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CINECURE
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Pedro Almodóvar
Madres paralelas
Date de sortie : 01/12/2021
Article mis en ligne le 18 octobre 2021

par Charles De Clercq

Synopsis : Deux femmes, Janis et Ana, se rencontrent dans une chambre d’hôpital sur le point d’accoucher. Elles sont toutes les deux célibataires et sont tombées enceintes par accident. Janis, d’âge mûr, n’a aucun regret et durant les heures qui précèdent l’accouchement, elle est folle de joie. Ana en revanche, est une adolescente effrayée, pleine de remords et traumatisée. Janis essaie de lui remonter le moral alors qu’elles marchent telles des somnambules dans le couloir de l’hôpital. Les quelques mots qu’elles échangent pendant ces heures vont créer un lien très étroit entre elles, que le hasard se chargera de compliquer d’une manière qui changera leur vie à toutes les deux.

Acteurs : Penélope Cruz, Aitana Sánchez-Gijón, Rossy De Palma, Julieta Serrano

Madres paralelas a ouvert la Mostra de Venise 2021 et a obtenu la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine pour Penélope Cruz. Si le prix est amplement mérité pour l’actrice habituée aux films de Pedro Almodóvar, certains attendaient probablement plus pour ce film qui manque parfois cruellement de subtilité. Celui-ci aborde des thèmes coutumiers du réalisateur en nous offrant cette histoire de deux femmes durant deux années. Deux enfants aussi. Deux générations. Des destins qui s’entrecroisent, se mélangent lorsqu’elles doivent assumer seules la parentalité alors que le père est absent (l’un est marié et amant de Janis, l’autre est inconnu car il y a trois, voire cinq pères potentiels, suite à une relation multiple pas vraiment désirée par la jeune Ana).

Mais qui est véritablement père ? Qui est véritablement mère ? Khalil Gibran avait déjà écrit « vos enfants ne sont pas vos enfants » tandis que dans le film Le Bannissement (2008), réalisé par Andrey Zvyagintsev, l’épouse et mère Vera disait à son mari Alex, à propos de l’enfant qu’elle portait « ce n’est pas ton enfant » ! San spoiler le film, cette dynamique est également présente dans cette intrigue de « mères parallèles ». De façon très différente certes et qui a déjà fait l’objet de plusieurs films dans des genres très différents, du comique au dramatique. Il n’empêche que l’on peut retenir de tous ces films une question : est-ce que la parenté est une affaire d’ADN ?

Et justement, il est également question d’ADN dans ce film, notamment, s’agissant de faire mémoire d’une période difficile de l’Histoire espagnole. C’est l’Espagne de Franco, l’histoire des phalangistes, des meurtres et exécutions de sinistre mémoire. Mais la mémoire que l’on veut effacer. Les morts que l’on a enfouis dans des fosses communes et dont on ne veut pas perdre la trace. C’est justement le point de départ de l’intrigue lorsque Janis (Penélope Cruz) va rencontrer Arturo (Israel Elejalde) qui œuvre à faire mémoire du passé indicible de son pays pour lui parler d’une fosse commune dans laquelle se trouvent des personnes assassinées par des phalangistes. Cela prendra du temps. Cela nécessitera de recueillir l’ADN des descendants pour rendre à qui de droit une sépulture digne. Mais Entre Janis et Arturo (marié) le courant passe et leurs ADN se mélangent dans le corps de Janis qui accouchera plus tard, en même temps qu’une jeune femme Ana (Milena Smit, prodigieuse !). Deux enfants naîtront donc au même moments, tous deux avec quelques problèmes de santé qui obligeront à les isoler pendant quelques heures pour leur prodiguer les soins adéquats.

Ces femmes se retrouveront plus tard et leurs destins s’entremêleront d’une façon telle qu’elles se rapprocheront sur fond d’un deuil commun, deuil impossible à nommer pour chacune alors pourtant qu’il les lie l’une à l’autre. Cette relation, qui deviendra singulière entre les deux femmes, constitue l’essentiel du film et dont on vous laisse découvrir le développement à l’écran. Mais le réalisateur ne perd pas pour autant l’ADN de son film en revenant avec le retour au passé, l’ouverture de la fosse commune, œuvre de mémoire qui semble être ici son fils conducteur. L’on pourrait même, au vu du plan final, parler de réhabilitation des corps, malheureusement avec une « visualisation » inutile et qui conclut le film avec de gros sabots.

Si l’on retrouve la touche d’Almodóvar, un film qui explore ces portraits de femmes, les difficultés de s’assumer, le tragique de l’existence et cela avec beaucoup de brio, il n’empêche que le film... pêche de vouloir mener deux thèmes de front avec un déséquilibre pour celui consacré au travail sur l’Histoire. L’essentiel du film étant axé sur la relation entre les deux protagonistes principales, la question « politique » (faire mémoire d’un passé que certains voudraient taire et laisser à jamais enterré) semble seconde dans le film. Elle n’est heureusement pas secondaire pour autant et l’on se dira alors que l’ADN du film est là présent, lorsque l’on arrive à rendre compte de l’Histoire (de l’extime) grâce à l’intime, celui de deux femmes, de deux mères, de deux enfants, de la quête d’un père, de l’amour, de la mort, du deuil !



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