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Cary Joji Fukunaga
Mourir Peut Attendre
Sortie du film le 30 septembre 2021
Article mis en ligne le 29 septembre 2021

par Julien Brnl

Genre : Action, espionnage

Durée : 163’

Acteurs : Daniel Craig, Rami Malek, Léa Seydoux, Ralph Fiennes, Lashana Lynch, Naomie Harris, Rory Kinnear, Ben Whishaw, Ana de Armas, Jeffrey Wright, Christoph Waltz...

Synopsis :
Bond a mis de côté ses activités d’agent et profite d’une vie tranquille en Jamaïque. Ce paisible repos est brusquement interrompu lorsque son vieil ami de la CIA, Felix Leiter, vient lui demander de l’aide. L’objectif est simple : secourir un scientifique kidnappé. Malheureusement, la mission s’avère être bien plus périlleuse qu’elle n’y paraît. James Bond est alors lancé sur la piste d’un mystérieux ennemi, armé de dangereuses nouvelles technologies.

La critique de Julien

Initialement prévu dans les salles en avril 2020, inutile de dire que la vingt-cinquième aventure cinématographique de James Bond - et dernière avec Daniel Craig - était attendue. Mais cette fois-ci, l’attente est levée ! Après sa vision de presse belge en parallèle de sa première au Royal Albert Hall à Londres en présence de l’équipe du film le 28 septembre 2021, on peut enfin vous dire ce qu’on a pensé de l’un des films les plus attendus de ces dernières années, marquées par une pandémie qui aura causé beaucoup de tort à « Mourir Peut Attendre » (No Time to Die" en version originale).

On retrouve donc ici James Bond (Daniel Craig), lequel s’est retiré en Jamaïque. Il sera à nouveau contacté par Felix Leiter (Jeffrey Wright), accompagné par Ash, un agent de la CIA (Billy Magnussen), afin de les aider à retrouver Obruchev (David Dencik), un scientifique kidnappé dans un laboratoire du MI6 par des mercenaires, lui qu’on aurait alors vu à Cuba. Bond croisera le chemin de Nomi (Lashana Lynch), qui lui a succédé en tant que nouveau 007, de qui il apprendra qu’une nouvelle technologie commandés par M lui-même (Ralph Fiennes) a été également volée en même temps dans les laboratoires du MI6. Or, cette technologie, codée sur des brins spécifiques d’ADN, est capable de se propager comme un virus par le toucher. Il n’en faudra pas plus pour que Bond rempile face à l’ampleur du danger...

Le passé n’a jamais été aussi déterminant qu’aujourd’hui pour le célèbre espion. Et on parle aussi bien du sien que de celui de ses proches, et principalement de celui de Madeleine Swann (Léa Seydoux), en témoignent les deux scènes d’ouverture successives sous forme de flash-back. La première, tout d’abord, liée à l’enfance de Swann, puis, la seconde, située suite aux événements de Spectre (2015), où les deux tourtereaux se retrouvent en vacances en Italie, à Matera, où Bond se rendra sur la tombe de Vesper (Eva Green dans « Casino Royal »), son premier grand amour, avant d’être pris en embuscade, alors que personne n’avait connaissance de leur position...

Par rapport à d’autres ères, celle de Daniel Craig aura été marquée par des enjeux en continuité de ceux installés dans les précédents films de la récente saga. Autrement dit, les démons du passé vous remonter ici à la surface, afin de mener Bond à sa perte, c’est-à-dire celle de perdre tous les gens qu’il a aimés. Dès lors, cet épisode, qui marque la dernière incarnation de Bond par l’acteur britannique de 53 ans, est le plus intimiste, et ose donc franchir une barrière que peu de « James Bond » avait osé franchir. Une grande part de cette histoire est réservée aux sentiments, qui prendront ainsi le pas sur le destin futur de ce Bond. Le film de Cary Joji Fukunaga avait alors la lourde tâche de refermer ce chapitre, ce qu’il fait avec plus ou moins d’aisance quand il est question de lâcher-prise. Car le final - qu’on taira - est responsable d’un pincement au cœur, marquant ainsi la fin d’une ère plutôt convaincante, et marquée par la prestation de Craig. En parallèle, ce final n’aurait pas eu le même effet sans la généreuse écriture et la présente à l’écran du personnage joué par Léa Seydoux, qui s’offre ici un rôle de choix, après son apparition dans « Spectre ». Au-delà de l’action, c’est donc clairement leur relation qui dresse la toile de fond de ce « Mourir Peut Attendre », et sans faussetés apparentes. En soi, c’est déjà un pari (réussi !) que de celui d’avoir laissé de la place ici à un Bond plus vulnérable que d’accoutumé, mais sans pour autant lui faire perdre ses capacités d’espion, même à la retraite...

Si on ne voit pas ici le temps passer, force est de constater que cet épisode souffre cependant d’enjeux scénaristiques assez faibles, ou disons plutôt déjà vus. En effet, la menace qui plane ici au-dessus de la tête de l’humanité, c’est bien le détournement d’une nouvelle technologie, échappant ainsi à son créateur. Même si le fond permet d’approfondir ici l’humain qui se cache en Bond, l’énième ennemi très fâché (même s’il ne prétend pas l’être) auquel il sera confronté, et joué avec tenue par Rami Malek (« Bohemian Rhapsody »), ne procure guère que de l’inquiétude. En effet, nous savons tous, d’avance, comment cela va se terminer pour lui... Et c’est d’autant plus dommage que ce personnage manque de densité, lui qui n’apparaît et ne se dévoile à Bond qu’en fin de partie. Mais ce n’est malheureusement pas ici le seul protagoniste qui passe la majorité du temps dans le décor, à continuer par le nouvel agent 007, joué par Lashana Lynch, elle qui n’est là que lorsqu’on a besoin d’elle, malgré un charisme certain. Et c’est d’autant plus frustrant qu’il y avait la matière à creuser, en positionnant une femme dans la peau de l’espion. Mais cette dernière ne fait malheureusement ici que de la figuration, Bond ayant le monopole, avec Swann. Mais on la retrouvera sans doute par la suite. Par contre, on souligne la courte mais exceptionnelle partition endiablée de Anas de Armas, dans la peau de Paloma, un agent irresponsable et pétillant de la CIA, venant en aide à l’agent retraité pendant sa mission à Cuba au sein d’une partie, non pas de jambes en l’air, mais bien de fusillades et de chorégraphies à talons minutieusement millimétrées. C’est là du cinéma digne d’un vrai James Bond qui s’apprécie. Mais ce n’est pas l’unique moment fort de ce film, marqué par pas mal d’action, et un rythmé plutôt bien tenu, malgré ses deux heures et quarante-trois minutes d’images.

Le réalisateur Cary Joji Fukunaga (scénariste de l’adaptation de « Ça » par Andrés Muschetti et réalisateur de la première saison de la série « True Detective ») offre alors aux fans une version plus nuancée de leur héros préféré, et nous livre, d’une manière ou d’une autre, les ingrédients qui ont fait le sel de la saga, tout en brisant aussi quelques frontières, avec plus d’impertinences. C’est un peu finalement comme si Bond savait lui-même qu’il s’agissait ici de sa dernière mission, et qu’il se permettait donc d’enfreindre quelques règles (primordiales) à son code, même s’il n’est plus un 007 (dixit les puristes !). Cela donne dès lors à voir quelques sympathiques séquences, tandis que ses faiblesses-là seront également responsables de ses choix... Daniel Craig, physiquement fatigué (son visage n’est jamais apparu de la sorte), incarne un homme dont la condition première n’est plus une évidence, depuis cinq années, lequel doit dès lors renouer avec lui-même, et improviser avec les secrets dévoilés.

Visuellement, « Mourir Peut Attendre » manque quelque peu de netteté et de lisibilité dans ses scènes d’action, lui qui se regarde dans sa globalité comme un adieu loin d’être odieux, mais sans doute moins percutant qu’attendu, au James Bond de Daniel Craig. On ne va pas dire que toutes les scènes d’action se situent déjà dans la bande-annonce, mais dire le contraire serait un mensonge. Malgré tout, le film de Fukunaga est plus riche que cela, et rend notamment hommage, ici et là, à d’anciens épisodes antérieurs à la période Craig, tandis qu’il met en scène quelques clins d’œil bienvenus au personnage, dont à la mythique séquence du « gun barrel », au détour d’une scène aussi sèche qu’efficace, et on ne peut plus maîtrisée dans son cas. Le générique d’ouverture parait dès lors moins ringard lorsqu’il est (enfin) utilisé dans le film !

En soi, si la caméra de Fukunaga manque ici de virtuosité, on peut dire qu’il s’en sort tout de même avec les honneurs, du moins dans sa première partie. Malgré une écriture à quatre, et quelques incohérences, Phoebe Waller-Bridge, Neal Purvis, Robert Wade et le réalisateur lui-même passent par des chemins sinueux, empruntant des souvenirs du passé pour installer une intrigue dans l’air du temps, mais qui manque cruellement de nouveauté dans ses propos. Qu’à cela ne tienne, le spectacle est au rendez-vous, loin d’être manqué en ce qui nous concerne, même s’il ne laissera pas une empreinte aussi forte que celle d’un « Skyfall », bien qu’il ose caresser ici une corde sensible, et jusque-là inédite...



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