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CINECURE
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Wolfgang Fischer
Styx
Sortie le 16 janvier 2019
Article mis en ligne le 29 octobre 2018

par Charles De Clercq

Synopsis : Rike, quarante ans, est médecin urgentiste. Pour ses vacances, elle a planifié un voyage en solitaire pour rejoindre l’île de l’Ascension depuis Gibraltar, une île au nord de Sainte-Hélène, où Darwin avait planté une forêt entière. Seule au milieu de l’Atlantique, après quelques jours de traversée, une tempête violente heurte son vaisseau. Le lendemain matin, l’océan change de visage et transforme son périple en un défi sans précédent…

Acteurs : Susanne Wolff, Gedion Oduor Weseka

L’on ne comprend bien tout le sens du titre du film que lorsque celui-ci se termine. Il s’agit d’une véritable descente aux enfers (Le Styx le Styx est l’un des fleuves et points de passage vers les Enfers dans la mythologie grecque). Le film de Wolfgang Fischer a reçu le prix Europa Cinema Label lors de la Berlinale 2018 et est l’un des trois finalistes du prix européen LUX qui sera attribué le 14 novembre 2018. Il concourt avec Woman at War (un film islandais de Benedikt Erlingsson) et le documentaire Druga strana svega (The Other Side of Everything) de la réalisatrice serbe Mila Turajlic (pas annoncé en Belgique, sauf une projection unique à Charleroi à Quai10, le 6/11 à 19h00) dont on trouvera ici une critique et présentation par Giuseppe Di Salvator (Filmexplorer.ch).

Commençant par quelques scènes (paradisiaques) de singes en liberté et en mode « parkour » dans Gibraltar dont on s’interroge si les images sont à mettre en lien avec le souhait de l’« héroïne » de rejoindre l’île de L’Ascension ou avec la liberté de l’animal dans une infrastructure humaine... (peu importe, la lecture à faire est peut-être tout autre) le film se conclut par un plan quasiment kafkaïen où tout s’exprimer dans une signature qu’il faudrait mettre au bas d’un document accusateur. Entre les deux, une virée paradisiaque en solitaire sur un voilier et, sur l’autre versant, un descente aux enfers dont la violence s’exprimera par des mots et du non dit, bien plus puissante et nauséeuse alors que rien de violent n’est montré à l’écran (ou quasiment pas). Au centre, une tempête qui fera se croiser deux mondes qui ne devraient pas se rencontrer et le font cependant jour après jour.

C’est que la navigatrice solitaire dont on aura découvert, après les scènes inaugurales, qu’elle était une médecin urgentiste efficace et compétente, va être confrontée à une situation éthique insoluble. L’on pourrait la comparer à ces dilemmes informatiques qui sont et seront posés par l’utilisation de véhicules autonomes à savoir qui faut-il sauver lorsqu’un accident est en passe de survenir et qu’il y a le choix entre plusieurs situations, sachant que, quel que soit le choix, il y aura des morts. Ainsi, exemple fictif, si un accident est en cours et que l’issue est la mort du conducteur, ou celle d’une maman enceinte, ou celle de trois vieillards.

Si le versant « virée solitaire en voilier » peut faire songer (un peu), après la tempête, à All is Lost de J. C. Chandor (2013). avec seul acteur, Robert Redford, et aucun dialogue (sauf ici, car il y a notamment les échanges radio avec un autre navire), l’après tempête bascule dans un autre monde. C’est qu’il y a un chalutier en détresse, sans équipage, avec à son bord de nombreux migrants. Ces gens qui fuient leurs pays en guerre (ou pour d’autres raisons) et qui n’ont que le Nord comme seul espoir. Des gens abandonnés qui prennent la mer comme seule issue... sans issue souvent, sans bouée de sauvetage.

Qu’en est-il si les autorités refusent toute intervention ou du moins diffèrent celles-ci de façon inhumaine, alors même que le petit voilier ne peut accueillir tous ceux qui sont condamnés à mort ? Que faire si l’un d’entre eux, jeune adolescent se jette à l’eau, voyant dans le voilier son seul espoir ? Voilà les dilemmes auxquels Rike est confrontée. Et il faut être dans la salle de cinéma pour entendre l’argumentation donnée et les réponses dont des règles de conduite (celles-là même que se donnent nombre de nos pays civilisés, ceux-là même qui ont conquis et exploités ces pays dont viennent ces migrants) aux antipodes de ce qui fait notre humanité et notre intelligence ? Et ici, c’est sans aucun manichéisme que la suite des événements va montrer le caractère insoluble du paradoxe auquel Rike est confrontée. Lorsqu’elle se trouve à l’eau, éjectée de son voilier et qu’elle comprend la détresse même qui l’y a entraînée ou encore lorsque ce sont les ressources en eau potable qui sont anéanties, que lui reste-t-il à faire ? Un choix à la fois destructeur et salvateur ?

C’est ce que Wolfgang Fischer fait découvrir à travers son film. Et lorsqu’aux rescapés succèdent des sacs noir mortuaires, remplis de cadavres, l’on ne peut que se souvenir de combien sont morts lors de traversées de la dernière chance, en mer ou dans le désert, peu importe. L’on se dira peut être que l’on ne peut accueillir toute la misère du monde... tout en pensant que s’il s’était agit d’un animal, l’on aurait fait beaucoup plus pour le sauver !

https://www.youtube.com/embed/X6EHvRyJy8w
Trailer Styx OV/d/f - YouTube


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