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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Marie Garel-Weiss
Sur la Branche
Sortie du film le 26 juillet 2023
Article mis en ligne le 2 août 2023

par Julien Brnl

Genre : Comédie dramatique

Durée : 91’

Acteurs : Daphné Patakia, Benoît Poelvoorde, Agnès Jaoui, Raphaël Quenard, François Rollin, Julie Moulier, Maud Wyler, Evelyne Buyle...

Synopsis :
Mimi a presque trente ans et rêve toujours à ce qu’elle pourrait faire quand elle sera grande. Mimi est bipolaire. Sa vie est ponctuée d’attaques de panique, de grandes joies trop intenses et de déprimes abyssales. Alors qu’elle se décide à chercher du travail, elle fait la connaissance de Paul, un avocat sur la touche qui a accumulé les affaires foireuses et qui est menacé de radiation du barreau. Mimi va convaincre Paul de défendre Christophe, un petit arnaqueur au casier judiciaire chargé qui clame son innocence. Si Paul voit dans cette affaire un come-back possible, Mimi y voit, elle, une mission, un chemin tout tracé vers la justice et la vérité.

La critique de Julien

C’est en 2018 qu’est sorti le premier film de la réalisatrice et scénariste française Marie Garel-Weiss, intitulé « La Fête est Finie » (2018), lequel témoignait d’un épisode de sa propre vie, lui qui nous immergeait dans le long combat et processus de guérison à la dépendance aux substances, et cela aux côtés de deux femmes (jouées par Zita Hanrot et Clémence Boisnard), dans un centre de désintoxication APTE (Aide et Prévention des Toxico-dépendances par l’Entraide). Alors qu’on lui doit depuis la fiction pour ARTE « Qu’est-ce qu’on va Faire pour Jacques ? » (2021), la metteuse en scène revient au cinéma avec « Sur la Branche », une tragi-comédie perchée, comme un oiseau sur sa branche, sauf que ses personnages, inadaptés, s’y agitent beaucoup, y perdent l’équilibre, et peu à peu, le contrôle de leur vie...

Alors que le titre du film est inspiré par la méconnue chanson des Frères Jacques « La Branche » (1973), ce film nous emmène à la rencontre de Mimi (l’actrice belgo-grecque Daphnée Patakia, vue dans le pétard mouillé « Benedetta » de Paul Verhoeven, sorti il y a deux ans, après beaucoup de retard), laquelle souffre de bipolarité sévère, d’obsessions et d’angoisses, elle qui « a peur de la vie ». Alors qu’elle sort du centre dans lequel elle était soignée, tout en étant suivie pour ses soucis psychologiques, la demoiselle vit désormais dans une colocation estudiantine, elle qui parle plusieurs langues, et cherche donc un travail, ayant soif de justice, de vérité, tout en étant vite dépassée par ses émotions... C’est ainsi qu’elle frappera à la porte d’une avocate, Claire (Agnès Jaoui), qui tente, elle, de sauver son cabinet, lequel est en trait de couler à causer des frasques de son ex-mari Paul (Benoît Poelvoorde), en disgrâce professionnelle, et menacé par des clientes dont il a volé de l’argent, lui qui vit désormais en ermite, et en pyjama, dans son appartement. Or, ces deux-là s’aiment encore, mais d’un amour impossible. Face au drôle d’oiseau qu’est Mimi, Claire, sans l’engager, lui proposera d’aller récupérer des dossiers chez Paul. Or, de leur rencontre va naître un drôle de duo, Mimi se prenant d’empathie pour Paul, qui sera quant à lui époustouflé par les capacités cognitives et de perspicacité de la demoiselle, malgré ses fragilités, et troubles, qu’il ne prendra d’ailleurs que trop tard au sérieux. Ensemble, et sous les motivations de Mimi (tout en jouant sur l’image que Paul pourrait renvoyer envers Claire, étant donné qu’ils passent par elle pour dialoguer), ils tenteront de défendre un petit arnaqueur mythomane, Christophe (Raphaël Quenard), mis à l’écart par une richissime famille qu’il pressent être la sienne...

« Sur la Branche » est un film qu’on pourrait classer parmi les ovnis. En effet, Marie Garel-Weiss réussit ici un film à la lisière de la comédie policière, douce-amère, et absurde. Par le biais de son personnage principal, très instable, et de surcroît malade, la réalisatrice joue de l’esprit particulier de Mimi pour créer des situations totalement imprévisibles, et aligner d’irrésistibles dialogues, saupoudrés à la fois de réalisme et d’irréalisme. La cinéaste fait dès lors ici exister ce personnage sans ancrage qui, dans la vraie vie, serait voué à être enfermé, ou très contrôlé. Phénoménale, Daphnée Patakia épate dans ce rôle de pure composition, sans jamais se moquer de la maladie, elle qui accompagne son personnage avec emphase, et intensité, quitte à dérouter par son jeu. En effet, l’actrice, qui parvient ici à garder son sérieux, offre une interprétation soutenue, ne baissant, par exemple, jamais les yeux dans des situations pourtant embarrassantes, elle qui déambule d’une certaine manière, et réagit au trois quarts de tour, et du tout au tout, sans aucun filtre, étant donné son trouble. Sa personnalité, à la fois solaire et terriblement seule, offre une dynamique incomparable à ce film, lequel parvient, avec légèreté et fatalité, à parler de ces êtres différents, aux pâles destins, lesquels vont, tant bien que mal, s’entraider. Autour d’elle, Benoît Poelvoorde, qui nous avait déjà touché dans le récent film « Normale » d’Olivier Babinet, est terriblement convaincant en avocat foireux, devenu un pauvre type, lequel ne croît plus en lui, mais qui pourrait, cependant, parvenir à remonter la pente s’il venait au bout du dossier que lui a ouvert, sur son bureau, Mimi. Le personnage d’Agnès Jaoui nous montre quant à lui toute la complicité qui existe encore entre ex-mari et femme, lui que l’on sent regretter la vie d’avant, à ses côtés, tandis que Raphaël Quenard, lui, dégage autant de jubilation à jouer qu’il nous l’a récemment montré. C’est, décidément, une révélation qu’on n’est pas près de lâcher, et que l’on verra prochainement chez nous (on l’espère) dans le prochain Quentin Dupieux, « Yannick ».

« Sur la Branche » est une œuvre qui fait du bien, qui se regarde comme une petite folie fantasque, elle qui offre un revers de comédie aux cruautés que la vie peut nous occasionner, ici en l’occurrence à des personnages singuliers, et forcément attachants. On est finalement autant pris de court par ce récit surréaliste - et donc sans cohérence - que par l’humanité fragile qui se dégage de ces derniers, et desquels tout peut ici arriver. Or, c’est un sentiment qui se dégage également de la cinématographie du film, à l’image de l’utilisation du Scope et ses plans larges, faisant de ses personnages des êtres si petit dans un monde qui le dépasse, en passant par les lumières, qui évoluent à l’inverse du parcours de sa super-héroïne, mais également des décors, des costumes et de la musique. C’est en quelque sorte une féérie, une parenthèse décalée dans la morosité de ces vies malmenées, qui leur redonne alors de l’espoir, malgré leur condition, dans une société qui a vite fait de placer ses individus...



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