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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Harry Wootliff
Only You
Sortie du film le 14 août 2019
Article mis en ligne le 15 août 2019

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • premier long métrage de la réalisatrice anglaise Harry Wootliff, elle qui avait jusque-là beaucoup écrit pour des épisodes de séries télévisées, et réalisé deux courts métrages dont « Nits », qui avait été sélection à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2005 et « Trip », qui fut présenté au Festival de Berlin en 2008.

Résumé : Le soir du nouvel an, Elena (35 ans) et Jake (26 ans) se rencontrent de manière inopinée, en se disputant un taxi qu’ils finissent par partager. Débute entre eux une histoire passionnée. Rapidement, ils emménagent ensemble et la question de fonder une famille commence à poindre, les aléas de la vie aussi... Sauront-ils traverser certaines épreuves sans mettre en péril leurs sentiments ?

La critique de Julien

On pourrait croire d’après ses visuels et sa bande-annonce que « Only You » s’apparente à une romance comme on en voit à toutes les Saint-Valentin, et bien plus encore. Pourtant, la première réalisation de la méconnue Harry Wootliff dépasse rapidement ce stade pour confronter deux âmes sœurs à la difficulté de devenir parents, et dès lors de rester unis lorsque la vie ne vous donne pas ce que nous souhaiterions le plus au monde...

Ils sont beaux, ils forment le parfait amour, et ils sont jeunes... Pourtant, Elena est de quatre ans l’aînée de Jack. Enfin, ça, c’était le soir de leur rencontre, puisque de fil en aiguille, Elena, quelque peu inquiète par la différence d’âge entre elle et Jack, lui avouera en réalité avoir 35 ans, elle qui est persuadée qu’il ira voir ailleurs quand elle en aura 40... Mais peu importe pour Jack, qui la trouve parfaite en tous points de vue, elle qui est tout ce qu’il recherchait chez une femme. N’est-ce pas beau ? Et ce n’est pas tout ! Alors qu’ils ne sont ensemble que depuis quelques mois, et qu’ils ne se connaissent pas encore vraiment, Jack, qui est en train d’écrire sa thèse, proposera à Elena de faire un enfant. Après tout, il n’y a pas de règle pour devenir parents, lorsque l’amour est là... Mais très vite, le couple, en plein passion amoureuse, sera freiné dans son élan, et devra faire face à l’incapacité d’avoir un enfant par voie naturelle...

On le sait, avoir un enfant est un miracle de la vie, tandis que ne pas en avoir un (lorsque l’on en souhaite un) est une véritable débâcle, qui vient faire effondrer tous les projets communs... « Only You » parle ainsi de cet injuste combat, et de ses terribles conséquences sur le couple, malgré l’amour qui le transcende. Pourtant, ces deux-là sont bien faits pour être ensemble. Car Laia Costa et Josh O’Connor interprètent deux magnifiques personnages qui forment un couple qui irradie instantanément l’écran. La première, vue en 2015 dans l’inédit « Victoria » de Sebastian Schipper, et le second, révélé l’année dernière dans « Seule la Terre » de Francis Lee, portent en eux toute la fougue amoureuse des premiers instants. C’est tout simplement impossible de ne pas ressentir de l’empathie pour eux, et de ne pas leur souhaiter tout le bonheur du monde. Mais c’est sans compter sur la nature, qui peut être imprévisible et parfois violente, ainsi que sur les doutes d’Elena, liés premièrement à la différence d’âge, et ensuite sur ses soi-disant antécédents maternels, qui lui porteraient malheur... Et il est d’autant plus difficile d’accepter cette fatalité lorsque son proche entourage dorlote des nouveaux nés...

Sans fard ni paillettes, mais avec un cadre chaleureux et une vision routinière qui n’appartient qu’à elle, Harry Wootliff parvient à filmer l’amour et ses limites incohérentes, et questionne sur la notion de famille et la capacité d’être heureux sans jamais avoir d’enfant(s). Faut-il ainsi être parents pour former une famille, ou deux personnes qui s’aiment forment-elles déjà une famille ? Peut-on être heureux à deux sans pouvoir devenir parents ? Ces questions, ouvertes et universelles, ne trouvent évidemment pas de réponse ici. Il aurait fallu pour cela filmer cette histoire sur toute sa durée de vie, ce qui est encore impossible de nos jours, bien que dans le genre, le film « Boyhood » de Richard Linklater avait réalisé l’exploit de filmer par intermittence sur une période de douze ans (de l’été 2002 à l’automne 2013) l’enfance puis l’adolescence d’un jeune garçon élevé par ses parents divorcés. Mais qu’importe, puisque « Only You » fait réfléchir, et ne se limite pas à filmer une love-story traditionnelle sans aspérités. Aussi, le film nous parle, sans entrer dans les détails, de la technique de procréation médicalement assistée qu’est la fécondation in vitro, et de ses différentes étapes de procédures, ainsi que de son coût. En l’occurrence, tout couple ne pourrait pas se le permettre...

Alors qu’elle tournera au début de l’année prochaine le film « True Things About Me » d’après le livre du même nom de Deborah Kay Davies, Harry Wootliff donne ici la vie (si l’on peut dire) à un premier film dramatique intime et existentiel, qui nous rappelle que l’amour est sans doute la plus difficile des épreuves de la vie, et que tout ce qui en naît n’est que cadeau...



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