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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Stéphane Cazes
Les Têtes Givrées
Sortie du film le 15 mars 2023
Article mis en ligne le 23 mars 2023

par Julien Brnl

Genre : Comédie

Durée : 103’

Acteurs : Clovis Cornillac, Claudia Tagbo, Malonn Levana, Shirel Nataf...

Synopsis :
Dans un collège au pied du Mont Blanc, les élèves de SEGPA ne s’intéressent à rien. Pour les motiver et les faire rêver, Alain, leur professeur, organise une sortie surprenante et périlleuse dans les entrailles d’un glacier. Les adolescents découvrent alors un monde de glace d’une beauté à couper le souffle. Mais ils réalisent qu’avec le réchauffement climatique, si rien n’est fait, ce glacier comme beaucoup d’autres pourrait disparaitre. Contre l’avis de tous, mais entraînés par leur professeur, ils vont se lancer corps et âmes dans un projet fou : protéger le glacier et l’empêcher de fondre... Désormais plus rien ne pourra les arrêter, parce qu’il n’y a pas de planète B !

La critique de Julien

Dans la course contre la montre au réchauffement climatique, les scientifiques et écologistes ne cessent de faire preuve d’inventivité, notamment pour ralentir la fonte des glaces. C’est ainsi qu’en 2020, le glacier de Presena, en Italie, a été recouvert de près de 100 000 hectares (soit la surface de Paris !) de bâches géotextiles (faites de fibres de polyester et de polypropylène), retardant ainsi l’inéluctable. Fasciné par les glaciers, et la nature environnante, le cinéaste français Stéphane Cazes, qui souhaitait également parler de l’enseignement (des deux côtés du bureau), s’est alors inspiré de cette incroyable réalité et du mouvement des jeunes pour le climat pour écrire, avec sa co-scénariste Isabelle Fontaine, un feel-good movie. Les têtes givrées du titre, ce sont alors celles des élèves d’une classe de SEGPA (Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté) et de leur professeur (Clovis Cornillac), qui les confrontera à la question de l’écologie, de la collectivité, contrebalançant ainsi avec le dénigrement qu’ils subissent au quotidien, leur trouvant idéologiquement ici un nouveau but, une mission, laquelle aidera chacun à retrouver une confiance en lui, et à viser l’épanouissement plutôt que l’échec...

L’intrigue de cette comédie nous emmène alors au pied du Mont Blanc, où Alain Faillet, ancien entraîneur olympique vivant reclus dans une cabane perchée en flanc de montagne, a été embauché pour un contrat d’un an (les professeurs se comptent sur les doigts de la main dans la région), afin d’enseigner dans une classe d’élèves démotivés. Dans l’optique de leur offrir un avenir radieux, et de les sensibiliser à la fonte du glacier (qui « crève » sous leurs yeux), le professeur emmènera ses élèves à l’intérieur d’un moulin, soit un puits taillé dans un glacier par les eaux de fonte, situé dans la Mer de Glace. D’abord réticents, et se moquant gentiment des vieilles expressions désuètes de leur professeur, les élèves proposeront, émerveillés par cette visite, de faire de la cause du glacier leur projet de fin d’année (eux qui ne sont même pas capables de monter une pièce de théâtre), au grand dam de leur proviseur (Claudia Tagbo), pour qui il s’agit de la dernière année, elle qui espère partir sans faire de vague. C’est ainsi qu’ils auront l’idée de bâcher le glacier, après avoir entendu parler de cette méthode. Sauf que le projet ne sera pas de l’avis du maire (Laurent Bateau), qui entend bien faire revenir les touristes dans la région, sans donc de bâches sur son attraction principale ! Qu’importe, Alain et les adolescents se lanceront corps et âme dans ce projet, quitte à faire croire involontairement à ses élèves, fragiles, à de faux espoirs, au risque aussi de reproduire personnellement les erreurs qu’Alain a commises dans le passé...

Documentée (échanges avec des glaciologues, rencontres avec des enseignants, etc.), et profitant d’un éco-tournage, « Les Têtes Givrées » est une comédie pleine de bonnes intentions, où les élèves d’une classe morcelée de SEGPA vont unir leurs forces malgré leurs différences et difficultés, et cela pour réaliser ensemble un projet qui, au départ, était pensé par eux-mêmes comme impossible. Mais c’est sans compter sur leur professeur, croyant en eux, mais également sur ses motivations, ses discours, de persévérance et de dépassement de soi, lui se reconstruira d’ailleurs, en parallèle de ses actions, et réapprendra à vivre, tout en apprenant finalement d’eux. Et si Alain avait finalement plus besoin d’eux qu’eux ont besoin de lui ?

D’un point de vue technique, tout d’abord, et malgré de belles images filmées dans la région de Chamonix, sur ses glaciers, « Les Têtes Givrées » peine à convaincre par sa réalisation (laquelle pourrait être un téléfilm), notamment par son choix de filmer à l’économie, dont avec des lampes à basse consommation. En témoigne l’éclairage des scènes intérieures, dont celles en classe (et elles sont nombreuses), qui manquent cruellement de lumière. Aussi, certaines incrustations de montagnes en arrière-plan piquent aux yeux (pour ne pas dire qu’elles éblouissent). Dans l’absolu, le spectateur a ici l’impression d’assister à un film qui suit un chemin tout tracé, sans sortir des sentiers, même si ceux-ci sont effacés par la neige (même si elle fond)...

Plus moralisateur que sensibilisateur (à l’image des phrases défilant à l’écran au début du générique final), le film de Stéphane Cazes souffre, d’une part, de dialogues assez vulgaires, ou en tout cas pour ceux sortant de la bouche des étudiants, stigmatisant dès lors leur langage. On a ainsi l’impression que ces adolescents ne savent aucunement se parler en se respectant ni s’exprimer sans employer de grossièretés à tout-va. Les profils des élèves peinent aussi à exister, au-delà de celui de Julia (Shirel Nataf), qui en veut à la terre entière, ou de Thibaud (Matteo Salamone). Cependant, la cohésion de groupe va ici de l’avant, lequel en sort plus fort. « Les Têtes Givrées » joue alors sur la corde sensible, étant donné notamment le passé dudit professeur, lequel va remonter à la surface, jusqu’aux larmes de l’intéressé. Touché ou non par ce dernier, Clovis Cornillac fait le boulot, alors que la gentille morale de l’histoire veut qu’on réussisse à se changer soi-même avant de vouloir changer le monde. Dans l’ensemble, ce film est donc aussi fédérateur que vain, à l’image de son discours, entre idéologie et pragmatisme. C’est un récit optimiste, mais qui ne prend aucun risque. Quant à la question des glaciers et du changement climatique les concernant, on vous conseille de consulter le dossier pédagogique du dossier de presse du film, bien plus fourni et pertinent que l’est, finalement, celui-ci sur la question climatologique qu’il soulève. Un film à voir donc, pourquoi pas, avec des élèves, mais surtout pour en discuter par la suite, afin d’éveiller les consciences, et surtout agir...



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