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Marta Bergman
Seule à mon mariage
Sortie le 6 février 2019
Article mis en ligne le 12 février 2019

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • premier long métrage pour la cinéaste belge Marta Bergman après plusieurs documentaires, dont « Un Jour mon Prince Viendra » (1997), dans lequel il déjà question de trois filles roumaines qui cherchaient un homme occidental, ainsi qu’une vie meilleure ;
  • présenté dans le cadre de la sélection de l’ACID au dernier Festival de Cannes.

Résumé : Pamela, jeune Rom insolente, spontanée et drôle, ne ressemble à aucune fille de sa communauté. Elle vit seule avec sa grand-mère et son bébé dans une cahute où elles partagent le même lit. Mais que faire avec une enfant de deux ans quand on rêve d’être libre ? Pamela s’embarque vers l’inconnu, rompant avec les traditions qui l’étouffent. « Lapin, pizza, amour », trois mots de français et l’espoir d’un mariage pour changer son destin et celui de sa fille.

La critique de Julien

Pour son premier film, en l’occurrence de fiction, Marta Bergman s’intéresse à l’émancipation d’une jeune maman rom, laissée, comme bien des semblables, sur le banc de touche de la société, cherchant une vie bien meilleure, loin des traditions, même si cela nécessite de faire des compromis, et de s’envoler vers de nouveaux horizons.

Dans « Seule à mon Mariage », on suit la route de Pamela, qui décide de passer par une agence spécialisée en mariage « organisé », dans le but de vivre loin de la misère dans laquelle elle vit, avec sa grand-mère et fille, dans un taudis aux alentours assez pauvres de Bucarest, en Roumanie. Elle fera alors la connaissance de Bruno, sur Internet, et quittera son enfant, une nuit enneigée, lui laissant comme seul souvenir d’elle un pull rouge imprégné de son odeur, lequel elle aura enfilé à un ours en peluche... Mais arrivée sur place, Pamela ne se doutera pas une seconde des difficultés d’adaptation qui l’attendent, entre manque de repères, barrière de la langue, ou encore déception sentimentale...

La cinéaste Marta Bergman réalise ici une œuvre intime et pleine de liberté, qui reflète une réalité assez méconnue, soit celle de ces femmes de l’Est qui tentent leur chance en Occident, et cela pour diverses raisons. Pour cette jeune femme, pleine de fugue et quelque peu inconsciente, il y a tout d’abord l’envie de vivre sa vie, en ouvrant plus de portes que son pays, dans sa propre situation économique et sociale actuelle, ne peut lui en proposer. Ensuite, il y a très certainement ce besoin de bâtir un avenir meilleur pour elle est sa fille, afin de leur offrir un futur stable. Enfin, ce n’est pas en restant dans des terres reculées, à fréquenter toujours les mêmes personnes, que l’on finit par rencontrer sa moitié. Et pour bien d’autres raisons, encore.

L’un des points forts du long métrage, c’est de montrer à la fois les bons, comme les mauvais moments de ce saut vers l’inconnu. En effet, le parcours de Pamela sera semé d’embûches, malgré le fait qu’elle soit en plus entourée d’un homme bienveillant, respectueux, mais tout aussi solitaire qu’elle. Dès lors, difficile notamment de construire des liens affectifs. Car finalement, c’est la distance sentimentale qu’elle « gagnera » au change. Son histoire n’est donc en rien le rêve éveillé tend recherché, mais plutôt un passage à vide constructif, soit la réalité de la vie, ce qui ne l’empêchera cependant pas, avec le temps, de prendre ses marques. La caméra de Marta Bergman capte alors toutes les émotions de son héroïne des temps modernes. Dans ce rôle, Alina Ioana Serban est rayonnante d’un bout à l’autre, elle dont le personnage ne perd jamais espoir, malgré les déconvenues qu’elle va vivre, et le regard qu’on va lui porter. L’actrice interprète ici son premier rôle au cinéma, elle qui est une artiste de théâtre, et militante rom. Pétillante, son regard, son innocence, ou encore son sourire nous permet de ressentir de l’empathie pour son rôle, et cela malgré ses (nombreuses) sorties de route. Car on ne peut être humains sans faire d’erreurs.

Mais en fixant sa caméra sur son seul personnage principal, « Seule à mon Mariage » paraît parfois long, non pas que ce dernier n’est pas consistant (loin de là), mais parce que le scénario manque certainement d’entrain, et de rebondissement fictionnels, de moments forts qui sortiraient ainsi du lot, et qui permettraient au récit de changer de ton. Car finalement, il ne se vit essentiellement qu’au travers du regard de cette maman, et de ses ressentis. Ainsi, si l’on apprécie, par exemple, énormément la relation qu’elle vit avec Bruno (l’acteur flamand Tom Vermeir, vu notamment dans « Belgica »), son dénouement reste flou, et frustrant, alors qu’il y avait justement là matière à étoffer l’histoire, en faisant rentrer en compte un personnage secondaire (eux se comptent d’ailleurs ici sur les doigts de la main). Dès lors, le film manque de rétroaction, notamment entre ses personnages. On aurait ainsi préféré que les (quatre !) scénaristes prennent en compte plusieurs points de vue, ne fût-ce que pour donner du répondant aux personnages que Pamela rencontre sur son chemin, lesquels elle ne laisse indifférents.

« Seule à mon Mariage » reflète beaucoup plus le combat intérieur d’une femme en quête d’épanouissement personnel et familial, qu’il ne sert la cause, à proprement parler, de la condition de la femme rom. Car une fois arrivée dans un endroit qu’elle ne connaît pas, Pamela devient une étrangère comme une toute autre, mais avec une personnalité bien à elle, loin des carcans de celles de sa génération et de sa condition.



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