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Patric Chiha
Si c’était de l’amour
Date de sortie : 16/09/2020
Article mis en ligne le 10 septembre 2020

par Charles De Clercq

Synopsis : Ils sont quinze jeunes danseurs, d’origines et d’horizons divers. Ils sont en tournée pour danser Crowd, une pièce de Gisèle Vienne inspirée des raves des années 90, sur l’émotion et la perception du temps. En les suivant de théâtre en théâtre, Si c’était de l’amour documente leur travail et leurs étranges et intimes relations. Car les frontières se troublent. La scène a l’air de contaminer la vie – à moins que ce ne soit l’inverse. De documentaire sur la danse, le film se fait alors voyage troublant à travers nos nuits, nos fêtes, nos amours.

Attention : Le film sera uniquement projeté au cinéma Galeries à Bruxelles.

 De la fiction au documentaire. De la scène à l’écran !

Cette critique du quatrième long-métrage du réalisateur autrichien Patric Chiha s’écrira à la première personne, abandonnant l’espace d’une critique le « nous » dit de « modestie » pour tenter de rendre compte, non pas tellement du film en lui-même (et encore moins de la « pièce » au cœur du film, ne l’ayant pas vue alors qu’elle a été présentée à plusieurs reprises en Belgique). A la sortie de la vision presse, un confrère disait qu’il était important d’avoir vu l’œuvre de Gisèle Vienne pour comprendre le film. Peut-être, mais (s’)imposer cela, c’est se priver du plaisir de découvrir quelque chose d’éminemment singulier !

J’ai vu le deuxième long-métrage de fiction de Patric Chiha Boys Like Us (2014) et son premier documentaire Brothers of the Night (2016). Si c’était de l’amour est donc le 3e que je découvre. Il reste à me procurer son premier Domaine, avec Béatrice Dalle, d’autant qu’à la fin de son interview Patric Chiha l’a recommandé (*).

A dire vrai, un peu de dyslexie ajoutée à une lecture trop rapide du synopsis m’avait fait lire « Patricia Chica » ! C’est que j’avais été touché par le court-métrage de fiction de cette documentariste canadienne Morning After, où il était question de « fluidité sexuelle ». A lire le synopsis entre les lignes, le documentaire de Patric Chiha pouvait naviguer dans ces eaux-là, au vu notamment de films précédents !

 La confusion des genres ?

Ce documentaire sur une tournée de Crowd (une « pièce » de Gisèle Vienne sur les raves des années 90) fera peut-être sortir certains spectateurs de leur zone de confort. « Pièce » est entre guillemets, car le terme ne semble pas convenir. S’agit-il d’une œuvre, d’une chorégraphie, d’une rave, d’un spectacle ? Tout et rien de cela ? D’autant que celle-ci entraine la « confusion des genres », à plusieurs sens : ceux qui se donnent à voir, pressentir, ressentir durant le film/pièce, mais également le film en lui-même qui en voulant rendre compte du « travail » de Gisèle Vienne (travail aussi au sens fort du terme, de la douleur de l’enfantement) s’en détache et s’y lie tout à la fois !

https://www.youtube.com/embed/QjjnqarGeoA
Crowd. Gisele Vienne - Extrait.

Le film porte un titre qui fait penser (mais pour Patric Chiha c’est autre chose dont il est question) à une phrase d’une danseuse (dans le film) : « Si seulement c’était de l’amour. » Il débute par une longue scène d’ouverture, sans explication, où l’on pulvérise de l’eau sur la tête et les vêtements de comédien·ne·s et se clôture par des images d’archives en 4/3 d’une soirée au Palace.

A découvrir Crowd (à travers la relecture qu’en fait Patric Chiha), il s’agit d’une œuvre qu’il faut ancrer dans le sol. Il faut s’enraciner pour pouvoir se redresser ! Mais (avec mes références, mes impensés) ce sol c’est aussi de la poussière, de l’humus, ce qui fait de nous des humains selon la tradition judéo-chrétienne, c’est même de la boue (grâce à l’eau du début du spectacle ?), et donc de la glaise, celle-là même dont fut tiré « Adam » !

 Un va et vient entre fiction et réalité ?

Les « personnages » (le vocabulaire peine à trouver un équivalent de ce que l’on voit et se donne à voir !) ont un sous-texte qui les nourrit. On le découvre à l’écran. Mais ces sous-textes et leurs représentations se nourrissent de leurs expériences. Ils en rendent d’ailleurs compte dans leurs échanges probablement suggérés, proposés dans la phase de (re)construction d’un récit via la médiation du film. Mais, à la découverte de celui-ci se pose une question [je me pose !] : est-ce que ce qui est en scène ne rejaillit pas sur leur existence ? Sur ces interprètes ? Sur leurs affects, leur sensualité, leur affectivité ? Leur sexualité ? Leur genre ? Une sorte de travail d’aller-retour, en amont et en aval.

 Un espace pour la fluidité ?

Si c’était de l’amour s’ouvre au désir, ouvre un espace pour la fluidité affective, sensuelle. Du moins c’est mon ressenti (qui me renvoie encore au court de Patricia Chica, Morning After) !

J’ai vu le film comme une invitation à dépasser les genres. A ce sujet, un des personnages est transgenre… dans le récit qui le constitue sur la scène. Mais il s’agit d’une information qu’en principe le spectateur n’aura pas. Ce n’est que parce qu’elle est intégrée par le comédien/acteur/danseur que cela pourra se donner à voir ou pas.

Il y a, pour conclure, les images de fin, tournée en 1988 par Arnold Pasquier (c’est le générique qui donne l’information) au Palace. Elles sont documentaires (dans le documentaire !), mais brutes, sans construction ou reconstruction d’un récit si ce n’est par le choix des images dont celles d’un baiser entre deux jeunes gens qui renvoie, par delà le temps à ces baisers échangés (ou pas) dans la fiction de l’œuvre de Gisèle Vienne.

Un film à voir absolument avant de découvrir le cinquième long de Patric Chiha qui devrait s’inspirer de La bête dans la jungle de Henry James. Autant dire qu’il ne choisit pas le texte le plus facile et qu’on l’attend donc avec impatience.

* NB : Lien vers l’interview de Patric Chiha, réalisée dans le cadre du BRIFF et diffusée sur les antennes des radios RCF en Belgique (Bruxelles, Liège et Namur).

https://www.youtube.com/embed/TI4c0QG1BDA
Si c'était de l'amour - Patric Chiha (bande-annonce)


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