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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Nisha Ganatra
Late Night
Sortie du film le 16 octobre 2019
Article mis en ligne le 19 octobre 2019

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • quatrième film de la réalisatrice, scénariste, productrice et actrice canado-américaine d’origine indienne Nisha Ganatra, laquelle s’exerce essentiellement pour des séries télévisées.

Résumé : Une célèbre présentatrice de « late show » sur le déclin est contrainte d’embaucher une femme d’origine indienne, Molly, au sein de son équipe d’auteurs. Ces deux femmes que tout oppose, leur culture et leur génération, vont faire des étincelles et revitaliser l’émission.

La critique de Julien

Mindy Kaling : ce nom ne vous dit peut-être par grand chose, et pourtant. Née à Cambridge (dans le Massachusetts) de parents originaires d’Inde et du Bangladesh ayant immigré aux États-Unis l’année de sa naissance, cette comédienne, actrice, scénariste, réalisatrice et productrice est une véritable touche-à-tout, elle qui a aussi tourné dans les séries « The Office » et « The Mindy Project » (qu’elle a d’ailleurs créée), tandis qu’on a pu la voir récemment aux côtés de Sandra Bullock, Cate Blanchett et d’Anne Hathaway dans « Ocean’s 8 » (de Gary Ross). Alors qu’elle a débuté en 1998 en tant que stagiaire dans le talk-show « Late Night with Conan O’Brien », Mindy Kaling s’est justement inspirée ici de son propre parcours pour scénariser et jouer dans la comédie « Late Night », laquelle nous dévoile les coulisses de ces émissions phares de fin de soirée aux Etats-Unis. Et qui de mieux que l’immense Emma Thompson pour lui donner la réplique, dans la peau de l’une ces grandes dames de la télévision ?

L’actrice anglaise incarne alors ici Katherine Newbury, une célèbre animatrice respectée de talk-show, laquelle affiche une longue carrière dans la comédie, mais dont la cote d’audience de son émission est en baisse constante depuis de nombreuses années. Bornée et déconnectée, Newburry, qui ne compte pas non plus de femme dans son équipe de rédaction, va alors engager la première venue, soit une certaine Molly Patel (Kaling), d’origine indo-Américaine. Motivée et rêveuse, la demoiselle, qui travaillait jusque-là dans un complexe chimique, sans donc la moindre connaissance dans le domaine de la télévision, va tout d’abord être confrontée à un milieu blanc machiste, puis faire face aux réticences de l’animatrice à l’encontre de ses idées, alors que cette dernière doit pourtant se renouveler, et toucher ainsi un plus large public (notamment via les réseaux sociaux), au risque de se voir remplacer de l’antenne... Mais c’est sans compter sur le déterminisme et l’audace de Molly, appelée aussi « numéro huit »...

Être la seule femme issue d’une minorité au sein de ce groupe d’hommes, Mindy Kaling l’a connu, tout comme la peur directe de ne pas être à la hauteur, étant donné qu’elle est devenue à l’époque la première femme de couleur à écrire pour « The Office ». Dès lors, son scénario, féministe, regorge de situations vécues, et dévoile l’envers du décor d’un programme TV animé en direct. Ainsi, on y apprend notamment que les animateurs possèdent un groupe de rédaction dont la tâche est de choisir, dans les thèmes d’actualité, des sujets sur lesquels écrire les meilleurs punchlines, reflétant l’esprit de l’émission de la speakerine, et cela afin de divertir, faire rire l’audimat, mais aussi de poser un regard sur le monde. C’est ainsi la première originalité de cette comédie. En effet, on n’avait, d’après nos souvenirs, pas encore vu de films nous montrant ce qui se passe derrière le rideau d’une émission (d’un tel acabit).

Au travers du personnage de Mindy Kaling, « Late Night » se révèle aussi être un porte-parole utile de la place de la femme dans la société, laquelle à bien des choses à dire et à faire, face à la suprématie masculine et le poids de son discours, toujours bien plus pris au sérieux que celui de la gente féminine dans certains domaines et milieux, tel que celui-ci, ultra-concurrentiel. Mindy Kaling glisse ainsi, par-ci, par-là, des piques bien pensées, et détruit les stéréotypes sexistes à coup de répliques cinglantes. Et c’est bien joué ! D’ailleurs, en parlant de jeu, l’actrice s’en sort plutôt bien dans son rôle, même si elle est dépassée, et de loin, par Emma Thompson, dans un rôle qui lui colle à la peau. Excentrique, cynique, méchante avec ses employés, immuable dans ses idées, Katherine Newbury a tout en apparence d’un personnage détestable, mais lequel va pourtant évoluer devant la caméra de Nisha Ganatra. D’ailleurs, Mindy Kaling a eu l’intelligence de ne pas mettre toutes les idées de son histoire sur les torts sur notre société misogyne, étant donné que le personnage d’Emma Thompson sera aussi remis en question. Car être une femme de pouvoir ne donne pas tous les droits, que ça soit envers l’homme ou la femme. D’un point de vue conjugal, aussi, cette femme n’aura pas toujours eu raison.

Bref, la présence d’Emma Thompson au casting, son interprétation, et son écriture, sont sans aucun doute d’autres points forts du film.

Par contre, là où il est moins convaincant, c’est sans doute dans sa construction narrative, très convenue, laquelle aligne aussi des situations parfois trop facilement emballées. Autrement dit, le film devient de plus en plus intéressant au fur et à mesure qu’il révèle ses arguments. « Late Night » n’a donc pas assez d’étoffe pour renverser le monde qui l’entoure, mais il a eu moins le mérite d’en avoir un point de vue, et c’est souvent ce qui manque à bon nombre de comédies américaines. Aussi, le film rappelle de nombreuses fois le film de David Frankel « Le Diable s’Habille en Prada », notamment par le personnage d’Emma Thompson, d’ailleurs doublé par Frédérique Tirmont, laquelle doublait déjà Meryl Streep en Miranda Priestly dans ce gros succès de l’année 2006. Certaines scènes-types ré-exploitent aussi l’effet de terreur créée par Katherine Newbury envers ses employés, lorsqu’elle arrive au travail, et que tout le monde s’active, d’arrache-pied. Enfin, Mindy Kaling ne parvient pas à toujours canaliser tous ses messages avec pertinence, au travers d’une même ligne de conduite.



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