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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Justine Triet
Sibyl
Sortie le 29 mai 2019
Article mis en ligne le 10 juin 2019

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2019 ;
  • Virginie Efira retrouve la cinéaste pour la seconde fois consécutive après « Victoria » (2016), déjà présenté en ouverture de la Semaine de la critique au festival de Cannes, tandis que son premier film, « La Bataille de Solferino » (2013), avait quant à lui été présenté à l’ACID à Cannes ;
  • première fois que Justine Triet filme un paysage naturel, étant donné qu’une partie du film a été tourné en décors réels à Stromboli.

Résumé : Sibyl est une romancière reconvertie en psychanalyste. Rattrapée par le désir d’écrire, elle décide de quitter la plupart de ses patients. Alors qu’elle cherche l’inspiration, Margot, une jeune actrice en détresse, la supplie de la recevoir. En plein tournage, elle est enceinte de l’acteur principal… qui est en couple avec la réalisatrice du film. Tandis qu’elle lui expose son dilemme passionnel, Sibyl, fascinée, l’enregistre secrètement. La parole de sa patiente nourrit son roman et la replonge dans le tourbillon de son passé. Quand Margot implore Sibyl de la rejoindre à Stromboli pour la fin du tournage, tout s’accélère à une allure vertigineuse…

La critique de Julien

Pour son nouveau film, Justine Triet gagne du terrain. Souvenez-vous, son précédent film, la tragi-comédie « Victoria », narrait un morceau de vie d’une avocate, et femme contemporaine, qui essayait d’aider tout le monde avant de s’aider elle-même, alors perdue dans son existence. Présenté en ouverture de la Semaine de la critique au festival de Cannes 2016, le film avait enthousiasmé la critique, permettant aussi à Virginie Efira d’acquérir une certaine notoriété, qui n’a d’ailleurs jamais cessé de grandir. La preuve en est aujourd’hui, l’actrice ayant été nommé cette année au César du cinéma dans la catégorie Meilleur actrice pour « Un Amour Impossible » de Catherine Corsini, ainsi que dans celle de la Meilleure actrice dans un second rôle pour « Le Grand Bain », tandis qu’on la retrouvera l’année prochaine dans « Police » d’Anne Fontaine, ainsi que dans le prochain film d’Albert Dupontel « Adieu les Cons », sans oublier le tant attendu « Benedetta » de Paul Verhoeven, dans lequel elle interprétera la nonne italienne Benedetta Carlini, arrêtée et jugée pour homosexualité à l’aube de sa béatification au XVIIe siècle. Autant dire qu’on est impatients ! Mais avant cela, place à « Sybil », le troisième long métrage de Justine Triet, dans lequel elle tient une fois de plus le haut de l’affiche, face à Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel, ou encore Niels Schneider (son compagnon actuel, rentré sur le tournage du dernier film de Catherine Corsini).

Dans cette étrange comédie dramatique, il est question d’une romancière reconvertie en psychanalyste, mais soudainement rattrapée par le désir d’écrire. Alors qu’elle décide de se séparer de la quasi totalité de ses clients pour se concentrer sur l’écriture, Margot, une jeune actrice en détresse, va la supplier de l’aider, elle qui est en plein tournage d’un film, mais surtout enceinte de l’acteur principal, qui est lui en couple avec la réalisatrice du film... Sibyl va alors s’éprendre de cette histoire, laquelle va dès lors nourrir son roman (en enfreignant les principes déontologiques de son métier), mais surtout la confronter à son propre passé, tandis qu’elle accompagnera la jeune femme sur le tournage du film à Stromboli, à la demande de cette dernière, alors à bout...

Alors que le personnage principal s’offre un nouveau départ dans sa vie, et affiche, à priori, une vie sentimentale et psychologiste stable, il ne lui faudra pas longtemps pour se retrouver confronter à une source d’inspiration qui va alors accélérer son processus de création à vitesse vertigineuse : Margot. Mais à mesure que Sibyl se retrouvera à écouter et suivre cette demoiselle, il se passera comme une sorte d’authentification à son histoire, laquelle va alors réveiller d’ancien démons et désirs enfuis en elle, tandis qu’elle s’était justement battue jusque-là pour s’en séparer... Ce passé en question est alors matérialisé à l’écran par des flash-back silencieux, qui viennent ainsi se superposer au vécu de Sibyl. Le montage permet alors le parallélisme entre l’histoire de ces deux femmes, reflet l’une de l’autre en miroir inversé. Troublant, « Sibyl » l’est, tandis qu’il joue sur plusieurs tableaux. Il y a tout d’abord cette femme qui cache un passé houleux, mais qui a décidé de l’oublier, et de se réinventer, bien qu’il revienne à la charge. Dans ce rôle, Virginie Efira offre une nouvelle fois un jeu dense et en retenue, laquelle montre la déconstruction de son personnage par fragments. Le film traite alors des racines familiales, des origines dont on a parfois envie de s’éloigner pour mieux rebondir, bien que l’échappatoire n’est jamais acquis, tout comme des revers de l’échec de la vie conjugale, et de la parentalité non-assumée. Il y a aussi le monde de la psychanalyse qui est ici représenté, et plus précisément dans sa rencontre parfois déstabilisante avec ses sujets. Enfin, « Sibyl » illustre l’envers du décor du milieu du cinéma, où tout est intensifié, et où le moindre dérapage peut prendre une envergure démesurée. C’est au travers des personnages d’Adèle Exarchopoulos (Margot, qui ne cesse de pleurnicher), de Gaspard Ulliel (Igor, l’éternel amant baratineur et séducteur promettant monts et merveilles) et de Sandra HÜller (Mika, la réalisatrice du film dans lequel son compagnon infidèle tourne avec Margot) que cet aspect est convoité, sans pour autant convaincre. C’est que bien que ce trio amoureux permette au personnage de Sibyl de plonger et dès lors de se révéler, il peine à nous parler, et encore moins à nous toucher, tant on reste hermétique à son impossibilité, si classique dans le monde actuel que nous connaissons, et aux enjeux trop nets. Dans l’absolu, « Sibyl » s’éparpille un peu, tout comme le faisait déjà « Victoria », le précédent film de la réalisatrice, bien qu’il aborde ici des sujets plus ambitieux. De plus, la portée de l’histoire de Margot envers celle de Sibyl n’est pas toujours nuancée dans ses finitions. Certes, on comprend ô combien son histoire la touche, mais pas de là à détruire tout ce qu’elle avait parvenue à reconstruire jusque-là.

Tourné en partie dans les magnifiques paysages volcaniques de l’île italienne de Stromboli, « Sibyl » déborde un peu de partout. Passé et présent se bousculent dans cette intrigue foisonnante, abordant autant de questions que de sentiments.



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