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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Clint Eatswood
La Mule / The Mule
Sortie le 23 janvier 2019
Article mis en ligne le 27 janvier 2019

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • inspiré de la vie de Leo Sharp dit « El Tata » (Earl Stone dans le film), un vétéran de la Seconde Guerre mondiale devenu dans les années 80, le transporteur de drogue le plus âgé (90 ans) et le plus prolifique du Cartel de Sinaloa avant d’être arrêté par le DEA (« Drug Enfocement Administration ») ;
  • seconde collaboration entre Clint Eastwood et le scénariste Nick Schenk après « Gran Torino » (2008), ainsi qu’avec Bradley Cooper après le triomphe de « American Sniper » (2015), à la différence notable qu’il partage ici aussi l’écran avec l’immense cinéaste ;
  • on connaissait déjà l’un des fils de Clint Eatswood acteur (Scott), mais c’est ici sa fille Alison Eastwood (connue comme chanteuse, productrice et réalisatrice - et demi-sœur de Scott) qu’il met ici en avant, comme il l’avait déjà fait dans ses films « Bronco Billy » (1980) ou « Minuit dans le Jardin du Bien et du Mal » (1997), elle qui campe d’ailleurs ici la propre fille du personnage de Clint, Earl Stone, avec lequel elle est en froid depuis douze longues années.

Résumé : À plus de 80 ans, Earl Stone est aux abois. Il est non seulement fauché et seul, mais son entreprise risque d’être saisie. Il accepte alors un boulot qui – en apparence – ne lui demande que de faire le chauffeur. Sauf que, sans le savoir, il s’est engagé à être passeur de drogue pour un cartel mexicain.
Extrêmement performant, il transporte des cargaisons de plus en plus importantes. Ce qui pousse les chefs du cartel, toujours méfiants, à lui imposer un « supérieur » chargé de le surveiller. Mais ils ne sont pas les seuls à s’intéresser à lui : le nouvel agent de la DEA Colin Bates, prêt à faire ses preuves, est plus qu’intrigué par cette nouvelle « mule ».
Entre la police, les hommes de main du cartel et les fantômes du passé menaçant de le rattraper, Earl est désormais lancé dans une vertigineuse course contre la montre...

La critique de Julien

Clint Eastwood, cette force tranquille. Ou peut-être pas tant que cela, finalement. L’un des derniers grands-maîtres du cinéma classique américain revient derrière, et surtout devant la caméra, un peu plus de dix ans après l’immense « Gran Torino » (si ce n’est après un rôle dans « Une Nouvelle Chance », la première réalisation de son assistant réalisateur Robert Lorenz, en 2012). S’il n’a plus rien à prouver, malgré quelques petites déconvenues comme « Le 15h17 pour Paris » sorti l’année passée - et dernier film qui serait issu de sa trilogie sur l’héroïsme américain après « American Sniper » (2015) et « Sully » (2016), force est de constater que le monsieur en a encore sous le capot.

Cette fois-ci, ce n’est pas une Ford Gran Torino 1972 qu’il conduit, mais bien un pick-up noir, lui qui interprète ici Earl Stone, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale ayant toujours fait passer son métier et sa passion pour les fleurs avant celle de sa famille. D’ailleurs, Earl préfère rater le mariage de sa propre fille afin de pouvoir participer à un concours d’hémérocalles, qu’il gagnera. Dix ans plus tard, ruiné, Earl maudit le fléau d’Internet et la concurrence, lequel a perdu sa pépinière et sa maison, saisie. Il acceptera alors de devenir passeur de drogue pour le Cartel de Sinaloa, lui qui a parcouru en voiture dans sa vie 41 des 50 états américains tel un bourlingueur, et sans aucune contravention. À l’issue de sa première course, il comprendra très vite ce que peu lui rapporter ce boulot, ou plutôt ce qu’il pourra offrir avec l’argent récolté à ses proches, pour notamment se racheter une conscience à leurs yeux, dont à sa petit-fille, prête à se marier à son tour...

Seconde collaboration entre Clint Eastwood et le scénariste Nick Schenk après « Gran Torino » (2008), « La Mule » raconte le long chemin de rédemption d’un homme qui, s’il a facile à conduire, peine à trouver les mots pour s’excuser auprès de sa famille pour les erreurs qu’il a commises dans le passé, lui qui n’a pas souvent été présent pour les siens, que ça soit pour son ex-épouse, gravement malade, que pour sa fille. Or, il le sait, le temps, on l’a, ou on ne l’a pas. Et dans son cas, il sait ce qu’il lui reste à faire, dont accepter cette dangereuse mission (de la dernière chance - étant donné qu’il ne sait pas comment s’y prendre autrement), afin de pouvoir aider ceux qu’il aime.

Au menu de ce road-movie, vous y trouverez ainsi un récit d’humanité, et de bienveillance. Au travers de ses différents trajets, où il transportera de la drogue, le film confrontera ce personnage à différents individus qu’il rencontrera, lequel parviendra à les marquer durablement, du superviseur et membre du cartel qui l’assistera, jusqu’à l’agent de la DEA Colin Bates (Bradley Cooper), lui qui le traquera, mais sans savoir qu’il s’agit de son suspect. Sans dramatiser, ni moraliser, le film parvient à toucher, et trouver petit à petit les mots justes. Certes, la relation qu’Earl entretient avec sa fille est très tendue, mais c’est véritablement celle qu’il entretient avec son ex-femme Mary (Dianne Wiest) qui réussit à illustrer toute l’importance de la recherche du pardon par un tiers, tout comme de l’autre côté, à pardonner. Earl, lui, s’il a été un cadeau et un amour de mari, a surtout été la plus grande malédiction de la vie de son épouse. Mais comme on dit, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Et la présence des êtres chers à nos yeux, et de la famille au sens large, est finalement la chose la plus importante au monde. Et c’est au détour d’une sortie de route que « La Mule » réussit à faire vibrer ce message, certes maintes fois rabattu, mais jamais aussi justement que sous les traits de Clint Eastwood. D’ailleurs, le film sonne une nouvelle fois après « Gran Torino » comme un véritable salut déguisé de la part du cinéaste, lequel à trouver en l’écriture de son personnage un alter-ego, au travers duquel il a dû se reconnaître, en partie. Alliant ainsi d’un côté les répliques cinglantes, et d’un autre côté conciliantes, « La Mule » parvient à passer du coq à... l’âne, avec répartie. Autant dire qu’on sourit autant qu’on peut être ému.

Mais à notre plus grande surprise, le film parvient aussi à livrer une tension grandissante. En effet, la DEA étant aux trousses d’Earl avec l’aide d’une taupe, et le bonhomme de plus en plus chargé de cocaïne vis-à-vis de la confiance que lui offre le chef du cartel, les contrôles de pick-up noir s’intensifient, et l’étau se ressert pour Earl, qui risque gros... Mais heureusement, le gaillard sait y faire, notamment avec les services de police locaux, lui qui transporte aussi des noix de pécan dans son coffre. Et puis, qu’importe, puisqu’il n’y a rien de plus cher à ses yeux maintenant que de réparer ses erreurs.

Dommage que la toile de fond autour de ce trafic de drogue ne réserve cependant pas de surprise, tout en tenant en plus une posture légère envers l’Amérique de Trump. Le film souffre d’ailleurs de quelques facilités scénaristiques d’un point de l’enquête qu’il met en scène, empêchant dans l’absolu à « La Mule » d’atteindre des sommets, et de porter plus haut cette sous-intrigue.



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