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CINECURE
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Thomas McCarthy
Spotlight
Sortie le 3 février 2016
Article mis en ligne le 17 janvier 2016

par Charles De Clercq

Synopsis : Adapté de faits réels, « Spotlight » retrace la fascinante enquête du Boston Globe – couronnée par le prix Pulitzer – qui a mis à jour un scandale sans précédent au sein de l’Eglise Catholique. Une équipe de journalistes d’investigation, baptisée Spotlight, a enquêté pendant 12 mois sur des suspicions d’abus sexuels au sein d’une des institutions les plus anciennes et les plus respectées au monde. L’enquête révèlera que L’Eglise Catholique a protégé pendant des décennies les personnalités religieuses, juridiques et politiques les plus en vue de Boston, et déclenchera par la suite une vague de révélations dans le monde entier.

Acteurs : Mark Ruffalo, Michael Keaton, Rachel McAdams, Liev Schreiber, John Slattery, Stanley Tucci.

Ce film ramène à la mémoire de pénibles et douloureux souvenirs relatifs aux scandales de pédophilie dans le clergé catholique. Ceux-ci ont été révélés depuis plusieurs années, ont fait la Une de la presse, la honte de nombreux fidèles et ont jeté le discrédit sur l’Eglise catholique. Toutes ces choses sont connues et sues pour le meilleur (la protection et la reconnaissance des victimes) et le pire (l’importance du scandale et la chape de silence des responsables). Aux Etats-Unis, notamment, cela a même conduit à la faillite de certains diocèses. Spotlight n’est pas tant la dénonciation de la pédophilie dans l’Eglise catholique que le retour sur une enquête quasi policière. Le résultat étant connu, est-ce qu’il y a un intérêt à raconter cette histoire et à la voir au cinéma puisque le suspens est réduit à néant ?

Au final, oui, plus que jamais. Certes pour ne pas occulter des pages sombres de notre histoire que d’autres films ont mis à jour, mais parce que Spotlight nous révèle les conditions d’une enquête qui n’était pas certaine d’être menée à terme. Nous sommes typiquement dans un film de type policier, mais où les investigateurs sont des journalistes comme dans Les Hommes du président (All the President’s Men) réalisé par Alan J. Pakula (1976).

Au cœur du récit, une ville américaine, Boston, essentiellement catholique, et deux institutions, l’archevêché et un quotidien The Boston Globe, quasiment en vis-à-vis. Nous sommes au début des années 2000 et le poids des institutions est important, fort et celles-ci sont intouchables. Ajoutons à cela la gestion des conflits à l’américaine, l’importance des avocats qui les gèrent à l’« amiable » et au prix d’accords de confidentialité. Enfin, « ce » dont il est question, proche de l’innommable est tellement tabou que c’en est littéralement incroyable. Comment des enfants peuvent-ils accuser des prêtres, si près de Dieu, qui ont parfois table commune avec leurs parents engagés dans la communauté ecclésiale ? Et si le mal existe, on ne peut le nier, il semble être le fait d’un très petit nombre de brebis galeuses. Il y a bien eu quelques entrefilets dans la presse qui ont relaté certains cas suspects.

Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’au moment où un nouveau rédacteur en chef est nommé Marty Baron (Liev Schreiber). Il est Juif et célibataire et va travailler avec deux journalistes Walter Robinson (Michael Keaton) et Ben Bradlee (John Slattery). Ils font partie d’une cellule d’investigation qui ne travaille pas sur le court terme, mais veut bétonner ses dossiers en se donnant le temps nécessaire, plusieurs mois s’il le faut. Le sujet est tabou et personne ne veut remuer le passé surtout si celui-ci ramène les remugles d’une fange en décomposition. Parce qu’à tirer sur un petit fil (un prêtre qui aurait abusé des enfants et aurait été « couvert » par les autorités catholiques et simplement déplacé dans une autre paroisse) il se pourrait bien que le maillage cède. Et tout comme il faut du temps pour qu’une cotte de mailles ne protège plus il faudra le temps pour trouver l’information et délier les langues. Interroger des prêtres, des victimes, leurs avocats, l’archevêque et ses conseillers. Il est des sujets dont on ne parle pas, enfermés dans des accords juridiques et/ou tus par copinage et amitiés et volonté d’éviter tout scandale qui éclabousserait non seulement l’Eglise catholique mais les notables de Boston.

Même si le résultat est connu, nous n’en dévoilerons pas plus pour que vous puissiez découvrir cela à l’écran. Comment les annuaires d’église, les postes occupés, les congés maladie ou autres permettront de dresser des listes qui montreront l’importance du scandale. Il ne s’agit pas d’un ou deux prêtres dévoyés, mais de 6% du clergé de Boston. Impensable. Jusqu’où peut-on aller ? Comment prouver les faits, être certain avant de publier et ne pas se faire couper l’herbe sous les pieds par un concurrent ? Et surtout que faire quand les coûts de l’investigation commencent à peser puisque celle-ci ne peut se concrétiser par une publication ? Bien plus quand les événements tragiques du 11 septembre 2001 surviennent ne risquent-ils pas de reléguer aux oubliettes tout le travail effectué, tant l’urgence et les conséquences des attaques terroristes relèguent tout le reste au second plan ?

Alors même que nous connaissons le résultat, nous vivons intensément cette enquête comme un thriller qui oppose l’âme catholique d’une communauté et sa voix (Le Boston Globe). Celle-ci va crier à la ville et au monde, urbi et orbi, que ce ne sont pas des hommes, de simples humains qui ont commis des abus sur des innocents, mais que ce sont, non pas les hommes du président, mais les hommes de Dieu, ses anges en quelque sorte, ses messagers. Ici, ils sont des anges déchus, corrupteurs, corrompus, qui sont couverts par des puissants pour le bien de la cité ! Il y a donc un silence, une omerta des notables alors même que les enfants (infans, littéralement sans parole) ne peuvent pas parler, doivent se taire et qu’ils ne sont pas crus lorsqu’ils parlent. Ne dit-on pas d’ailleurs aux enfants : « taisez-vous (silence !), laissez parler les grandes personnes ! ». Et il en sera de même lorsqu’ils seront devenus adultes et qu’il leur faudra toujours faire taire en eux l’enfant jadis abusé !

Outre la musique de Howard Shore qui vous remue les tripes, les entrailles et les images de toute beauté de Masanobu Takayanagi, on mettra en avant le jeu des acteurs, depuis les premiers et seconds rôles, depuis les enquêteurs jusqu’aux victimes et même leurs bourreaux et complices. Tous arrivent à donner une densité poignante à ce récit véridique - dans un film quasiment « documentaire » - qui vient nous éclater au visage. Enfin, une mention toute particulière pour Mark Mark Ruffalo qui ne choisit pas toujours la facilité des blockbusters et des films grand public. Il n’est pas ici un héros à la Marvel, mais un autre héros, ou plutôt, héraut d’une vérité à faire connaître, comme il le fit avec excellence en 2014 dans le trop méconnu The Normal Heart de Ryan Murphy.

Mise à jour : Ce n’est pas à propos du film, mais de son thème. Le site officiel d’information de l’Eglise catholique de Belgique reprend une information de La Croix : Une liste de clercs pédophiles rendue publique par un diocèse des Etats-Unis.

Spotlight : Trailer HD VO st bil
Spotlight : Trailer HD VO st bil

Adapté de faits réels, « Spotlight » retrace la fascinante enquête du Boston Globe – couronnée par le prix Pulitzer – qui a mis à jour un scandale sans précédent au sein de l’Eglise Catholique...
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