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CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Christian Vincent
L’hermine
Sortie le 18 novembre 2015
Article mis en ligne le 3 octobre 2015

par Charles De Clercq

Synopsis : Michel Racine est un Président de cour d’assises redouté. Aussi dur avec lui qu’avec les autres, on l’appelle « le Président à deux chiffres ». Avec lui, on en prend toujours pour plus de dix ans. Tout bascule le jour où Racine retrouve Birgit Lorensen-Coteret. Elle fait partie du jury qui va devoir juger un homme accusé d’homicide. Six ans auparavant, Racine a aimé cette femme. Presque en secret. Peut-être la seule femme qu’il ait jamais aimée.

Acteurs : Fabrice Luchini, Sidse Babett Knudsen, Michaël Abiteboul, Marie Rivière, Chloé Berthier, Corinne Masiero.

 Un scénario et un interprète remarquables

On pouvait craindre le pire avec un film de « procès » dans lequel Fabrice Luchini a le rôle-titre, échaudé que nous étions après avoir vu le père dirigé par sa fille dans le décevant Un début prometteur. Toutes les craintes se sont évanouies dès le début du film qui a tenu toutes ses promesses sur la durée du long métrage. Celui-ci mérite amplement le prix du meilleur scénario obtenu à la 72e Mostra de Venise, tout comme Luchini qui se voit attribuer la Coupe Volpi du meilleur interprète masculin. S’agissant d’interprétation, il faut noter l’importance du casting tant tous les acteurs et actrices jusqu’aux tout petits rôles excellent à transmettre à l’écran ce dont le réalisateur leur demande de rendre compte. Et ici, le choix et la direction d’acteurs sont excellents.

 Doute, procès et jurés

C’est qu’il ne s’agit pas, ou plutôt pas seulement de l’histoire d’un procès. Certes procès il y a et, au sein de celui-ci, la tension dramatique est présente. C’est que même si ce n’est pas le sujet ou objet du film, comme spectateurs, nous nous sentons interpellés par l’accusé, un jeune homme qui aurait tué sa petite fille de sept ans à coup de Rangers. Il nous parait détestable dès le début. Puis le doute nous titille : et si ce n’était pas lui ? Et si les aveux avaient été extorqués ? Parce que les mots du procès-verbal ne sont pas ceux de l’accusé ! Et rien qu’en cela, j’ai reconnu des situations vécues, moi qui suis un ancien Officier de police judiciaire. Ce n’est pas que nous mentions, mais qu’il fallait bien faire comprendre les choses au magistrat avec les mots de la Justice, n’est-il pas ! Et ce doute rejaillit jusque dans les échanges entre jurés, entre ceux-ci et les juges (nous sommes en France). Le verdict sera annoncé en « off », en hors champ, donnant de la densité à celui-ci tout en évitant la focalisation sur ce point du film.

 Jeux de mains

C’est que Christian Vincent (qui avait déjà dirigé Luchini dans La discrète, en 1990) ouvre son film sur d’autres pistes. Certes la première concerne le procès et, plus que celui-ci, les interactions entre les jurés, ce qui n’est pas sans faire penser à 12 hommes en colère de Sidney Lumet même si l’ossature de chaque film est différente.

C’est que le film est aussi une histoire d’amour, probablement pas partagée ou pas vécue de la même façon, avec la même intensité. C’est que l’une des membres du jury, suppléante, fait partie de la mémoire (amoureuse) du Président Racine [1]. Sidse Babett Knudsen [2] interprète Birgit Lorensen-Côteret, qui travaille en milieu hospitalier, dans un service de réanimation. Cela donnera l’occasion de découvrir de très belles images de « jeux de mains » qui font écho à d’autres, antérieurs, qui marquèrent Racine au corps défendant de son médecin !

Cette relation avec Birgit rejaillira sur le président qui en sera affecté : son tempérament se modifiera au cours du procès et permettra de découvrir un tout autre homme sous l’hermine, un humain, doublement fiévreux, de grippe et d’amour et qui ne peut pas être enfermé dans un verdict à deux chiffres.

 Des portraits de gens

Enfin, nous pouvons retenir du film l’image de ces gens, parfois simples qui viennent témoigner devant la cour avec leurs mots, leurs préjugés, leurs particularités. C’est tendre, émouvant, drôle et humoristique à certains moments. Tout comme le caricaturiste dessine le portrait des protagonistes - une sorte de mise en abîme, le réalisateur croque plusieurs individus : jurés, magistrats, avocats, public, témoins, policiers avec beaucoup de réalisme. Tout cela est tiré et filmé au cordeau. Ce sont autant d’instantanés qui sont donnés à voir. Il ne s’agit pas de faire durer le film de se disperser, mais de découvrir des gens, simples ou pas, dans une petite ville de province. Et le réalisateur réussit à tisser sa Toile, à nous permettre de vivre le procès et une histoire d’amour sur fond de malentendu. Comme le médecin, il nous prend la main avec tendresse et douceur pour faire un bout de chemin avec lui. Sans aucun doute (!) un grand moment de cinéma auquel la France ne nous avait plus habitués !



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