, ainsi que de montrer une facette bien moins rêvée du Costa Rica, la cinéaste a planté sa caméra dans la capitale du pays, San José, là où elle est née, et a grandi, « entourée de béton ensoleillé, dans une ville densément peuplée et assez chaotique ». Et c’est à la suite d’un casting ouvert qu’elle a rencontré la jeune Daniela Marín Navarro, jouant une jeune demoiselle en plein éveil sexuel, laquelle est déchirée entre sa mère (Vivian Rodriguez) et son père, en perdition, eux qui se sont séparés étant donné la brutalité impulsive et incontrôlable de ce dernier, dont les effets sont visibles sur sa petite sœur, Sol (Adriana Castro García), elle qui devient incontinente dès qu’il se laisse emporter. Mais alors que sa maman a touché un héritage d’une tante, cette dernière va profiter de celui-ci pour faire des travaux dans la maison, où elle ne souhaite plus aucune forme de violence depuis le départ de la figure paternelle, ce que rejette formellement Eva, 16 ans. Difficile alors pour elle de trouver sa place dans ce remue-ménage, en pleine crise d’adolescence, et de résister aussi à la fascination qu’elle éprouve pour son père, malgré la toxicité de leur relation, et les répercutions qu’elle entraîne sur elle et ses proches...

Récompensé à plusieurs reprises, dont au Festival de Locarno (meilleur.e acteur, actrice, réalisation) mais également à San Sebastian (Prix Horizontes Latinos), ou encore au Luxembourg City Film Festival (Grand Prix), « Tengo Sueños Eléctricos », traduit littéralement en français par « J’ai des Rêves Électriques », est un drame sous-tension, laquelle se ressent au travers de chaque plan que filme admirablement bien la cinéaste, croisant sans cesse le regard fébrile de ses personnages. Elle parvient également à capter de très jolis moments de cinéma, très cinégéniques, étant donné le regard réaliste et personnel qu’elle porte sur la ville de son cœur, qu’elle sait dès lors comment filmer, et cela malgré les courants instables traversés par ses sujets, en pleins tourments.

Passant de la tendresse à la haine, et cela sans préavis, cette histoire, à la sobre mise en scène filmant le quotidien, touche par sa retenue et son impartialité. Sa metteuse en scène ne porte, en effet, aucun jugement sur ses personnages, nous laissant dès lors la possibilité d’éprouver nos propres ressentis, dont face à cette demoiselle qui agit indirectement mal envers les femmes (sa maman et sa sœur) qui sont - et seront toujours - là pour elle, et qui ne lui dès lors feront aucun mal, ainsi que face à cet homme et père de famille explosif, incapable de contenir ses gestes, malgré l’amour qu’il porte aux siens, mais qu’il met en danger.

Sans chercher à trouver des solutions à cette situation ou à vouloir être moralisatrice, Valentina Maurel offre alors une photographie intime et complexe de relations humaines entre êtres en plein chamboulement familiaux et naturels. Mais il s’agit principalement ici du portrait d’une demoiselle qui doit, malgré elle, se défaire du schéma parental instauré depuis son plus jeune âge, alors qu’elle éprouve plus d’attirance, d’intérêt pour son père, bien qu’il ne soit pas un exemple à suivre, elle qui est, de plus, en pleine découverte de son corps, et de son appétit pour la virilité. Daniela Marín Navarro crève alors l’écran dans son rôle, tandis que Reinaldo Amien et Vivian Rodriguez sont loin d’être en reste, le premier dans la peau dudit père, lequel tente de calmer ses effusions colériques en suivant un atelier de poésie, et la seconde dans celle d’une maman face au désarroi de ne pas réussir à ramener sa fille à sa cause, son combat, elle qui est également en pleine reconstruction, dont amoureuse, avec l’ouvrier des travaux, ce qui ne plaira pas à Eva. Car « Tengo Sueños Eléctricos », c’est aussi un film qui parle d’unisson féminine face aux violences domestiques, tout en nuançant ici le propos, dont en le parsemant de moments très forts, très électriques, et même de sensualité, de chaleur, voire d’odeurs. Car il fait chaud, aussi bien de vie et d’amours blessés et contrariés, dans ce premier film bouillonnant d’ardeurs.



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