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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Diao Yinan
Le Lac aux Oies Sauvages (The Wild Goose Lake)
Sortie du film le 01 janvier 2020
Article mis en ligne le 10 janvier 2020

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • présenté en sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 2019 ;
  • s’inspire d’un fait divers datant de 2012 et s’étant déroulé à Wuhan, la capitale de la province du Hubei, en Chine, alors qu’une véritable « assemblée nationale des voleurs » s’était tenue, alors qu’ils étaient en train de se répartir les territoires de la ville lorsque la police est arrivée les lieux pour les arrêter.

Résumé : Un chef de gang en quête de rédemption et une prostituée prête à tout pour recouvrer sa liberté se retrouvent au cœur d’une chasse à l’homme. Ensemble, ils décident de jouer une dernière fois avec leur destin.

La critique de Julien

Le cinéaste chinois Diao Yinan est de retour en ce début d’année avec « Le Lac aux Oies Sauvages », faisant suite à « Black Coal » (2014), notamment récompensé à l’époque du prestigieux Ours d’or du meilleur film à la Berlinale. Et alors qu’il avait déjà présenté son second film « Train de Nuit » (2007) au Festival de Cannes dans la section « Un certain regard », son quatrième à quant à lui eu l’honneur d’y concourir cette année, et en compétition officielle. Pourtant, dans ce sinueux polar noir, il n’est question sur papier que d’une chasse à l’homme. Mais quelle chasse à l’homme... 

Le film débute alors par la rencontre entre un chef de gang et une baigneuse (non pas une qui plonge dans l’eau pour piquer une tête, mais bien une femme se livrant à de la prostitution bon marché dans les villes balnéaires), dans une petite gare de banlieue, un soir de pluie. Puis, à coups de flash-back, Diao Yinan nous aide alors à comprendre les motivations principales de ces deux individus, en quête de rédemption, avant de revenir au présent, et de poursuivre son récit aussi lent que palpitant, autour du lac aux oies sauvages de la ville de Wuhan. 
Car il s’agit bien là, à la base, d’un règlement de compte entre deux familles mafieuses rivales, gérant alors un trafic de motos, mais lequel va mal tourner, et d’autant plus pour Zhou Zenong (incarné par le très beau Hu Ge), recherché par la police et son clan adverse, sa tête étant mise à prix après avoir malencontreusement abattu un policier dans sa fuite...

Tandis qu’il rend hommage à bien des cinémas dont les codes divergent (cinéma occidental des années 40-50, taïwanais et hongkongais des années 90-2000), le réalisateur et scénariste pose ici un regard critique sur la Chine actuelle, mais cela au sein d’une mise en scène qui lui vole cependant la vedette. Car « Le Lac aux Oies Sauvages » se savoure bien plus pour son esthétisme et son contexte spatial que pour ce qu’il a à nous dire (le film s’inscrit dans le genre du jianghu). Mais à force de vouloir trop en faire, il nous perd un peu, notamment au niveau de tous ses seconds-rôles, cités sans arrêt, mais sur lesquels on ne parvient pas à mettre de visage... En effet, alors qu’ils se ressemblent déjà pour beaucoup d’entre eux, certains jouent parfois plusieurs rôles à la fois, ce qui a l’art de nous embrouiller, mais surtout de nous tenir à carreau de toute émotion. Sans parler de son ambiance froide et humide, et d’un parler au débit planant qui laisse songeur, et son manque de retour. Mais on parvient tout de même à s’attacher à cet homme loyal et déterminé à survivre, malgré sa position initiale condamnable. La femme aussi émeut ici, elle qui tente à son tour de s’en sortir. 

Après une première partie tortueuse, Diao Yinan nous plonge alors dans une véritable course contre la montre dans les bas-fonds d’une ville et ses immeubles délabrés, jusqu’à ses recoins les plus sombres, mais éclairés par la lumière de la nuit, venues des lampadaires et lampes néons roses qui jonchent les lieux, tandis que les ombres des personnages s’animent sur ses murs et façades. Oui, la photographie est virtuose, n’ayons pas peur de le dire !

Au rythme de chorégraphies saccadées et d’une violence inouïe (où des litres de sang giclent), le film ne nous épargne en rien de l’aspect purement bestial de cette chasse à l’homme (qui vaut 300K yuans). Âmes sensibles, s’abstenir ! À cet égard, vous aurez la chance de découvrir une toute nouvelle fonctionnalité du parapluie. Et en l’occurrence, c’est très recherché, et prouve que le cinéaste est allé jusqu’au bout de son idée. On citera aussi une utilisation d’armes à feu plutôt étonnante, comme si les armes en question déployaient une décharge électrique sur son propriétaire à chaque balle tirée. Mais tout cela s’inscrit sans doute là dans la volonté du réalisateur à mettre en place une œuvre à la fois imprégnée de réalisme et d’onirisme, en témoigne un magnifique passage au zoo, alors que le personnage principal tente de s’y cacher, mais que des témoins animaliers l’observent avec leurs yeux filmés en gros-plan, comme s’ils allaient à leur tour dégainer. 
Visuellement, il serait donc dommage de se priver de ce film, inscrit dans un cinéma qui a tant à nous offrir.

Avec sa narration en dents-de-scie, dont des allers-retours déstabilisants où l’on en ressort confus, et son trop-plein de personnages difficilement identifiables, « Le Lac aux Oies Sauvages » nous perd plusieurs fois en chemin, lequel est heureusement sublimé par des idées de mise en scène en perpétuelle évolution, absolument sublimes et formelles, lesquelles réaniment continuellement notre regain d’attention. Bref, une seconde vision pourrait aider à y voir plus clair dans la pénombre de Wuhan, même si on s’y complaît en l’état.

LE LAC AUX OIES SAUVAGES de Diao Yinan BANDE ANNONCE - YouTube

➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux



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