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CINECURE
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Ryan Gosling (2014)
Lost River
Sortie le 8 avril 2015
Article mis en ligne le 3 avril 2015

par Charles De Clercq

Synopsis : Dans une ville qui se meurt, Billy, mère célibataire de deux enfants, est entraînée peu à peu dans les bas-fonds d’un monde sombre et macabre, pendant que Bones, son fils aîné, découvre une route secrète menant à une ville engloutie. Billy et son fils devront affronter bien des obstacles pour que leur famille s’en sorte.

Acteurs : Christina Hendricks, Saoirse Ronan, Eva Mendes, Iain De Caestecker, Ben Mendelsohn, Barbara Steele, Matt Smith.

 Un certain regard !

Les habitués d’Un certain regard ont découvert le premier film de Gosling en 2014, sous le titre How to Catch a Monster. La tiédeur de l’accueil réservé à ce premier long métrage aura comme conséquence que Warner Bros décidera de ne pas diffuser le film dans les salles américaines, hormis une sortie restreinte à Los Angeles et New York.

Ryan Gosling, comme d’autres acteurs avant lui, on l’attendait de pied ferme. C’est que le (encore) jeune et (toujours) beau gosse, compagnon d’Eva Mendes, suscitait de nombreuses attentes et des regards de convoitise (ou jalousie ?). Il faut reconnaître que ce Canadien, père de la petite Esmeralda Amada, a enfanté ici une œuvre curieuse et surprenante. De Lost River, on retiendra d’abord un esthétisme très marqué, mais aussi la bande sonore. N’oublions pas que Ryan n’est pas seulement un acteur passé de l’autre côté de la caméra, mais qu’il est également producteur, compositeur et aussi (et surtout ?) musicien. Il a fondé en 2007 le groupe Dead Man’s Bones en duo avec Zach Shields ; il est chanteur et joue de la guitare, de la guitare basse et du piano. Le nom de ce groupe de rock indépendant et de folk rock est à lui seul tout un programme et peut nous aider à comprendre certaines références de ce premier film dont Ryan Gosling est également le scénariste.

 Un homme sous influences !

Notre Canadien, probablement surdoué, non pas Xavier... mais Ryan !, remercie trois réalisateurs dans son générique final : Terrence Malick, Guillermo del Toro et Nicolas Winding Refn. Ce ne sont pas les seules influences : son univers est également très lynchien à certains moments.
Certains ont vu dans l’acteur écossais Iain De Caestecker [1], le protagoniste principal, interprète de Bone (cela ne s’invente pas !) un alter ego de Gosling soi-même, mâtiné de l’autre Canadien (Xavier Dolan) et de James Dean.

Le reste du casting vaut également le détour et fait appel à notre mémoire de la filmographie de Ryan. Tout d’abord Eva Mendes, sa compagne, avec qui il avait tourné dans The Place Beyong the Pines. Ensuite Christina Hendricks qui était Blanche dans Drive (et aussi Joan dans... Mad Men). La toute jeune Saoirse Ronan a déjà un parcours impressionnant sans oublier, dans le rôle de Bully, la prestation hallucinante du onzième Doctor Who, pardon de Matt Smith [2]. Et si Bully est un personnage aux ciseaux - à défaut de doigts d’argent - qui est un véritable méchant, très très méchant, en revanche, il y a un vraiment « gentil », le chauffeur joué par Reda Kateb.

Pour la musique, c’est Johnny Jewel qui est aux commandes. Il avait composé celle de Bronson pour Refn et a participé à celle de Drive tandis que le directeur photo est Benoît Debie qui fut également celui de Enther the Void de Gaspard Noé.

Homme sous influences donc, Ryan reconnait ainsi s’être inspiré de films fantastiques des années 1980. Ceux-ci, tout simplement populaires, devaient habiter son âme d’enfant, probablement à la télévision. Il dit ainsi : « J’ai passé ces références au prisme de la sensibilité que j’ai acquise depuis en matière de cinéma. Partant de là, l’histoire de Lost River a commencé à se dessiner sous la forme d’un sombre conte de fées, avec la ville dans le rôle de la demoiselle en détresse, et des personnages semblables aux morceaux d’un rêve brisé, qui essayent de se reconstruire. »

 Oui, mais le film !

De fait, à l’arrivée, il y a un film dont on comprendra aisément qu’il ne laissera pas indifférent. C’est qu’à force d’être influencé et surtout de bourrer son film de références cinématographiques, mais aussi à ses passions, ses fantasmes, sa culture, ses rêves, le risque est grand de perdre la cohérence. Le rouge est prédominant, celui-là même que nous avions découvert dans le surprenant Only God Forgives de Refn. C’est à un voyage à Detroit que nous invite Gosling, sur fond de misère des gens dont les maisons ne valent plus rien. Tout et tous invitent à partir, à quitter une terre inhospitalière dont on découvrira qu’une partie fut évacuée pour permettre la réalisation d’un bassin de rétention d’eau. Que faire si l’on ne veut pas partir, qu’il n’y a plus d’argent et qu’il faut cependant payer le crédit aux échéances trimestrielles ? Deux itinéraires nous sont proposés, celui de Billy la mère, celui de Bone, le fils. Ce dernier se lie avec Rat (son nom vient de l’animal de « compagnie » qu’elle adore), la jeune voisine d’en face, qui vit avec sa grand-mère enfermée dans son passé. Entre la mère et le fils, il y a un autre enfant. Charge pour l’une et l’autre. La mère devra se laisser prendre dans de sordides spectacles qui mêlent le sang, le sexe et la violence (et plus encore si l’on à besoin d’argent rapidement). Le fils devra être un homme de métal, en quête de cuivre qu’il devra conquérir à Bully, le propriétaire autoproclamé de la cité morte. Un homme sans compassion.. inhumain. Alors que Billy perd son humanité dans une maison trouble et glauque où elle sera « coffrée », son fils, Bone, lui plonge dans les eaux tout aussi troubles et glauques d’un lac artificiel. Il ne pourra en ressortir qu’avec les artifices d’un passé à jamais perdu, enterré, ou plutôt noyé. C’est paradoxalement en se faisant la grosse tête, éclairé dans sa nuit, qu’il pourra tirer un trait sur le passé, le noyer et sortir la tête de l’eau.

 On attend le deuxième ?

Nous jouons sur beaucoup de mots et de sens dans la phrase qui précède et que l’on ne comprendra qu’après avoir vu le film ! Notre façon d’être en consonance avec l’esprit et les images de Lost River. Ce dernier, malgré les défauts d’un... premier long métrage pourra irriter parce qu’il ressemble à ce travail d’étudiant où l’on veut en mettre plein la vue à son professeur. En même temps, on ne peut que se laisser séduire tant on y trouve le cœur de Ryan, avec une candeur et une naïveté touchante et désarmante. Celles-là même qui sont l’apanage de l’enfant babillant - dont on ne comprend pas le langage - des premières images du film. Il s’est engagé, comme acteur dans des films importants et dérangeants, parfois même difficiles, ainsi à l’âge de 20 ans dans le rôle de Danny Balint (The Believer) de Henry Bean. Relevons aussi The United States of Leland de Matthew Ryan Hoge, Half Nelson de Ryan Fleck et Blue Valentine de Derek Cianfrance moins connus du grand public. S’il peut retenir les leçons de ce demi-succès (plutôt que demi-échec !) d’un Lost River parfois trop esthétisant, mais toujours envoûtant, espérons que Ryan rebondisse et nous offre d’ici quelques années un deuxième (et pas dernier) long métrage.



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