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Emmanuel Mouret
Mademoiselle de Joncquières
Sortie le 12 septembre 2018
Article mis en ligne le 2 septembre 2018

par Charles De Clercq

Synopsis : Madame de La Pommeraye, jeune veuve retirée du monde, cède à la cour du marquis des Arcis, libertin notoire. Après quelques années d’un bonheur sans faille, elle découvre que le marquis s’est lassé de leur union. Follement amoureuse et terriblement blessée, elle décide de se venger de lui avec la complicité de Mademoiselle de Joncquières et de sa mère...

Acteurs : Cécile de France, Edouard Baer, Alice Isaaz, Natalia Dontcheva, Laure Calamy

Nous avons découvert ce film sans avoir lu quoi que ce soit auparavant, ni même vu la bande-annonce, sans pause autre que le trajet entre la vision presse précédente (Un peuple et son roi) ! Le générique nous apprend que l’intrigue est adaptée d’un roman de Diderot. Nous serons donc plongé dans le XVIIIe siècle, comme le précédent... mais quelques dizaines d’années avant la Révolution.

Mademoiselle de Joncquières (le film !) est un plaisir pour les yeux, tout comme Mademoiselle de Joncquières (l’actrice Alice Isaaz qui lui donne corps à l’écran) ! C’est aussi non pas le charme discret de la bourgeoisie, mais le charme désuet et suranné d’une langue française que l’on ne parle plus aujourd’hui ! Les dialogues inscrivent donc bien le film dans son siècle (et non comme Sofia Coppola le fait avec sa très libre relecture de Marie-Antoinette en 2006 dans le même siècle !).

Toutefois, il faut ici apporter quelques bémols, à défaut de dévoiler le dénouement de l’intrigue (et l’on joue ici vraiment sur les mots : intrigue - celle du film et celle dans le film - et dénouement - pour les liens qui y sont tissés et détissés !) ! C’est que le film est long ou, du moins, semble très, trop long. C’est que son exposition, à la fois des sentiments, des personnages et des situations prend une bonne part du long métrage, d’autant qu’il faut un certain temps avant que n’apparaisse celle qui donne son titre au film. A tel point que nous nous sommes dit que celui-là aurait dû être « Madame de La Pommeraye », tant son personnage (brillamment interprété par Cécile de France, intrigante et/parce qu’intriguant dans les coulisses !) est de quasiment tous les plans, tandis que Mademoiselle de Joncquières n’arrive qu’assez tard dans le film et dans un plan machiavélique élaboré par celle qui s’offre d’être sa bienfaitrice.

Edouard Baer est parfait dans le rôle du marquis des Arcis, libertin notoire et assumé qui multiplie les conquêtes pour les abandonner dans les jours voire les heures qui suivent. Homme sans foi (il est tout sauf religieux !) et sans loi. Importe seulement le désir, son assouvissement pour passer ensuite à une autre affaire, sauf pour l’amitié (après l’amour) et la complicité qui, croit-il, le lie à Madame de La Pommeraye.

Il sera donc question de vengeance durant ce film après un long temps d’exposition. Mais sur quelles failles des uns et des autres celle-ci peut-elle de construire ? Et est-ce que les meilleurs plans ne sont pas sujets aux failles, eux aussi ? Et lorsqu’il est question d’amour, de conscience, de liberté et d’amitié, le mélange des ingrédients peut s’avérer explosif !

Pour prolonger la réflexion avec des étudiants et des jeunes, vous pouvez utiliser ce dossier pédagogique.

En 1945, Robert Bresson a adapté déjà cette histoire pour le cinéma : Les dames du bois de Boulogne, mais en l’adaptant de façon contemporaine (le film, restauré, sera disponible en DVD et BR dans le courant du mois de septembre). Emmanuel Mouret a voulu garder le récit dans son époque. Il explique ainsi le choix de cette histoire-là : « Un récit souvent relu, qui m’avait frappé, beaucoup ému, notamment sa fin. La modernité de cette histoire m’avait semblé saisissante, j’entends par là que ce qui est moderne est ce qui ne vieillit pas et traverse le temps. Les désirs, les sentiments, les élans, les conflits qui traversent les personnages et les questions que soulève le récit me semblent très contemporains. Les questions morales que se pose le 18e siècle sont toujours à l’œuvre de nos jours. Pendant et après la Régence, la société est clivée comme jamais, comme la nôtre, entre l’amour profane, le goût des plaisirs, et un amour plus sacré. Libertins ou pas, ceux qui ont traversé cette époque sont aussi intérieurement clivés que nous le sommes aujourd’hui. ». Ajoutant un personnage absent chez Diderot, celui de l’amie de Madame de La Pommeraye : « Les personnages du marquis et de la marquise sont tellement excessifs qu’il me fallait un personnage qui incarne une idée du « raisonnable », de la mesure. Sans la mesure, pas de démesure. C’est en outre un personnage auquel je me suis beaucoup attaché. Son amitié pour la marquise est vraie, attentionnée, délicate... et petit à petit elle voit son amie s’éloigner comme un bateau sur la mer. J’ai dit à Laure Calamy que ce personnage aurait pu être l’auteur ou le narrateur de ce récit. J’ai beaucoup apprécié l’élégance et l’inventivité de son interprétation. ».

Reste la question du titre qui nous avait surpris. Sur ce point voici ce qu’en dit le réalisateur : « D’abord parce que le texte n’ayant pas de titre, il fallait en trouver un. Ensuite parce que j’avais envie, dès le début du film, de donner une grande importance à ce personnage (Mademoiselle de Joncquières) qui peut longtemps paraître secondaire. C’est une façon de préparer la fin, sans la révéler. Le personnage est dessiné en creux, suffisamment mystérieux pour alimenter nos projections, comme celles du marquis. Je crois que, plus cette jeune femme reste insondable à ses yeux, plus on comprend son attirance irraisonnée, et, plus le retournement final peut être poignant et troublant. »

Bande annonce :

Mademoiselle de Joncquières : Trailer HD
Mademoiselle de Joncquières : Trailer HD
Madame de La Pommeraye, jeune veuve retirée du monde, cède à la cour du marquis des Arcis, libertin notoire. Après quelques années d’un bonheur sans faille, elle découvre que le marquis s’est lassé de...
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