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CINECURE
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Pablo Larraín
Spencer
Date de sortie : 15/12/2021
Article mis en ligne le 11 décembre 2021

par Charles De Clercq

Synopsis : Au début des années 90, durant la période de Noël, la princesse Diana conclut que son mariage sans amour avec le prince Charles ne fonctionne pas. Elle va alors devoir s’écarter de la voie qui lui était tracée en tant que future reine.

Acteurs : Kristen Stewart, Sean Harris, Sally Hawkins, Timothy Spall, Jack Farthing, Richard Sammel

L’évangile de Diana Spencer selon Pablo Larraín pourrait être le titre de ce troisième biopic du réalisateur chilien, après Neruda et Jackie. C’est qu’il nous offre en quelques sortes des hagiographies de personnages célèbres en s’inspirant du réel, sans pour autant que ce soit intégralement la réalité historique. Dans notre critique de Neruda, nous écrivions « La vérité du poème transcende la réalité des faits ». C’est que dans ce film, toute comme dans Jackie et, maintenant Spencer, filme avec le souci de réalité, parce qu’il veut rendre compte d’une « histoire vraie » ! Toutefois, vérité n’est pas synonyme de réalité !

Même si le réalisateur s’appuie sur des événements réels (à savoir la relation adultérine du Prince Charles, la princesse Diana condamnée à jouer le rôle de parfaite épouse, le cadenassage de ses paroles, actions et apparitions par la Cour et son assignation à se couler dans le rôle qu’elle est sommée de jouer, il est plus que probable que nombre des « histoires » qui sont données à voir sont créées pour les besoins du film, même si elles s’originent dans des confidences, bruits de couloirs... Un film dont les décors se situent essentiellement en Allemagne (château-hôtel de Kronberg, château de Marquardt à Potsdam et au château de Nordkirchen).

Paradoxalement, même si ce n’est pas (exactement) la réalité cela donne plus de vérité à celui-ci et à son scénario. C’est d’une certaine façon à l’image des récits bibliques et tout particulièrement des Evangiles (d’où les mots qui inaugurent cette critique). De nombreuses histoires et faits qui sont racontés, rapportés, avec toute l’apparence d’un témoignage de type journalistique sont avant tout des constructions théologiques qui si elles ne sont pas « réelles » sont « vraies » au sens symbolique, philosophique et théologique (en tout cas pour ceux et celles qui adhèrent à ce corpus de croyance).

Kristen Stewart excelle à rendre compte, à donner corps à cette princesse si mythique qu’il pourrait paraître sacrilège à certains de montrer celle qui est restée vivante dans la mémoire de ses fans. Avant la « princesse Diana », c’est « Dina Spencer » qu’il nous est donné de découvrir, alors que justement, elle a découvert la relation adultérine de son prince de mari avec Camilla Parker Bowles présente elle aussi à la fête de Noël et qui portent toutes deux le même collier de perles offert par Charles !

Pablo Larraín construit ou reconstruit un récit de Noël, trois jours de la fin de l’année 1991 où la princesse sous constante surveillance, notamment de son écuyer Gregory (Timothy Spall, excellent off course !). Ce qui compte avant tout, c’est de garder les apparences de la structure d’une famille unie, d’une Cour qui se tient à la place qui est la sienne. Il faut donc que Diana respecte les règles du jeu, alors même que ces trois jours fatidiques nous feront découvrir cette épouse trompée, aimée de ses enfants qu’elle aime également, tentant de sortir de l’arène : physiquement (à l’extérieur du château ou à l’intérieur par sa boulimie) ou mentalement (quand la folie la guette ou semble l’atteindre et où il nous sera donné de voir certains de ses fantasmes et ses peurs). Cette épouse ne l’est plus que par les apparences (ce que lui rappelle son mari trompeur : il y a l’image extérieure à préserver et l’image intérieure à garder pour soi) n’aura de cesse de provoquer « la politesse des rois » en bravant les règles de la ponctualité.

Dans ce lieu froid (physiquement et psychologiquement), Diana trouve donc du réconfort auprès de ses enfants, mais aussi auprès de ceux et celles qui sont hors de la classe sociale à laquelle elle est assignée depuis sa naissance : son habilleuse (qui sera renvoyée à Londres), le chef de cuisine. Et s’agissant de cuisine, dès le début du film, nous voyons arriver les mets du week-end de façon quasi militaire. Tout est codifié, réglementé. On ne sort pas de son rôle ni de ces murs ! S’ajoute aussi la découverte d’un livre sur Anne Boleyn (l’épouse décapitée d’Henri VIII qui désirait une autre femme), livre qui jouera également un rôle dans la santé psychique de Diana. Bien sûr, rappelons-le, il ne s’agit pas nécessairement de la « réalité », mais de la vérité (hagiographique ?) sur le destin, fascinant et terrible d’une princesse, durant trois jours de Noël 1991. Elle avait trente ans, et la vie devant elle ! Une vie nouvelle débarrassée des liens qui la cadenassaient à une famille pour laquelle elle n’était qu’un pion assigné à son rôle.



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