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CINECURE
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Alain Choquart
Ladygrey
Sortie au BRFF le 8 juin à 21h (Flagey 5)
Article mis en ligne le 6 juin 2015

par Charles De Clercq

Synopsis : Dix ans après la fin de l’apartheid. Au sein d’une mission française installée au pied des somptueuses montagnes du Drakensberg, une communauté de sud-africains noirs et blancs tente de vivre dans l’oubli des violents affrontements dont chacun porte encore en secret les blessures. Le passé va ressurgir et briser le silence, mettant en péril le fragile équilibre de la réconciliation et les rêves un peu fous des plus innocents.

Acteurs : Peter Sarsgaard, Jérémie Regnier, Emily Mortimer, Claude Rich et Liam Cunnigham.

D’après les romans « Une rivière verte et silencieuse » et « La dernière neige » d’Hubert Mingarelli parus aux Éditions du Seuil.

 Un film difficile

Reconnaissons d’emblée que le fil déconcertera beaucoup de spectateurs tant sa construction et son découpage pourront rendre la compréhension difficile, à tel point qu’il faut bien une heure pour cerner l’ensemble des protagonistes. Dans cette foulée, à part sa projection au BRFF, Ladygrey aura à Bruxelles une sortie très confidentielle, limitée à Flagey.

Celui qui acceptera ces difficultés et cet inconfort pourrait bien ressortir de la salle avec le sentiment d’avoir fait un voyage en (in)humanité. C’est que sur base d’itinéraires individuels et de relations pères/fils (notamment) le film tente de faire mémoire de l’apartheid et d’un passé très douloureux que personne ne veut raviver.

 Une truite, un aigle et un filet

Nous sommes aux environs de l’an 2000. Tout commence par une truite bleue, agonisant dans une flaque au bord d’une rivière, au pied des montagnes du Dakensberg. Survient un aigle royal qui capture le poisson. Ensuite un filet couvre l’aigle qui est ainsi capturé. Dès le début du film, il nous est dit que la violence, inhérente à la nature, sera présente. C’est que, probablement, elle fait partie de notre nature, qu’elles serait somme toute « naturelle ».

Ensuite, nous nous retrouvons dans un kaléidoscope d’expériences. Comme ces boules de lumière dans une boîte de nuit qui éclairent la salle et ses occupants de façon parcellaire, le film nous fait découvrir plusieurs personnages ou familles, blancs et noirs, sur fond d’une histoire non dite, pas encore dite. Pour le formuler autrement, en jouant sur les mots, une histoire « maudite » quand seront les « mot dits » à la fin du long métrage, par un père agonisant.

 Des vivants et des morts

Voici quelques-uns des protagonistes du film :

  • Ce père, Henri (Claude Rich), est convalescent et alité au début.
  • Avec lui, Mattis, le fils (Jérémie Renier qui habite et transcende son rôle !), handicapé mental
  • Estelle, la fille, noire, adoptée (Sibongile Mlambo).
  • Il est soigné par une infirmière blanche, épouse d’un afrikaners qui « exploite » des sud africains, payés à la journée.
  • Un seul blanc, Samuel, qui travaille pour cet afrikaners et a une relation tarifée avec Estelle ;
  • le fils de Samuel, pré-adolescent, qui rêve de créer un « tunnel » à travers champs pour rejoindre la rivière où le
  • corps de sa mère assassinée, a été jeté, avec celui d’une autre blanche, durant des émeutes
  • qui ont fait suite à la mort des « onze de Ladygrey », une école de formation pour noirs, gérée par Henri.

 Violence animale, violence humaine

Si la mort des deux blanches et des onze africains n’est évoquée que très progressivement au fil du récit, par le biais, par exemple, d’une fresque murale, une violence sourd très vite dans les relations humaines. On sent aussi que malgré la fin de l’apartheid depuis dix ans, le passé est toujours là, au présent, il affleure à la surface des mots et des situations. Ainsi, parmi beaucoup d’autres, Mattis qui veut se faire de l’argent pour acquérir un aigle royal (celui du début du film) est grugé par des vieillards d’un home qui le paient avec des billets photocopiés ou des médailles !
La violence est présente aussi dans la nature : les chacals qui éventrent les moutons, chacals qu’il faudra tuer, de même que des chatons qu’il faudra noyer ou un chien vieillissant qu’il faudra amener dans la montagne pour l’y laisser mourir [un peu, toutes proportions gardées, comme dans La Ballade de Narayama (Shōhei Imamura, 1983)].

 Pardon et rédemption ?

Il faudra faire mémoire, grâce à Henri pour le présent récit, pour se souvenir de ce qui a amené la violence, celle contre les onze noirs de l’école Ladygrey, celle contre les deux blanches, et contre Henri, en rétorsion. Violence présente entre les uns et les autres alors que des squelettes retrouvés vont faire remonter des souvenirs tragiques et douloureux et donneront occasion, par là-même, de faire le deuil. Il n’y a pas d’autre possibilité que le pardon. Celui-ci commence déjà entre les couples (homme/femme, père/fils). Il doit se poursuivre pour toute une nation et cela peut prendre du temps. Le film ne traite pas principalement de cela qui n’est présent qu’en filigrane. Il montre surtout les failles : ainsi, exemple anecdotique, un père qui prie pour que ses rosiers poussent alors qu’il s’avère qu’il s’agit tout simplement !!! de mauvaises herbes ou le même père qui dilapide dans un restaurant le peu d’argent gagné et cela devant le regard ahuri de son jeune fils autrement plus mâture sur ce point !
Une dernière dimension est à relever : le rapport au divin. Plusieurs protagonistes prient, pas tellement pour eux mais pour que les cultures poussent bien ou que les animaux meurent (mais sans souffrir).
Le film foisonne ainsi de multiples facettes dont il est difficile de rendre compte. Il exigera ouverture et compréhension pour le spectateur. Je ne puis espérer qu’une chose, qu’il puisse être séduit comme je l’ai été.

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Bande-annonce :

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