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Chris McKay
Renfield
Sortie du film le 10 mai 2023
Article mis en ligne le 13 mai 2023

par Julien Brnl

Genre : Comédie, horreur

Durée : 93’

Acteurs : Nicholas Hoult, Nicolas Cage, Awkwafina, Ben Schwartz, Shohreh Aghdashloo...

Synopsis :
Renfield, le fidèle serviteur de Dracula, est obligé de fournir des victimes à son maître et de faire tout ce qu’on lui demande, même si c’est humiliant. Mais après des siècles de servitude, Renfield veut voir ce que la vie hors de l’ombre du Seigneur des Ténèbres a à offrir. Seulement, il ne sait pas trop comment se sortir de cette relation malsaine...

La critique de Julien

Toujours dans l’optique de relancer son « Dark Universe » après le succès de l’efficace « Invisible Man » sorti il y a trois ans, Universal Pictures joue ici la carte de la comédie horrifique pour « Renfield », d’après le personnage créé par Bram Stoker dans son roman « Dracula » (1897), dans lequel Nicholas Hoult prête ses traits au célèbre avocat en droit immobilier anglais Robert Montague Renfield qui, au début du XXe siècle, espérait conclure un contrat qui allait changer sa vie et celle de sa famille à jamais, et cela en Transylvanie, avec un certain Dracula. Sauf qu’il devint son familier servile, et n’allait plus retrouver sa famille. Et c’est un autre Nic(h)olas qui interprète ici le rôle du Comte, resignant au passage pour la première fois depuis plus d’une dizaine d’années avec une major, à savoir le seul et unique Nicolas Cage. Alors que le cinéaste Dexter Fletcher fut longtemps affecté à la réalisation du projet, c’est finalement à Chris McKay (« Lego Batman, le Film », « The Tomorrow War ») que l’on doit cette nouvelle adaptation délurée de cette histoire, laquelle résonne particulièrement aujourd’hui, étant donné que Renfield veut ici se défaire de l’horrible relation toxique qu’il entretient avec le Prince des Ténèbres...

Alors que 90 années se sont écoulées depuis leur rencontre, Renfield se sent, en effet, épuisé de se soumettre à son maître et de pourvoir à ses moindres requêtes dégradantes, faisant de lui un monstre, alors que l’immortalité lui a été conférée par Dracula, lequel gagne également en force et en vitesse lorsqu’il consomme des insectes. Mais après que son patron ait été (une nouvelle fois) la cible de chasseurs de vampires ayant presque réussi à l’anéantir, Renfield n’aura d’autre choix que de réparer les dégâts et de l’emmener dans une nouvelle cachette, ici à La Nouvelle-Orléans, afin qu’il puisse récupérer sa pleine puissance, en attendant de Renfield qu’il lui apporte un groupe de touristes égarés, ou encore un car de cheerleaders. Rien que ça ! Et ça tombe, car ce dernier se rend régulièrement dans un groupe d’entraide pour personnes embarquées dans des relations de codépendance, lui qui les écoute parler de leurs propres monstres (avec une oreille attentive), afin de mettre la main sur ceux-ci, et de les offrir - sans trop de remords - en pâture à Dracula. Sauf qu’en suivant l’un d’eux, Renfield se retrouvera confronté aux Lobo, soit la pire famille mafieuse et criminelle de La Nouvelle-Orléans, sur laquelle enquête justement l’agente de police Rebecca Quincy (Awkwafina), malmenée par ses supérieurs corrompus, elle qui essaie de suivre les traces de son défunt père, tué par ladite famille...

Il n’y a qu’à voir le savoureux générique d’ouverture en noir et blanc pour comprendre que le film de Chris McKay ne sera clairement pas à prendre au sérieux, alors qu’y résonne la voix-off du personnage de Nicholas Hoult, racontant en images ses origines, et comment il en est venu à ressentir un profond mal-être, le poussant aujourd’hui à se révolter contre son bourreau mégalo, manipulateur, narcissique, et suceur de sang. Et autant dire que « Renfield » n’a pas peur de la surenchère grandiloquente, puisque l’on peut y voir une pléthore de sang fuser et des membres arrachés à de nombreux moments, et notamment ceux où son personnage principal se nourrit d’insectes, lui donnant une force incommensurable, capable notamment de couper des bras avec un simple couvercle à poubelle. Cette comédie horrifique est ainsi à voir au second degré (voir au troisième), sans trop réfléchir, elle qui accumule d’ailleurs les clichés autour de la corruption ou du trafic de drogue, au sein d’une intrigue policière assez lourdingue. Or, le scénario du film impacte directement ici ses décors, alors que la majorité de ses scènes sont jouées en intérieur, et manquent de personnalité. À vrai dire, nous n’avons que trop peu l’impression que le tournage s’est déroulé à La Nouvelle-Orléans, tant les lieux que traversent les personnages sont des plus communs. Le travail sur la lumière (verdâtre) dans laquelle baigne le film n’est pas non plus de très bon goût, tandis que le montage de Mako Kamitsuna laisse apparaître de nombreux faux raccords et deviner les plans d’une même scène qui n’ont pas été filmés au même moment. Dans l’ensemble, la réalisation de Chris McKay s’avère donc assez grossière, mais sans pour autant bafouer le mythe de Dracula, elle qui s’en amuse...

Malgré ses défauts de conception et l’écriture secondaire de Robert Kirkman (qui finit par nous enfoncer un pieu dans le cœur), « Renfield » est une œuvre qui s’assume, consciente d’être décalée. C’est d’ailleurs par son humour et son action sanguinolents, ses répliques insolentes et la générosité de ses acteurs que ce divertissement fait le travail qu’on lui demande. On y retrouve ainsi Awkwafina, en tête (selon nous), dans la peau d’une fliquette qui prend du galon même si on lui marche dessus, face à un Nicholas Hoult aussi irrésistiblement paumé que son personnage en quête de liberté, alors que Nicolas Cage, lui, sait très bien montrer les crocs, et n’a pas peur du ridicule dans le costume du Comte. Avec son teint blafard, l’acteur caméléon s’approprie le rôle sur mesure en épousant parfaitement sa dégaine putride d’un aristocrate démoniaque aux grands gestes, lui qui enchaîne des mimiques épatantes. Bref, on en redemande ! On apprécie également ici les divers clins d’œil aux anciennes adaptations d’antan de « Dracula » par Universal, tandis que les maquillages font ici des merveilles. Enfin, on souligne le maladroit message de force et d’insoumission que fait passer le film aux victimes de tortionnaires, questionnant ainsi les rapports de domination et les relations perverses.

Dommage cependant que le public américain n’ait pas répondu présent à cette invitation volontairement jubilatoire à pénétrer dans la nouvelle antre du Démon, lequel sera d’ailleurs l’objet du prochain film d’André Øvredal « The Last Voyage of the Demeter » (en salles le 9 août prochain, adapté du chapitre « The Captain’s Log » du roman de Bram Stoker), tandis que Robert Eggers est en train de réaliser son propre remake du film muet allemand « Nosferatu » (1922) de Henrik Galeen, basé sur la mythologie du personnage, et dans lequel Nicholas Hoult tiendra d’ailleurs un rôle... Et autant dire qu’on attend ça avec énormément d’impatience. Mais en attendant, mordons à pleine dent dans cette amusante (et pas si bête) revisite.



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