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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Delphine Lehericey
Last Dance
Sortie du film le 21 juin 2023
Article mis en ligne le 28 juin 2023

par Julien Brnl

Genre : Comédie dramatique

Durée : 88’

Acteurs : François Berléand, Kacey Mottet Klein, Maria Ribot, Sabine Timoteo, Jean-Benoît Ugeux, Astrid Whettnall, Lisa Harder, Luc Bruchez...

Synopsis :
Retraité contemplatif, Germain se retrouve soudainement veuf à 75 ans. Il n’a même pas le temps de souffler que sa famille s’immisce dans son quotidien : visites et appels incessants, repas organisés à l’avance... Sa vie devient réglée comme une montre suisse ! Mais Germain a l’esprit ailleurs. Honorant une promesse faite à son épouse, il est propulsé au cœur d’une création de danse contemporaine.

La critique de Julien

« Last Dance », c’est le troisième long métrage de la réalisatrice, scénariste, comédienne et metteur en scène suisse Delphine Lehericey, elle qui s’est installée en Belgique après avoir étudié les Arts du Spectacle à l’Université Paris X, tout en étant issue du théâtre. Alors que son précédent film « Le Milieu de l’horizon » (2019) était adapté du roman homonyme de Roland Buti, celui-ci est le fruit d’un scénario original qu’elle a elle-même écrit, notamment pour son grand-père de 97 ans, « qui a encore tant de désirs et de vitalité ». Loin du drame pur, réaliser « Last Dance » est donc né, d’une part, de l’envie de parler du troisième âge, de questionner son infantilisation, et de parler du deuil en son sein, ainsi que de celle de réaliser un film que les gens auraient envie d’aller découvrir, c’est-à-dire une comédie, le tout avec autant de légèreté, de pulsions de vie, de poésie que de douleur...

Notamment présenté au Festival du Film Francophone de Namur 2022, le film raconte, en effet, l’histoire d’un septuagénaire veuf et pantouflard qui, pour honorer la promesse faite à sa femme, va finir ce qu’elle avait commencé, c’est-à-dire un spectacle de danse contemporaine. Mais ce sera tout sauf une aubaine pour cet homme empoté dans ses mouvements, qui a subi une importante opération à l’aorte il y a quelques mois, en plus d’être ultra-protégé par ses enfants, lesquels, choqué par le décès subit de leur mère, ne le pensent pas capable de s’assumer seul. Ainsi, malgré le planning strict que ses enfants (et la voisine aux fourneaux) mettront en place afin de se relayer auprès de lui, Germain n’aura d’autre choix que de leur cacher son activité, en tentant de passer par les mailles du filet, tout en devant jongler avec une discipline dont il ne connaît ni la gestuelle ni les codes...

Douce comédie mélancolique, « Last Dance » est portée par un François Berléand tout en simplicité et vulnérabilité, dans la peau d’un homme si bien entouré, et pourtant si seul, dans le sens où ses enfants ne le considèrent plus comme un homme responsable, mais plutôt comme un grand enfant, lesquels vont donc l’assister, l’écraser. Delphine Lehericey nous montre ainsi la vieillesse dans une période d’acceptation où la vie ne fait pas que des cadeaux, mais où celle-ci se vit avec d’autant plus d’intensité, de résilience. Voir cet homme se mettre, par amour pour celle qu’il aime, en danse, est d’ailleurs une magnifique image, alors qu’un monte-escaliers l’attend chez lui (!). Ainsi, si l’on ne rigole jamais ici à gorge déployée, c’est plutôt par les quelques situations cocasses dans lesquelles se retrouve embarqué Germain (suite aux conséquences de son mensonge) que « Last Dance » amuse, lui qui est sans doute l’adolescent le plus âgé que la réalisatrice filme ici. Dommage cependant que les seconds rôles ne prennent ici pas plus de place (de Jean-Benoît Ugeux en fils stressé à Astrid Whetnall en compère de danse dragueuse, en passant par Marie-Madeleine Pasquier en voisine un peu trop envahissante)…

Alors qu’elle a fait appel ici à la chorégraphe professionnelle La Ribot, jouant ici son propre rôle, Delphine Lehericey utilise ainsi la danse et les répétitions d’un spectacle (sans grande audace) comme vecteur de deuil, alors que résonnent souvent, en voix-off, de tendres paroles de Germain adressées à sa femme, lui qui « lorsque la lumière va s’éteindre, va la laisser partir », alors que « le plus dur sera de ne plus danser », tandis que celui-ci se rendra souvent à la bibliothèque pour y glisser dans des livres des lettres destinées à sa femme disparue. Quelle drôle de manière ainsi que de lui parler, bien que sa démarche ne soit pas anodine, elle dont on découvrira ici les fondements (attention à la larmichette !).

Alors que son premier film « PuppyLove » se déroulait sur neuf mois et le second au cours d’un été, celui-ci plante son décor au cours du premier printemps suivant le décès d’un proche, au cours du quotidien endeuillé et millimétré de son personnage principal, ce qui rend la mise en scène du film sans temps mort, questionnant alors le temps qui passe, mais sans le voir passer. Delphine Lehericey fait d’ailleurs ici le choix de l’ellipse, et donc de la non-confrontation entre Germain et ses enfants, sans ainsi nous montrer le moment où ceux-ci apprennent ce qu’il trame depuis des semaines. Après tout, on sait très bien que ces derniers auraient fini par accepter et comprendre leur père, et sa façon de surmonter sa douleur, avec, à la fois, autant d’égoïsme que d’amour. « Last Dance », c’est définitivement un petit film qui fait du bien, et qui rend hommage aux personnages qu’on aime d’une bien belle façon...



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