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CINECURE
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Olivier Dahan
Simone, le Voyage du Siècle
Sortie du film le 12 octobre 2022
Article mis en ligne le 21 octobre 2022

par Julien Brnl

Genre : Biopic, drame

Durée : 139’

Acteurs : Elsa Zylberstein, Elodie Bouchez, Rebecca Marder, Judith Chemla, Olivier Gourmet, Mathieu Spinosi, Sylvie Testud, Philippe Torreton, Philippe Lellouche, Antoine Gouy, Laurence Côte...

Synopsis :
Le destin de Simone Veil, son enfance, ses combats politiques, ses tragédies. Le portrait épique et intime d’une femme au parcours hors du commun qui a bousculé son époque en défendant un message humaniste toujours d’une brûlante actualité.

La critique de Julien

Après Édith Piaf avec « La Môme » (2007) et Grace Kelly dans « Grace de Monaco » (2014), le réalisateur Olivier Dahan adapte aujourd’hui le parcours exceptionnel d’une autre grande figure féminine ; Simone Veil. « Simone, le Voyage du Siècle », c’est un projet porté par l’actrice Elsa Zylberstein elle-même, elle qui souhaitait depuis de nombreuses années consacrer un film à cette magistrate et une femme d’État française entrée au Panthéon avec son époux le 1er juillet 2018. C’est d’ailleurs l’actrice qui a proposé le nom du réalisateur aux producteurs du film. Depuis longtemps repoussé en salles (aux dernières nouvelles, il était censé sortir en février dernier, lui qui a vu ses avant-premières débuter il y a un an), ce film biographique retrace, de manière non-linéaire, les grandes lignes de la vie de cette dame inspirante, ayant notamment, par ses actions, permis de dépénaliser le recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), par une loi couramment appelée la « loi Veil »...

De ses vacances en famille à La Ciotat, alors qu’elle était enfant, à leur terrible déportation à Auschwitz lorsqu’elle avait que 16 ans, en passant par ses études de droit et de science politique, avant sa présidence du Parlement européen, elle qui deviendra ensuite, et notamment, ministre d’État, Olivier Dahan nous parle avec beaucoup de passion de cette grande dame, considérée comme une icône de la lutte contre la discrimination des femmes en France, elle qui a mené d’innombrables combats. Pourtant, ces derniers sont loin d’être terminés, à l’égard notamment de ladite loi, alors que le Sénat français débattait, pas plus tard que ce 19 octobre 2022, d’une loi visant à l’inscrire dans la Constitution, ce qui a été rejeté par ses votants, et qui signifierait donc qu’elle pourrait être défaite par une simple loi, plutôt que de figurer au sommet de la hiérarchie des normes françaises (la situation est évidemment plus complexe qu’elle n’est présentée ici)...

Par ce portrait, Dahan évoque notamment une période de l’Histoire française qui lui tient à cœur, car marqué par son père, lequel était un militant antiraciste rapatrié d’Algérie, ayant échappé aux rafles allemandes. Il faut dire que le cinéaste nous plonge longuement ici dans l’enfer des camps de concentration, mais comme on les a déjà vus à de très nombreuses reprises, lequel insiste notamment ici, et avec voyeurisme, sur les ravages du typhus, dont est décédée la maman de Simone Veil, tandis que son père et son frère y ont été tués. Le film ne nous épargne alors en rien l’horreur de la Shoah, et les étapes de la détention de Veil, d’un prisonnier lui ayant conseillé de dire qu’elle avait 18 ans, à son matricule de travail 78651 tatoué sur le bras, jusqu’à sa rencontre avec une ancienne prostituée devenue kapo lui ayant sauvé la vie en la mutant dans le camp de Bobrek (à cinq kilomètres de Birkenau) sous prétexte qu’elle « était trop belle pour mourir », sans oublier la marche de mort jusqu’à Gleiwitz à l’issue de l’évacuation des camps devant l’avancée de l’Armée rouge. Le cinéaste se permet même de s’approprier un récit verbatim écrit par Simone Veil, et récité par le personnage d’Elsa Zylberstein, en commentant un long plan-séquence d’images de paysages qui défilent à l’écran, lequel essaie de restituer la puissance des mots de celle qui les a écrits, expliquant que survivre à Auschwitz peut être une épreuve encore plus grande ; le souvenir et la mémoire ayant chacun ici un grand rôle symbolique dans ce biopic.

« Simone, le Voyage du Siècle » ne fait donc pas dans la légèreté, à l’image de sa mise en scène, en mosaïque, laquelle passe d’une époque à une autre, et nous fait perdre la tête, tout en nous la cassant au passage. Criard et larmoyant, le film d’Olivier Dahan appuie en effet trop ici les discours défendus par Simone Veil, à l’égard de celui qu’elle a présenté au Parlement, sur l’IVG, lui ayant valu des injures et des menaces de mort, tandis qu’on peut y voir durant un longue séquence - s’éternisant - les visages en gros plans de députés enragés, lui répondant chacun à leur tour, sur fond noir. Mais en plus de le faire avec les gros sabots, ce film ne nous apprend pas plus de choses sur le personnage que pourrait nous l’apprendre sa page Wikipédia, malgré quelques pans de son existence moins connus, jusqu’à l’écriture de ses mémoires. Quant à l’utilisation de la musique, surdosée, celle-ci, au lieu de porter l’émotion, l’assomme à plusieurs reprises.

Pour se consoler, on pourra toujours apprécier ici le travail effectué au niveau des maquillages (prothèses à la clef), Elsa Zylberstein étant méconnaissable (elle a pris huit kilos pour ce rôle), elle qui épouse la posture, les expressions, le phrasé de Simone Veil avec honneur, et respect, au même titre que l’actrice Rebecca Marder, qui l’incarne de ses 15 à 37 ans. Olivier Gourmet est également métamorphosé dans la peau d’Antoine Veil, son époux, lequel subissait chaque matin près de cinq heures de maquillage. Aussi, il est difficile de ne pas se laisser porter par l’incroyable histoire de cette dame, et tout ce qu’elle a réalisé, combattu, elle qui a toujours œuvré pour les autres, et aidé à la réconciliation franco-allemande, ou encore à la construction européenne, et cela malgré l’académisme maladroit de ce biopic sinueux, et quelque peu pompeux dans sa mise en scène.



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