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Night Shyamalan
Old
Du roman graphique au film - sortie le 21/7/21 !
Article mis en ligne le 21 juillet 2021

par Charles De Clercq

Synopsis du film : Plusieurs personnes se retrouvent coincées sur une mystérieuse plage. Isolés, les individus découvrent qu’ils sont incapables de s’échapper et qu’ils vieillissent rapidement, leurs vies entières se trouvant réduites à une seule journée.

Acteurs : Gael García Bernal, Vicky Krieps, Rufus Sewell, Ken Leung, Nikki Amuka-Bird, Abbey Lee, Aaron Pierre, Alex Wolff, Embeth Davidtz, Eliza Scanlen, Emun Elliott, Kathleen Chalfant et Thomasin McKenzie.

 Au départ : un roman graphique

Old, le dernier film de Night Shyamalan, sortira en juillet, le jour de la fête nationale belge ! Il s’agit d’une adaptation du roman graphique suisse Château de sable, illustré par Frederik Peeters sur un scénario de Pierre-Oscar Lévy.

Résumé du roman : « Château de sable » se présente comme un huis clos à ciel ouvert, une fable sociale mordante et dérangeante. Sur une plage, le destin de 13 personnages va se retrouver bouleversé par un événement inconcevable, un basculement de la réalité qui va plonger cette petite troupe dans un abîme de questionnements. Face à cet événement fantastique, les protagonistes de Château de sable vont d’abord traverser une phase bien humaine de dénégation tendue et conflictuelle, puis viendra la période de l’acceptation, quand les masques seront tombés et qu’il faudra bien composer avec la nouvelle donne, car le temps est compté… Face à un destin qui s’échappe inexorablement comme une poignée de sable entre les doigts, chacun réagira à sa manière, mais comment et que faire quand un coucher de soleil peut être synonyme de fin ? Récit complet et complexe, où la situation est plus importante que l’explication, Château de sable balance tout au long de ses cent pages entre noirceur et humanisme, pour former à l’arrivée un conte moderne, cruel et passionnant.

 Les impasses pressenties

La bande-annonce du film est désormais disponible (voir ci-dessous ; NB : cette partie est rédigée mi-juin, avant d’avoir vu le film) et l’on est en droit de se demander ce que cela donnera à l’écran. En effet, il semble bien difficile d’adapter ce roman graphique (en noir et blanc) au cinéma, non pas tant à cause du talent de Night Shyamalan - qui est indéniable - mais parce l’on se demande le rôle que jouera le puritanisme américain. En effet, comme annoncé dans le synopsis du film, les protagonistes verront le vieillissement de toute une vie se faire en une journée. Sachant qu’il y a des enfants qui deviendront adolescents puis adultes, il y a la question des vêtements qui se pose... et donc la nudité présente dans le roman graphique (pour cause donc, même si celui-ci trouve quelques parades) mais aussi la présence de la sexualité.

Reste enfin la question du pourquoi ce vieillissement rapide (une vie en une journée). Le roman ne dit rien sur cela. Nous restons dans le mystère et si les auteurs ont, dans un premier temps, songé à « expliquer » le phénomène de vieillissement ils reconnaissent qu’ils ont choisi délibérément de ne donner aucune explication pour maintenir le mystère. L’on attend donc avec impatience ce que le réalisateur nous proposera.

 Old, la critique

Depuis quelques semaines, l’univers cinéphile bruissait de questions relatives au nouveau film de M. Night Shyamalan. Nous-même nous posions de sérieuses questions sur ce que donnerait l’adaptation du roman graphique de Pierre-Oscar Lévy et de Frederick Peeters (cf. supra, ce qui précède a été écrit à la mi-juin).

A l’arrivée, il faut reconnaître une certaine déception, voire une déception certaine et cruelle. Il y aura bien sûr, comme de coutume, la présence du réalisateur dans le film (et bien plus qu’un cameo d’ailleurs, ce sera dans le prologue et l’épilogue, les éléments les plus décevants, ceux qui tente de donner une explication « rationnelle », non au phénomène d’altération temporelle, mais à la dynamique dans laquelle le réalisateur l’intègre et se noie). Il est possible que cela n’apparaisse pas de prime abord pour celui ou celle qui n’a pas lu le roman graphique. Celui-ci avait une dimension philosophique qui disparait quasi complètement de l’adaptation cinématographique (notamment le conte à l’intérieur du récit), de même que le racisme présent dans l’œuvre originale.

Le principal problème lié au passage du dessin à l’image en mouvement est lié à crédibilité et la vraisemblance. Habitué aux twists finaux, M. Night Shyamalan ne déroge pas à la règle en ajoutant un épilogue « explicatif » (désolé, nous ne spoilerons pas) qui fait lui-même le lien avec le prologue du film. Mais le prologue et l’épilogue sont totalement absents du roman de Pierre-Oscar Lévy et de Frederick Peeters.

Il n’empêche, et ce n’est pas spoiler en faisant état du vieillissement accéléré (car tout est écrit/dit dans le synopsis et la bande-annonce) de préciser que ce qui est possible grâce à la progression des cases d’une « bande dessinée » (pour faire court ; pour en savoir plus sur la différence entre BD et roman graphique, lire ici — à la fois par les ellipses temporelles entre les cases et par l’évolution de celles-ci pour manifester le vieillissement inexorable — est beaucoup plus complexe à réaliser pour le cinéma !

L’on sait donc depuis le début que ceux et celles qui se trouvent sur cette plage sont condamnés à vieillir d’une année par demi-heure soit une cinquantaine d’années en un cycle d’un jour et d’une nuit ! Le film dure une heure quarante-huit, enlevons le prologue et l’épilogue, le générique, il nous reste après l’exposition de la situation, moins de nonante minutes pour faire vieillir les protagonistes de 50 ans, soit un bon six mois par minute ! Or cela ne se voit pas. Il y a bien le changement d’acteurs et actrices pour les bambins qui deviennent enfants, adolescents et adultes. En revanche, il manque cruellement de progression crédible pour l’avancée du temps sur les visages de ceux qui arrivent sur la plage/crique à l’âge adulte. Certes, nous les voyons vieillir après plusieurs scènes mais sans que les effets spéciaux et/ou le maquillage rendent l’évolution crédible eu égard au concept introduit dans l’intrigue (sauf peut-être la séquence « tétanique ») !

Bien plus, dans sa volonté de donner une « explication rationnelle » (du moins en partie, car le spectateur comprendra à la fin du film ce que nous taisons ici et pourquoi), le scénario prévoit, par exemple, que les protagonistes aient beaucoup (trop) de nourriture (trop de provisions en tout cas pour une journée à la plage !)... Il faut bien qu’un gamin de 3 ans trouve de quoi faire grandir son corps jusqu’à l’âge adulte (mais l’on se heurte malgré tout à de très très grosses invraisemblances : il faut bien évacuer la nourriture digérée, il faut s’hydrater, etc.)

Nous avons apprécié la plupart de ses films (moins Signes et Phénomènes) et nous avons vibré lorsque le réalisateur a revisité Incassable pour en faire une trilogie avec Split et Glass et sommes entré sans difficulté dans l’univers, voire les univers, que nous offrait Manoj Nelliyattu Shyamalan ! Ici, en rabaissant le très beau roman graphique originel en, somme toute, une banale histoire de science-fiction ou un épisode longue durée de The Twilight Zone, le génial réalisateur échoue à nous émouvoir.

Il ne fallait peut-être pas adapter ce Château de sable au cinéma ou, du moins, pas convertir une fable métaphysique en un banal thriller (avec un twist final qui laisse songeur). Car en passant du conte au « réel » (nous guillemetons bien sûr) le réalisateur se doit de nous offrir une cohérence du récit pour le rendre vraisemblable ! Or il évacue les questions de nourriture, de boisson, de vêtement... et dans la foulée de la nudité... et pour cause, on n’avait pas prévu qu’un enfant passerait en quelques heures de l’âge de 3 ans à l’âge adulte... avec comme corollaires, la puberté, les règles, l’attirance sexuelle, l’éducation sexuelle... et même l’éducation tout court. Car nos adolescents, jeunes adultes, puis adultes ont une maturité incompréhensible sans éducation, sans formation ! Le roman graphique, lui, aborde cette question de l’âge : « Je ne veux pas paraître désagréable, mais il y a toutes les chances que Félix ait toujours l’âge mental d’un garçon de 3 ans ! » dira un des protagonistes adultes au père de Félix.

Il est possible que le film fonctionne chez certains qui ne se poseront pas les questions que nous (nous) posons et se contenteront de voir le film au premier degré (c’est en tout cas ce qui ressort des premières impressions outre-Atlantique). Pourquoi pas ? Mais avouons que M. Night Shyamalan aurait pu faire beaucoup mieux avec le très riche matériau de départ (d’autant que lui-même signale - cf. le mini making off au bas de cet article - que le vieillissement de ses parents l’a inspiré pour réaliser le film). Ni véritable thriller, ni véritable film fantastique, ni même véritable film d’horreur (l’on s’étonne même de la classification qui réserve le film aux plus de 16 ans !). Dommage donc sur toute la ligne !

Mise à jour - pour aller plus loin : Lien vers la critique de Ecran large.
Le site conclu ainsi sa critique : « Plaisant comme un coup de soleil, divertissant comme un grain de sable sous un ongle, aussi goûteux qu’un beignet à l’iode, Old esquive les innombrables possibilités offertes par son concept, et préfère troquer l’horreur existentielle de l’œuvre originelle pour une résolution inepte. »

 Affiche et bande-annonce :

 Interview de Frederik Peeters et Pierre-Oscar Lévy

Il y a dix ans, à l’occasion de la parution de l’album « Château de sable » aux Éditions Atrabile, les deux auteurs ont répondu aux questions de Charles Ameline (Page 189). A visionner ci-après en deux parties. ILs expliquent, notamment, pourquoi ils n’ont pas voulu d’explication à la fin du récit.

 Mini making off du film



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