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CINECURE
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Eva Husson
Les Filles Du Soleil
Sortie le 2 janvier 2019
Article mis en ligne le 11 janvier 2019

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • second film de la réalisatrice Eva Husson après « Bang Gang » (Une Histoire d’Amour Morden) (2015) ;
  • film présenté en compétition officielle lors du Festival de Cannes 2018 ;
  • s’inspire des massacres de Sinjar (août 2014, Irak) contre les yézidis par les djihadistes de l’Etat islamique, ainsi que de la bataille de Sinjar (août 2014-novembre 2015) qui opposait les groupes kurdes aux extrémistes ;
  • « Les Filles du Soleil » tire son titre d’un bataillon fondé le 02 juillet 2015 en Irak et constitué de combattantes yézidies alors âgées de 17 à 30 ans, et commandées par Xate Shingali, une ancienne chanteuse yazidie.

Résumé : Au Kurdistan, Bahar, commandante du bataillon Les Filles du Soleil, se prépare à libérer sa ville des mains des extrémistes, avec l’espoir de retrouver son fils. Une journaliste française, Mathilde, vient couvrir l’offensive et témoigner de l’histoire de ces guerrières d’exception. Depuis que leur vie a basculé, toutes se battent pour la même cause : la femme, la vie, la liberté.

La critique de Julien

Août 2014, l’Etat islamique lance une offensive meurtrière sur la ville de Sinjar, un haut lieu de la religion Yézidie situé au nord-ouest de l’Irak, proche de la frontière syrienne. Tandis que les hommes furent systématiquement massacrés par les djihadistes, les femmes et les jeunes filles furent réduites à l’esclavage sexuel, et les jeunes garçons enrôlés comme enfants-soldats. C’est dans ces tristes et horribles conditions qu’a vu le jour un bataillon exclusivement constitué de combattants féminins, intégrés aux Pershmergas (forces armées du Gouvernement régional du Kurdistan irakien - GRK), et ayant obtenu le feu vert du président kurde Massoud Barzani. Au total, ce sont près de cinq mille Yadizis qui ont été tués, et plus de 500 femmes et enfants capturés. Mené par Xate Shingali (qui n’est autre qu’une ancienne chanteuse reconvertie en guerrière pour la liberté), l’histoire de ce groupe appelé les « Sun Girls » a touché Eva Husson, laquelle s’est sentie également concernée par la cause suite à sa propre histoire politique familiale (grand père soldat républicain et communiste, frère anarchiste, oncle chef du parti marxiste républicain POUM en exil). Avec son second film « Les Filles du Soleil », la cinéaste nous offre alors une histoire fictive inspirée de cette terrible vérité.

Eva Husson a décidé de raconter cette histoire sous le prisme d’une rencontre entre deux femmes traumatisées par la guerre, mais refusant d’en être des victimes. La première est jouée par Golshifteh Farahani, interprétant une combattante kurde appelée Bahar, et largement inspirée par Xate Shingali, la fondatrice des « Filles du Soleil ». Trilingue, l’actrice d’origine franco-iranienne porte sur ces épaules ce film qui passe allègrement à côté de son sujet. Emmanuelle Bercot complète ce duo éprouvé par l’horreur, dans la peau de Mathilde, une journaliste de guerre borgne ayant perdu son mari en pleine mission, alors qu’il exerçait la même et périlleuse fonction. Ce personnage est quant à lui inspiré de deux reporters de guerre iconiques, en commençant par Marie Colvin, une journaliste américaine et spécialiste du monde arabe, décédée en 2012 en Syrie lors d’un bombardement, et qui portait tout comme Mathilde un bandeau à l’œil gauche suite à un éclat d’obus). Il y a aussi Martha Gellhorn, une journaliste américaine ayant couvert de grands conflits mondiaux du dernier siècle, de la Guerre d’Espagne à l’invasion du Panama par les Etat-Unis, ou encore du Débarquement de Normandie.

Alors que le personnage campé par Golshifteh Farahani se révèle à nous par des flash-back permettant de comprendre comment il en est venu à prendre les armes contre Daesh, son écriture ne lui épargne malheureusement pas grand chose. Alors que Bahar cherche coûte que coûte à retrouver son fils enlevé, cette dernière semble avoir vécu les pires horreurs (comme si cela ne suffisait déjà pas). Son parcours peine ainsi à susciter l’émotion par son manque de mesure. À vrai dire, c’est typiquement le genre de portrait au poids dramatique bien trop souligné pour sonner authentique. Le rôle d’Emmanuelle Bercot, dans sa volonté de montrer la vérité au monde entier par son métier, est également traversé par un double drame personnel.

Mathilde est alors incapable de surmonter la mort de son mari, elle qui supporte mal la distance avec sa petite fille, restée au pays... Dans sa position de témoin, son personnage permet un regard extérieur sur les conditions de ces femmes ayant tout perdu, et n’ayant plus que la guerre pour se relever, et en toute dignité vis-à-vis de ce qu’elles ont vécu. Mais les nuances psychologiques de Mathilde ne sont pas toujours claires, de là à se questionner sur le véritable mal la ronge, tout comme ce qui l’empêche de s’épargner toute cette violence...

Même si les deux actrices incarnent leur personnage avec force et dévotion, leur développement romanesque et appuyé ne sert pas vraiment la cause défendue par le film.

Tourné en Géorgie, les décors donnent à voir des images somptueuses et hostiles, surenchéries par un joli travail sur la musique, parfois glaçante. Malgré cela, certains choix laissent à désirer, comme celui d’emprunter un chemin fictif autour de ces « filles du soleil ». Eva Husson, en focalisant son récit autour de ces deux personnages caricaturaux dans leur écriture, tourne en rond, et ne rend pas hommage aux victimes de guerre, dont ces femmes, et leur famille. Et ce ne sont pas les deux monologues de Mathilde (en début et fin de film), maladroits et démonstratifs dans ses intentions, qui vont nous convaincre.



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