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CINECURE
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Dimitri Linder et Salima Sarah Glamine
Pour vivre heureux
Sortie le 5 décembre 2018
Article mis en ligne le 18 novembre 2018

par Charles De Clercq

Synopsis : Amel et Mashir, deux jeunes bruxellois, s’aiment en secret. Ni leurs parents, ni leurs amis ne se doutent de leur relation et encore moins de leur projet de passer l’été ensemble à Londres. Le jour où la famille de Mashir décide de le marier à sa cousine Noor, qui est aussi l’amie d’Amel, c’est tout leur monde qui s’écroule. Comment pourront-ils sauver leur amour sans faire souffrir ceux qui les entourent ?

Acteurs : Sofia Lesaffre, Pascal Elbé, Zeerak Christopher, Atiya Rashid, Arsha Iqbal.

Pour vivre heureux (For A Happy Life à l’international) était présenté au FIFF où il a obtenu le prix du public. Il a également reçu celui de la Critique, le prix Cinevox. C’est donc la deuxième fois que ces deux jury récompensent le même film, puisque cet honneur (mérité) était revenu en 2017 à Drôle de Père d’Amélie Van Elmbt. Cinevox précise que « le jury comme le public a été particulièrement sensible à cette relecture contemporaine du mythe des amoureux maudits, en se penchant sur l’impact de leur transgression sur leur entourage ».

Le film a des points communs avec Noces dont les thèmes et l’intrigue sont proches si ce n’est que Stephan Streker mettait en scène une « histoire vraie », selon l’expression consacrée, alors que Pour vivre heureux est une fiction (même si nombre de pakistanais·e·s se reconnaîtront dans ce premier long métrage de Dimitri Linder et Salima Sarah Glamine).

Pour vivre heureux, vivons caché(s) dit-on. Tel est bien le cas ici, ou du moins c’est ce qu’il faudrait faire lorsque l’on vit un amour qui ne peut se faire connaître sur la place publique. C’est que, tels Roméo et Juliette, les destinées des deux amants, Mashir et Amel sont régies par des règles culturelles qui les dépassent. Non pas religieuses, car ceux qui s’aiment sont de confession musulmane et que la chose est ici de peu d’importance, seconde, voire même totalement secondaire. Et si pour l’algérienne Amel, il n’y a aucun problème à aimer Mashir, le frère de sa meilleure amie, il y en a un sérieux pour lui, contraint par un cadre rigide, celui de la société pakistanaise où une union avec un·e non pakinstanais·e est impensable ! Bien plus, c’est la parentèle qui décide pour vous : père, mère, oncle...

Mashir doit donc taire et celer cette relation avec celle qui ne lui est pas destinée puisque ceux qui l’aiment, sa famille voudraient sceller une union conforme à la tradition et donc avec une pakistanaise dont on vérifiera bien sûr le scellé de sa virginité en cas de doute. De plus, allusion collatérale (avec des dommages qualifiés du même terme) l’on se dira, après le film Le jeu qu’il faut se méfier des smartphones ! Et le poids de cette tradition que l’on transmet, alors même qu’on la subie soi-même, n’est pas ici imposé pour nuire. C’est que le primat de la communauté sur l’individu est ici essentiel. Tout comme dans le judaïsme ou le christianisme (du moins à ses débuts). C’est - ou c’était - la communauté qui est (était) première et, dans la tradition catholique, la prière du prêtre est un « nous » qui englobe une assemblée, un groupe plus qu’un individu en particulier. En ce sens, et sans défendre le modèle culturel imposé à Mashir, c’est une autre conception du monde qui est en jeu. Le primat de l’individu sur le groupe se développe essentiellement après la Révolution française. Une vision privilégiera les destinées individuelles, l’amour que se portent deux individus (et alors même que l’expérience montre que l’amour fou d’un jour ne se concrétisera pas nécessairement pour toujours), une autre va mettre l’accent sur les liens qui tissent les communautés malgré les désirs et désidératas individuels, car l’on suppose que le temps fera son œuvre et que l’amour finira par venir et s’établir.

Ce sont ces deux conceptions d’un monde qui s’affrontent ici et l’intrigue fourmille de rebondissements dans des situations qui virent parfois au tragique sans cependant l’issue fatale de Noces. Dimitri Linder et Salima Sarah Glamine ne condamnent pas leurs personnages qui ont chacun leurs zones d’ombres ! Entre tradition et modernité, entre amitié bafouée, trahie ou renforcée, entre liens de culture et du sang et ceux de l’amour, qu’est-ce qui l’emportera ? Et la jalousie là-dedans quand deux êtres aiment la même personne ? C’est une partition quasiment sans défaut que jouent les acteurs (dont nombre sont d’origine pakistanaise) assistés en cela par Dimitri Linder et Salima Sarah Glamine qui sont également aux commandes du scénario. Une intrigue que l’on ne déflorera pas plus pour vous laisser vierge de toute idée préconçue avant de voir ce très bon film aux prix amplement mérités !



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