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CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Michel Leclerc
La vie très privée de Monsieur Sim
Sortie le 16 décembre 2015
Article mis en ligne le 29 novembre 2015

par Charles De Clercq

Synopsis : Monsieur Sim n’a aucun intérêt. C’est du moins ce qu’il pense de lui-même. Sa femme l’a quitté, son boulot l’a quitté et lorsqu’il vient voir son père à l’autre bout du monde, il n’a pas le temps de déjeuner avec lui. C’est alors qu’il reçoit une proposition inattendue : traverser la France pour vendre des brosses à dents qui vont « révolutionner l’hygiène bucco-dentaire ». Il en profite pour revoir les visages de son enfance, notamment son premier amour, sa fille et son père et faire d’étonnantes découvertes qui vont le révéler à lui-même.

Acteurs : Jean-Pierre Bacri, Mathieu Amalric, Valeria Golino, Isabelle Gélinas, Vimala Pons, Félix Moati, Vincent Lacoste.

Ce film est une sorte de road movie d’un loser solitaire dont la conversation peut être mortellement ennuyeuse. Il repose sur trois récits, dont deux sont imbriqués dans le premier. Celui-ci, le roman de Jonathan Coe à l’origine du film, The Terrible Privacy of Maxwell Sim (2010), a été traduit en français en 2011 sous le même titre que le film qui l’adapte. L’histoire s’appuie sur deux récits qui apparaissent comme une mise en abîme de l’antihéros solitaire : l’histoire vraie du navigateur solitaire et homme d’affaires Donald Crowhurst et celle de Jacques Sim, le père de François. Celui-ci invite son fils à lire un journal, celui d’un amour perdu, celui qui a mené à sa naissance par accident. Nous ne préciserons pas plus, car l’histoire est si particulière qu’il est préférable de la découvrir à l’écran, même si Vincent Lacoste qui interprète le François âgé de 20 ans n’est pas parfait, au contraire de son ami Francis (Félis Moati).

Monsieur Sim, comme la carte du même nom est quelqu’un de terriblement bavard et ennuyeux. Dans un autre film, ce pourrait être un casse-pied qui menait le bal. Mais pour cela, il faut du monde, or il est bien seul, réduit à monologuer avec (la voix de) son GPS [qui lui n’est pas intelligent comme (celle de) l’ordinateur de Her]. Il est dépressif, mais a le souhait de s’en sortir ! Comment ? En mentant et fuyant comme le navigateur solitaire Donald Crowhurst (duquel le film reprend des images d’archives de navigation) ? Quelle sera la porte de sortie de Sim ? Lui faudra-t-il tourner en rond (les scènes de rond-point valent le détour, en interaction avec le GPS sans cesse en calcul d’itinéraire !) ou se retrouver sur une île déserte ? Quelle voix, sinon celle de Samuel (Mathieu Amalric), pourra être son vis-à-vis, voix off du navigateur dans le livre qu’il lui donne à lire, voix finale qui offre un avenir à construire, contrairement à celui que n’a pu créer son père Christian, pour s’être trompé de café à l’âge de 20 ans... mais lui a ainsi donné vie !?

Le réalisateur a écrit le scénario avec son épouse Baya Kasmi et avec l’accord de Jonathan Coe ainsi que celui des ayants droit de Donald Crowhurst dont la vie sera adaptée prochainement à l’écran (le film se tourne actuellement et Colin Firth jouera le rôle principal) [1]. Michel Leclerc nous propose un film tendre, émouvant, qu’il faut voir pour accompagner cet homme sur la route, à défaut de lui acheter une brosse à dents écologique, lui qui roule en voiture hybride (et tient son journal de bord à l’aide d’une caméra de type GoPro - sorte de quatrième récit) jusqu’à ce que les batteries s’épuisent et que meure (provisoirement ?) « Emmanuelle » (C’est Jeanne Cherhal qui prête sa voix au GPS). C’est l’itinéraire d’un tricheur : il triche avec lui-même et avec les autres. Au terme, cependant et pour paradoxal que ce soit, ces (ses) triches le mèneront vers une autre vérité, celle d’une autre nature profonde, finalement pas loin de celle du père et ouverture possible vers la rencontre d’un autre (soi-même ?) !

Enfin, il faut ici avouer que le film a une sorte d’effet pervers. Le personnage de Sim, même attachant, est si crédible, si vrai dans l’ennui qu’il suscite, qu’il arrive que celui-ci gagne le spectateur. Il sera important d’y résister, car cette comédie dramatique est riche en émotion, candeur et humanité et invite, in fine, à une véritable inversion des points de vue !

Un autre effet secondaire du film : il m’a donné envie de lire le roman de Jonathan Coe !

Pour aller plus loin, j’invite à découvrir un livre de 1971...

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et à cliquer pour lire... une critique maritime du livre !

Le bouquin, assez ancien (1971), reste époustouflant.
C’est l’histoire d’un mec… que la mer a rendu fou. Une histoire qui se lit comme un thriller. On en a tiré un mauvais film, c’est bien regrettable, le sujet méritait mieux.

C’est donc l’histoire d’un chef d’entreprise en quasi-faillite qui s’aligne dans la plus extraordinaire des compétitions maritimes : le tour du monde à la voile, en solitaire, sans escale et sans assistance. Il est persuadé qu’il va gagner et empocher le paquet de fric promis au vainqueur. Il va se refaire.

Ca se passe en 1968/69 et si ça n’a pas fait trop de bruit à l’époque, c’est qu’au mois de mai nous pensions à tout autre chose… Mais écoutez ça.

Donc Donald Crowhurst, c’est son nom, se lance sur la mer jolie et se rend compte assez vite qu’il ne pourra jamais gagner la course. Il n’est pas prêt, son bateau (un trimaran) n’est pas au point. Or, il faut qu’il gagne, ses contrats de pub l’exigent. Alors après bien des tergiversations, il prend une décision incroyable : il va tricher. Et pas qu’un peu !

Tandis que ses concurrents luttent sur tous les océans, lui fait des ronds dans l’eau devant le Brésil. Il attend. Quoi ? Que le peloton surgisse du Cap Horn pour s’y intégrer, frais et dispos, et triompher à peu de frais. Ce qu’il fait.

Malheureusement, il subodore que sa fraude risque d’être démasquée ; le jury se pose des questions sur son compte, les experts vont analyser son livre de bord, l’interroger, les radios et la télé vont l’interviewer, etc. Il a peur de craquer. Il opte alors pour la place de second, juste honorable, mais plus sûre. Il gagnera moins d’argent, mais du moins son « honneur » sera sauf. Il se place délibérément derrière le premier et remonte vers l’arrivée. Tous les médias le savent et l’attendent. Seulement voilà, Tetley, le leader de la course, casse son bateau et fait naufrage ; il abandonne. Coup dur pour Crowhurst qui se retrouve – malgré lui – en position de vainqueur obligatoire. Là, il prend peur, s’affole ; il ne peut ni abandonner (les contrats) ni gagner (les experts). Le drame. Empêtré dans son propre piège, il cherche une solution introuvable. Son comportement dérape. Peu à peu sa raison s’égare, il délire, sombre dans une paranoïa extrême qui le conduit tout droit à la démence. Finalement, en pleine crise, exténué, désespéré, il se suicide, au milieu de l’Atlantique…

L’histoire est scrupuleusement racontée, en détail, par des auteurs qui ont mené une enquête remarquable. Si vous trouvez le bouquin, jetez-vous dessus, vous ne vous endormirez pas… Je vous dis : un thriller. (Aramis)

Source

On lira aussi L’étrange course de Donald Crowhurst, en pdf ou directement sur ce site web.

https://www.youtube.com/embed/tLn2xGyngSs
La vie très privée de Monsieur Sim avec Jean-Pierre Bacri - Bande-Annonce - YouTube


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