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François Ozon
Mon Crime
Sortie du film le 15 mars 2023
Article mis en ligne le 15 mars 2023

par Julien Brnl

Genre : Comédie

Durée : 102’

Acteurs : Nadia Tereszkiewicz, Rebecca Marder, Isabelle Huppert, Dany Boon, Fabrice Luchini, André Dussollier, Edouard Sulpice, Félix Lefebvre...

Synopsis :
Dans les années 30 à Paris, Madeleine Verdier, jeune et jolie actrice sans le sou et sans talent, est accusée du meurtre d’un célèbre producteur. Aidée de sa meilleure amie Pauline, jeune avocate au chômage, elle est acquittée pour légitime défense. Commence alors une nouvelle vie, faite de gloire et de succès, jusqu’à ce que la vérité éclate au grand jour...

La critique de Julien

Avec son habituel rythme de croisière annuel, François Ozon nous dévoile sa nouvelle réalisation, intitulée « Mon Crime », lui qui ne cache ici aucunement ses inspirations théâtrales. Et pour cause, ce film est une libre adaptation de la pièce de théâtre du même nom de Georges Berr et Louis Verneuil, jouée au théâtre des Variétés, en 1934. Tandis qu’il boucle sa trilogie théâtrale après « Huit Femmes » (2001) et « Potiche » (2010), François Ozon s’empare ainsi de cette histoire d’époque, elle qui résonne, pourtant, particulièrement à l’heure actuelle. On y suit alors Madeleine et Pauline, deux jeunes femmes entreprenantes et ambitieuses, mais fauchées, elles qui louent (sans payer) un appartement sans eau courante, tandis qu’elles dorment dans le même lit pour se réchauffer. Jouées par les révélations féminines que sont Nadia Tereszkiewicz (César du meilleur espoir féminin dans « Les Amandiers » de Valéria Bruni Tedeschi) et Rebecca Marder (vue l’année dernière dans « Une Jeune Fille qui va Bien » de Sandrine Kiberlain et « Simone, le Voyage du Siècle » d’Olivier Dahan), la première aspire alors à une carrière d’actrice, sans cependant trouver de rôle, tandis que la seconde est une avocate ayant bien du mal à trouver des causes à défendre. Mais après avoir refusé les avances d’un célèbre producteur de théâtre, Madeleine sera victime d’une tentative de viol par ce dernier. Sauf qu’il sera retrouvé mort peu de temps après cette agression, une balle dans la tête. Suspecte parfaite, Madeleine Verdier profitera alors de ce crime qu’elle n’a pas commis, faisant état de faux aveux. Tout en plaidant la légitime défense sous les bons conseils (et mots lors du procès) de son amie et avocate Pauline, la demoiselle deviendra alors le symbole de l’oppression des femmes, tandis que « son crime » fera des miracles, à commencer par lui rapporter la gloire, tandis qu’il fera tourner la tête de toutes les femmes, à commencer par celle de la véritable coupable...

Cela faisait longtemps que François Ozon souhaitait mettre en scène une histoire autour d’un faux coupable, lui qui considère justement le cinéma parlant comme l’art du mensonge par excellence. Or, cette histoire, dont il a conservé le cadre historique et politique, déroule justement son intrigue en 1935, alors que le cinéma est passé du muet au parlant, ce qui a conduit beaucoup d’acteurs et d’actrices sur une voie de garage. Tout aussi opportuniste finalement que ses personnages principaux, Ozon épingle alors, avec beaucoup de fantaisie, les thèmes féministes de cette pièce de théâtre, lesquels font dès lors écho avec l’actualité de notre époque, notamment vis-à-vis des rapports de pouvoir et d’emprise que les hommes ont sur les femmes, lesquelles cherchent désormais à échapper à leur condition, à s’affirmer et à se défendre, par une parole moderne, face ici à la société patriarcale. Alors qu’il cite en référence Guitry, Lubitsch et Renoir, tandis qu’il y rend hommage à Danielle Darrieux (avec qui il a tourné), Ozon a réussi à amener un vent de légèreté quant à ces thèmes, alors que personne n’est ici tout blanc ou noir, dans le sens où la galerie de personnages loufoques qu’il met en scène ont tous quelque chose à se faire pardonner, que ça soit dans leurs faits et gestes, ou encore leurs paroles prononcées, à l’image de celles du juge (Fabrice Luchini), préférant croire un homme « de qualité » plutôt qu’une « petite actrice inconnue et sans talent ». Pourtant, l’homme vertueux existe bel et bien dans « Mon Crime », au regard de celui joué ici par Dany Boon (avec un sacré accent marseillais), dans la peau d’un grand architecte, mais également de celui du petit copain de Madeleine, Édouard (André Bonnard), « fils à papa » sans un sous qui, pour résoudre à leurs difficultés financières, va décider d’épouser une riche héritière, et de faire de Madeleine sa maîtresse, le temps qu’il faudra. L’homme n’est donc pas ici qu’un « monstre ». François Ozon fait d’ailleurs de la femme victime une femme forte, résignée à aller de l’avant, et d’avancer entre pair, peu importe la manière, entre le bien et le mal, dont la notion semble avoir été perdue...

Qui dit film d’époque, dit évidemment reconstitution. Or, le cinéaste et son équipe technique soignent les apparences, entre la lumière, les costumes ou les coiffures, tandis qu’il y retrouve ses fidèles collaborateurs de plateau de tournage, que sont notamment Pascaline Chavanne et Manu Dacosse. « Mon Crime » profite alors de son emballage, malgré quelques décors peu convaincants, tandis que l’ensemble ressemble énormément à du théâtre filmé, d’où le surjeu, omniprésent. Ainsi, Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder (qui s’en sortent à merveille, et prouvent les espoirs placés en elles) et même Isabelle Huppert (Odette Chaumette, une actrice célèbre au temps du cinéma muet) en font beaucoup, mais toujours pour servir les intérêts de leurs personnages. Mais cette propension de jeu va crescendo avec le ton de cette histoire, à la fois burlesque, cocasse, et diablement enjouée, et donc pleine de panache. « Mon Crime » se regarde alors comme une gourmandise amusement féministe, portée par ses personnages succulents (aussi bien de premier plan que secondaires), et quelques irrésistibles situations et dialogues. Ozon a donc... osé remettre au goût du jour une pièce de théâtre écrite il y a près de 90 ans, pour un résultat final très séduisant, mais pas indispensable en l’état...



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