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CINECURE
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Yvan Attal
Mon Chien Stupide
Sortie du film le 30 octobre 2019
Article mis en ligne le 6 novembre 2019

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • cinquième fois qu’Yvan Attal dirige sa compagne Charlotte Gainsbourg, tandis que le fils aîné du couple, Ben Attal, joue ici d’ailleurs l’un de leurs quatre enfants à l’écran ;
  • adapté librement du livre « Mon chien Stupide » (1985) de John Fante.

Résumé : Henri est en pleine crise de la cinquantaine. Les responsables de ses échecs, de son manque de libido et de son mal de dos ? Sa femme et ses quatre enfants, évidemment ! À l’heure où il fait le bilan critique de sa vie, de toutes les femmes qu’il n’aura plus, des voitures qu’il ne conduira pas, un énorme chien mal élevé et obsédé, décide de s’installer dans la maison, pour son plus grand bonheur mais au grand dam du reste de la famille et surtout de Cécile, sa femme dont l’amour indéfectible commence à se fissurer.

La critique de Julien

Deux ans après le succès de son film « Le Brio », ayant valu au réalisateur une nomination pour le César du meilleur film tandis que son actrice principale Camélia Jordana s’est vu obtenir celui du meilleur espoir féminin, Yvan Attal est de retour au cinéma avec « Mon Chien Stupide », un sixième long métrage adapté du roman de John Fante, publié en 1985. Plus soft dans ses représentations, mais toute aussi féroce et mordante dans son esprit, cette histoire suit celle d’un écrivain déchu faisant l’amer bilan de sa vie, tandis qu’il tient sa femme et ses enfants comme responsables de tous ses maux et de ses échecs...

Yvan Attal interprète ici cet homme quinquagénaire ayant connu jadis un énorme succès littéraire, mais qui n’a depuis plus rien écrit de bon. Alors qu’il a pu s’offrir la maison et la voiture de ses rêves, Henri est devenu un homme aigri, égocentrique, sarcastique et pessimiste, et n’a alors de cesse de répéter à ses enfants qu’il les regrette, même s’il les aime, eux qui vivent toujours sous le toit familial. Et puis, il y aussi sa femme, Cécile (Charlotte Gainsbourg), mère modèle et épouse courageuse, elle qui doit son secret de beauté à un verre de blanc et à un nouvel antidépresseur pour chaque jour de mariage supplémentaire passé ses côtés... Bref, un cadre familial loin d’être idéal, et où la méprise du paternel empêche toute émancipation de ses membres. C’est alors qu’un énorme chien, un mâtin napolitain, va faire irruption dans sa vie, et son ménage, ce qui va engendrer, où plutôt accélérer quelques différences (mathématiques) dans sa vie...

Ce n’est pas vraiment ce chien qui est ici stupide (malgré le nom donné par son maître). C’est plutôt le maître lui-même le grand stupide de l’histoire. Car cet homme, ayant pris la grosse tête, et imbuvable avec autrui, passe à côté de sa propre existence, et de sa vie de famille, lui qui repousse ses enfants comme la peste, négligeant également son épouse. Yvan Attal interprète alors avec beaucoup de conviction et cynisme cet idiot fini, lui qui n’évoluera que bien peu au cours du récit. D’ailleurs, le trait est sans doute un peu trop forcé pour emporter totalement l’adhésion, mais il témoigne en tout cas de quelques situations très tordantes. Et puis, son chien est lui aussi un champion dans sa matière. On vous laissera découvrir laquelle...

L’un des intérêts de ce film réside tout d’abord en la personne de Charlotte Gainsbourg. L’actrice (et compagne de l’acteur et réalisateur à la vie) reflète bien plus d’empathie que le personnage principal, et transcende via son rôle les émotions ascendantes et descentes que l’on peut ressentir au cours d’une vie de couple, et au travers de ses épreuves. Seulement, dans son cas, cela fait vingt-cinq que sa vie en est une, à cause de son mari, alors on comprend bien que ses nerfs puissent lâcher à un moment donné. Car le respect, le partage, ou encore le soutient sont des pierres qui soutiennent le couple soudé. Or, ici, cela fait longtemps qu’Henri ne s’intéresse plus qu’à lui-même, se bornant à son propre cas. Malgré tout cela, Yvan Attal parvient encore à nous faire ressenrir l’amour intense que les époux éprouvaient l’un pour l’autre, notamment lors d’une scène d’insouciance par excellence, où le couple s’abandonne dans leurs souvenirs, autour d’un pétard, et se retrouve après bien longtemps. Ainsi, malgré un ton résolument nombriliste et parfois plein d’autodérision noire, le cinéaste parvient à nous parler, même si pas toujours avec justesse (l’écriture des enfants est, par exemple, assez vite pesée).

S’il nous parle avant tout de la crise existentielle tardive d’un homme et père de famille, « Mon Chien Stupide » parle aussi de la vie. Et à cet égard, Yvan Attal ne s’est pas trompé en adaptant le livre de John Fante. Car même si un peu trop écrite, cette histoire prend une tournure plus sentimentale, plus mélancolique du temps qui passe, de la famille unie, et des promesses faites jadis. Ainsi, malgré ce rôle effroyable d’homme arrogant qui peine à se remettre en question, Yvan Attal réussit à toucher par la remise en question que soulèvent les enjeux de sa situation envers ses proches, et leurs sentiments. En effet, c’est quelque part assez injuste qu’ils aient à pâtir de ce que ce mari ou ce père est devenu, mais ce n’est tout de même pas une excuse pour oublier tout ce qu’ils ont vécu ensemble, tout ce qu’il a fait pour eux, et tout ce qu’ils pourraient encore faire...



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