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CINECURE
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Christian Frosch (2014)
Rough Road Ahead (Von jetzt an kein Zurück)
Sortie au BRFF le 9 juin à 19h00 (Flagey 5)
Article mis en ligne le 11 juin 2015

par Charles De Clercq

Présentation : Ruby et Martin, deux étudiants influencés par le vent nouveau qui souffle sur les années 60, s’aiment éperdument et aspirent à un changement radical face au conservatisme de leurs parents et de la société. Pour les calmer, ils sont placés dans un couvent et dans un centre de redressement. Superbement interprété, ce film fort et subtil traite du lourd héritage historique de l’Allemagne nazie, qui continuera à hanter les générations d’après-guerre.

Acteurs : Victoria Schulz, Anton Spieker, Ben Becker.

Un coup de cœur et un coup au cœur que ce film qui est parmi les très bons films que j’ai vus durant le 13e Festival. Le film est en noir et blanc, sauf quelques scènes qui se déroulent dix ans après les faits traités depuis le début du long métrage. Celui commencerait donc en 1967. Il y a là un léger anachronisme, car les célébrations eucharistiques que l’on voit semblent pré-concilaires.


Petit coup de gueule dans mon coup de cœur !
Sur ce point, cela peut être dû à un phénomène que j’ai déjà remarqué dans plusieurs films qui ont des éléments religieux catholiques, même peu importants : une totale inculture des rites catholiques. Après l’adhésion, suivie du rejet puis de l’indifférence, tout cela est passé en terre de totale étrangeté. A tel point qu’on ne demande même pas à une scripte ou documentariste de vérifier un peu les choses. Ainsi, dans ce film également, une des protagonistes situe la « transsubstantiation » après l’Agnus Dei. Si vous ne voyez pas le problème, c’est que vous aussi vous êtes en décalage. Ce n’est pas un reproche de ma part du fait que je suis « curé », mais simplement que la distance est telle aujourd’hui avec « notre » fait religieux que c’est tout au mieux perçu de manière folklorique !


Il s’agit du premier rôle pour Victoria Schulz (Ruby) que l’on retrouve un an plus tard dans Dora oder Die sexuellen Neurosen unserer Eltern également projeté durant ce Festival. A ses côtés, Martin est joué par Anton Spieker qui vient du monde des séries. Ces deux acteurs sont plus âgés que le rôle d’ados qu’ils interprètent, mais l’on peut en faire abstraction, d’autant que cela les rend crédibles dix ans plus tard.

Ce sont les démons de l’Allemagne qui sont ici évoqués. Les parents refusent l’autonomie de leurs enfants et reproduisent alors sur eux les attitudes de domination qui sont celles-là même que celles du nazisme. Non seulement les parents, mais les autorités reproduisent ces schémas pour garantir une société « normalisée » aux cheveux courts et aux pensées et actions « politiquement correctes ». Le plus terrifiant est qu’à côté d’un camp d’éducation forcée dont un prêtre fait partie de l’équipe dirigeante, des religieuses éduquent elles aussi les filles avec une rigueur, une cruauté et un sadisme aux antipodes de l’évangile. Cela renvoie à des attitudes ecclésiales qui sont aujourd’hui mises sur la place publique par les médias ou la fiction cinématographique.

Ce travail systématique de destruction de la personnalité, de lavage de cerveau, d’humiliation fait froid dans le dos, car il renvoie en miroir aux pires heures du national-socialisme. La bête est tapie partout. Elle s’est même échappée des pages de l’Apocalypse pour envahir les couvents. Il nous faudra à nous Eglise faire un véritable travail de mémoire sur ces pages sombres.

Le réalisateur arrive à rendre les situations, l’expression des acteurs, leurs visages avec beaucoup d’intensité. Le noir et blanc amplifie la tension dramatique et cela s’ajoute au fait que Ruby chantera au couvent avec une voix magique qui fascine la troublante supérieure. C’est d’ailleurs de ce lieu de l’innommable que Ruby va développer ses talents pour le chant. Dix ans plus tard, nous la retrouvons comme chanteuse.

S’il y avait un léger reproche à faire, ce serait l’emploi de la couleur. On peut bien comprendre le saut dans le temps et la manière de la rendre, mais cela nuit un peu à l’ambiance. Pas assez toutefois pour ne pas garder en mémoire ce film dont ne sort pas indemne, d’autant qu’il n’y a quasiment aucune rédemption à l’horizon. Espérons que ce film puisse un jour être projeté dans nos salles hors d’un festival !

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