Bandeau
CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Kristoffer Borgli
Sick of Myself (Sik Pike)
Sortie du film le 05 juillet 2023
Article mis en ligne le 6 juillet 2023

par Julien Brnl

Genre : Comédie dramatique

Durée : 95’

Acteurs : Kristine Kujath Thorp, Eirik Sæther, Fanny Vaager, Andrea Bræin Hovig, Anders Danielsen Lie...

Synopsis :
Signe vit dans l’ombre de son petit ami Thomas, à qui tout réussit. En manque d’attention, elle décide de faire croire à son entourage qu’elle est atteinte d’une maladie rare. Mais le mensonge fonctionne un peu trop bien, et elle est vite prise à son propre piège.

La critique de Julien

C’est plus d’un an après avoir été présenté dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2022 qu’on a (enfin) la chance de découvrir sur nos écrans la dernière pépite satirique à l’humour au vitriol venue du cinéma scandinave. Alors que son second film « Dream Scenario » est en plein tournage, Kristoffer Borgli nous met, en effet, mal à l’aise avec « Sick of Myself », imprévisible et inconfortablement drôle ancrage dans le monde réel...

On y suit Signe (Kristine Kujath Thorp), une demoiselle barista vivant en couple à Oslo avec un artiste en vogue (Eirik Sæther), alors spécialisé dans les sculptures réalisées à partir de meubles volés. Sauf que cette dernière ne brille pas autant en société que lui, et peine à attirer le regard d’autrui, même celui de son compagnon, avec lequel il existe même une sorte de compétition toxique narcissique. En effet, aucun d’eux ne se soucie vraiment de l’autre, les deux faisant ressortir le pire d’eux-mêmes en société. Exacerbée par le succès de Thomas, et révélée à la suite d’une expérience traumatisante au travail où tous les regards ont été braqués sur elle, telle une victime, Signe va se mettre à apprécier de plus en plus qu’on se soucie d’elle. Elle va alors découvrir l’existence du Lidexol, soit un puissant anxiolytique d’origine russe, et illégal, étant donné ses effets secondaires sur la santé, dont une grave maladie de la peau, se manifestant par des inflammations et des sortes d’épaisses plaques rouges aux allures d’eczéma. Après s’en être procuré auprès d’un ami trafiquant de drogue, Signe va dès lors en consommer jusqu’à parvenir à attirer l’attention sur elle, et donc jusqu’à l’overdose, et devenir, à son tour, le centre de la discussion, et même à la Une, tout en s’enfonçant dans une spirale infernale...

« Sick of Myself » est une œuvre cynique et dérangeante, au travers de laquelle on assiste, médusé, ainsi qu’amusé, aux comportements humains dans tout ce qu’ils peuvent avoir d’absolument impulsif, faisant obstacle aux convenances et morales sociales. Car le triste et solitaire personnage de la troublante Kristine Kujath Thorp va perdre ici le contrôle face à son appétit démesurée de reconnaissance, d’existence, de pitié face à sa condition d’être humain lambda, effacé aux yeux du monde, lequel va dès lors incarner un personnage qui va se cacher sous un autre visage (quitte à déformer le sien !).

« Sick of Myself », bien que produit par ceux à qui l’on doit « Julie (en 12 Chapitres) / The Worst Person in the World » (2021) de Joachim Trier, n’en partage pourtant rien, si ce n’est la courte et pourtant irrésistible présence de l’acteur Anders Danielsen Lie au casting, au même titre que d’autres personnages secondaires, s’invitant dans de cruelles scènes imaginées par Signe, résultant de ses nombreux épisodes de somnolence, suite à sa prise du puissant médicament anti-anxiété. La mise en scène du film joue dès lors de nos émotions, poussant la trajectoire destructive de Signe à son paroxysme (quelques scènes gores sont au menu), ou vers des pistes de solutions, sans que ces instants soient pour autant réels...

Adepte de l’humour noir, Kristoffer Borgli nous livre un film qui se regarde avec une certaine appréhension, alors que nos dents grincent souvent, face à la descente aux enfers de Signe, créant l’effroi, et le malaise, sans qu’on ne puisse s’empêcher de rire jaune face à la perversité et au côté disruptif de l’ensemble. Or cela est voulu ! En témoigne une scène où ledit couple simulera dans leurs paroles, en plein acte sexuel, la mort de Signe, celle-ci atteignant l’orgasme en s’imaginant ainsi la foule présente à l’enterrement, dont sa meilleure amie qui lui a tourné le dos (laquelle y sera volontairement refusée), ainsi que son père, avec lequel la jeune femme semble ne plus avoir contact...

« Sick of Myself » traite alors avec une certaine dose de mépris de la société actuelle et de la question de la célébrité, ainsi que de la victimisation. Ainsi, si Signe agit de la sorte, est-ce parce qu’elle est victime, ou folle ? Ne se met-on finalement pas en danger pour une bonne raison ? Kristoffer Borgli déstabilise, et nous offre ainsi un film aussi froid qu’interrogatif, mettant en images l’un des fléaux de notre monde actuel, soit la soif de notoriété, d’écoute, peu en importe le prix à payer. Cependant, son film manque de profondeur dans ses propos, ne grattant jamais le vernis. On a d’ailleurs l’impression que le réalisateur n’a pas su comment conclure son film. Et c’est bien dommage, d’autant plus que tout ce qui arrive à Signe, passe, finalement, par les mailles du filet de la médecine générale. Mais cela n’empêche en rien d’apprécier ce film pertinemment très machiavélique, et subversif à souhait !



Espace privé RSS

2014-2024 © CINECURE - Tous droits réservés
Haut de page
Réalisé sous SPIP
Habillage ESCAL 5.0.11