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Martin Bourboulon
Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan
Sortie du film le 05 avril 2023
Article mis en ligne le 10 avril 2023

par Julien Brnl

Genre : Aventure, historique

Durée : 121’

Acteurs : François Civil, Vincent Cassel, Romain Duris, Pio Marmaï, Eva Green, Louis Garrel, Lyna Khoudri, Jacob Fortune-Lloyd, Vicky Krieps, Eric Ruf...

Synopsis :
Du Louvre au Palais de Buckingham, des bas-fonds de Paris au siège de La Rochelle... dans un Royaume divisé par les guerres de religion et menacé d’invasion par l’Angleterre, une poignée d’hommes et de femmes vont croiser leurs épées et lier leur destin à celui de la France.

La critique de Julien

Tous pour un, un pour tous ! Annoncé depuis trois années, c’est cette semaine que sort sur nos écrans « Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan », soit le premier volet du diptyque de Martin Bourboulon (à qui l’on doit le récent « Eiffel »), évidemment consacré au plus célèbre des romans d’Alexandre Dumas, alors que la seconde partie, intitulée « Milady », arrivera cette année même, soit le 13 décembre prochain. Écrit par Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière (les réalisateurs du « Prénom » et prochainement de l’adaptation du « Comte de Monte-Cristo » d’un certain Alexandre Dumas avec Pierre Niney dans le rôle-titre), cette saga se veut être une adaptation complète du roman, étalée donc sur deux films, tournés simultanément, mais dans le désordre, tandis que le tournage aura duré 150 jours, avec notamment des prises de vue au Palais du Louvre, à l’Hôtel des Invalides à Paris, aux châteaux de Fontainebleau, à la citadelle de Saint-Malo, ou encore dans le centre-ville historique de Troyes. Et autant dire qu’avec un budget de production de plus de 72 millions d’euros, le producteur Dimitri Rassam et Pathé n’y sont pas allés de main morte, et croient dur comme fer en ce projet pharaonique, lequel est désormais l’une des plus grosses productions européennes jamais réalisées. Avec pour ambition d’injecter du réalisme à cette histoire connue de tous, ainsi que d’y immerger le spectateur grâce à des scènes d’action tournées notamment en plans-séquences, et par les acteurs eux-mêmes, « Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan » s’avère être une énorme prise de risque. En effet, qui, à l’heure actuelle, est encore intéressé de découvrir cette œuvre maintes et maintes fois adaptée au cinéma, soit un film de cape et d’épée ? Certes, le roman de Dumas se veut intemporel, étant donné les thèmes qui le traversent et qui le sont tout autant, tels que la camaraderie, la fraternité, la trahison ou encore l’honneur. Mais cette relecture était-elle nécessaire, et donc justifiée ? Est-ce « le grand film d’aventures » que concevait son metteur en scène ?

Comme nous l’indique sur fond noir le générique d’ouverture, l’intrigue du film débute en 1627, après des années de paix, alors que le Royaume de France est au bord d’une nouvelle guerre de religion. En effet, le Roi Louis XIII (Louis Garrel), toujours sans héritier, est à la tête d’un pays coupé en deux, avec d’un côté les forces protestantes soutenues part l’Angleterre, et de l’autre la noblesse catholique qui cherche à asseoir sa domination. Le Roi compte alors sur son ministre de plus puissant, le cardinal de Richelieau (Éric Ruf, lequel avait joué Aramis dans le téléfilm « Milady » de Josée Dayan sorti en 2004), pour restaurer l’autorité de la Couronne. Sauf que beaucoup soupçonnent l’ambitieux cardinal de chercher à prendre le pouvoir. C’est dans ce climat de complots et de révoltes que d’Artagnan (François Civil), un jeune gascon fougueux, fait route vers Paris, dans l’espoir de rejoindre le corps des Mousquetaires du Roi, composé d’Athos (Vincent Cassel), de Porthos (Pio Marmaï) et d’Aramis (Romain Duris)...

À ne pas s’y méprendre, « D’Artagnan » est bien un spectacle de tous les instants, dont la reconstitution d’époque s’avère assez impressionnante, des costumes aux maquillages, en passant par les décors, malgré quelques anachronismes et libertés volontaires. Dommage cependant qu’une si grande partie de l’histoire évolue dans la pénombre, l’image ayant été ici « salie » pour davantage correspondre à l’ADN des films d’époque, au regard de la scène d’ouverture, se déroulant - qui plus est - sous des trombes d’eau, et au cours de laquelle d’Artagnan tente de sauver une jeune femme d’une tentative d’enlèvement, orchestrée par celle qui n’est autre que Milady de Winter (Éva Green), espionne et agent officieux du cardinal de Richelieu. Parti-pris assumé, cette noirceur-ocre de l’image va pourtant de pair avec les temps qui courent pour la France, Martin Bourboulon et ses coscénaristes ciblant leur diptyque autour du jeune gascon et de Milady, elle qui rétorquera ici au premier - avant de s’envoler du haut d’une falaise - qu’elle voit une lueur dans son regard, et qu’elle fera de celle-ci un incendie qui le consommera... Le personnage de François Civil est alors ici au centre de toutes les intentions, bien aidé cependant par ses (futurs) frères d’armes, lesquels manquent tout de même longtemps à l’appel, Porthos (Pio Marmaï) et Aramis (Romain Duris) étant clairement sous-écrits. Le comble pour un film qui se veut parsemer des valeurs des mousquetaires ! Que dire également de Richelieu, qui n’existe qu’au travers de maigres dialogues et d’une caméra le filmant de biais, soulignant ainsi son côté mystérieux et cachottier. La ténébreuse Milady n’est également que contournée, faisant ses coups en douce et prononçant ses mots de la voix suave d’Eva Green, qu’on espère ainsi plus prédatrice et assoiffée dans « Milady ». L’intrigue laisse alors davantage place à la révolte politique et religieuse qui gronde, et dont on découvre donc les coulisses (Louis Garrel est, à ce titre, très convaincant en Louis XIII, lui qui doit asseoir son pouvoir), tandis qu’on y suit également la naissance de l’idylle entre Constance Bonacieux (à laquelle Lyna Khoudri offre ses traits maghrébins) et d’Artagnan, lui dont les motivations envers la Couronne restent tout de même un grand mystère, lequel est ici empreint de dévouement, mais aussi d’insouciance et - surtout - d’arrogance...

Malgré la complexité et la densité de l’œuvre de Dumas, l’une des forces de cette première partie est d’avoir réussi à en condenser généreusement ses enjeux, livrant un divertissement honorable qui se suit sans mal, mais sans folie des grandeurs, ni émotion. C’est simple : rien ne dépasse ici du cadre, tout est trop propre, et même les scènes d’action et longues séquences filmées de manière plus « actuelle » donnent l’impression de coller à la peau d’un cahier des charges suivi à la lettre. Le spectacle, s’il demeure ainsi de bonne facture, sonne relativement creux, et manque de force, d’identité, alors que Porthos, lui, y assume sa bisexualité. C’est d’ailleurs par petites touches ici et là greffées aux aventures des trois « plus un » mousquetaires que « D’Artagnan » essaie de maladroitement moderniser ce récit auquel on a coupé l’herbe sous le pied, pour la rendre plus accessible, moins indigeste. C’est chose faite, donc, bien qu’on ait, au final, le sentiment de ne pas toujours regarder « Les Trois Mousquetaires »...

Après l’échec en France « d’Astérix et Obélix : l’Empire du Milieu », bien qu’en voie d’être sauvé par sa carrière internationale, c’est sans compter que Pathé a dépensé pour ressusciter le film de cape et d’épée. Si le résultat n’est pas vain, il manque encore de saveur, d’incarnation, mais donne tout de même l’envie d’en découvrir son issue, à l’image de l’intense cliffhanger sur lequel se termine « D’Artagnan », soit une fin en suspens, ouvrant les portes d’une quête qu’on espère aussi effrénée qu’elle le prétend déjà. À moins qu’on l’ait déjà oubliée d’ici là ?



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