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CINECURE
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Emmanuel Carrère
Ouistreham
Date de sortie : 12/01/2022
Article mis en ligne le 9 décembre 2021

par Charles De Clercq

Synopsis : Marianne Winckler, écrivaine reconnue, entreprend un livre sur le travail précaire. Elle s’installe près de Caen et, sans révéler son identité, rejoint une équipe de femmes de ménage. Confrontée à la fragilité économique et à l’invisibilité sociale, elle découvre aussi l’entraide et la solidarité qui unissent ces travailleuses de l’ombre.

Acteurs : Juliette Binoche, Hélène Lambert, Léa Carne, Emily Madeleine

Emmanuel Carrère adapte le roman Le Quai de Ouistreham de Florence Aubenas publié en 2010. Florence Aubenas voulait « vivre la vie des plus démunis, ceux et surtout celles qui galèrent de petit boulot en petit boulot, de travail précaire (femme de ménage par exemple) en travail à temps partiel qui ne permet même pas d’en vivre. ».

Juliette Binoche s’implique à fond dans son rôle et la majorité du casting est constitué de non-professionnels, soit des femmes et des hommes qui sont dans la situation décrite dans le film. L’on vit au jour le jour le dur labeur de ces personnes invisibles, surexploitées et l’on ne sort pas indemne du film. Celui-ci pose aussi la question éthique de se mettre dans la peau d’une personne qu’elle n’est pas (notamment par la question posée par une employée de « Pôle emploi » qui l’a reconnue) et de s’approprier la vie, les amitiés, les émotions de ces femmes (essentiellement) qui tentent de survivre au quotidien, exploitées pour du rendement à tout prix et un salaire de misère. Le spectateur pourra ressentir le même malaise dans la réappropriation de ces travailleuses par Emmanuel Carrère et par Juliette Binoche. Peut-on tout faire ? C’est probablement nécessaire, comme ce fut le cas dans le milieu des années 80 avec : Günter Wallraff qui a rendu compte de son expérience d’immersion dans l’ouvrage Tête de turc.

Au-delà de ces questions éthiques, il semble bien que l’expérience de Florence Aubenas, et sa mise en scène cinématographique étaient nécessaires pour rendre compte de cette fragilité du corps social où l’humain·e est traité comme une marchandise. Tant ce livre que ce film nous obligent à regarder les zones d’ombre de notre monde où nous sommes parfois en dehors de l’arène parce que faisant partie de ceux et celles qui ne sont pas exploités de telle sorte... mais tout en étant, fût-ce à notre corps défendant, des engrenages du système qui conduit des hommes et des femmes dans de situations d’esclavage.

En cela, le regard à poser sur ce film doit faire abstraction de critères « cinématographiques » pour faire place d’abord et avant tout au drame mis en relief qui interroge notre société et la façon dont nous déployons (ou pas) notre humanité dans un monde qui ne laisse pas de place à l’humain.



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