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Jean-Stéphane Bron
L’Opéra
Sortie le 28 juin 2016
Article mis en ligne le 26 juin 2017

par Charles De Clercq

Synopsis : Une saison dans les coulisses de L’Opéra de Paris. Passant de la danse à la musique, tour à tour ironique, léger et cruel, l’Opéra met en scène des passions humaines, et raconte des tranches de vie, au cœur d’une des plus prestigieuses institutions lyriques du monde.


Une information avait circulé sur les réseaux sociaux en novembre 2015 jusqu’à faire le buzz, comme souvent : un taureau vivant était torturé et enfermé dans une cage en plexiglas à l’Opéra de Paris. Le documentaire L’Opéra qui sort en fin juin dans quelques salles en Belgique répond à cette polémique, même si ce n’est pas son objet. Et rassurons nos lecteurs : il n’y a pas du tout de torture, sauf si l’on considère que c’en est de faire écouter à une pauvre bête l’opéra Moïse et Aaron d’Arnold Schoenberg. Nous avons quelques amis qui en conviendraient volontiers, considérant que la musique dodécaphonique est tout sauf de la musique ! Il ne sera pas facile alors de les inviter à se rendre dans les salles pour visionner le documentaire réalisé par Jean-Stéphane Bron qui a plongé ses caméras dans le « ventre » de l’Opéra de Paris (référence ici à un autre documentaire Burning Out réalisé par Jérôme Lemaire).

D’emblée il faut ici réécrire que le documentaire est un genre difficile à promouvoir tant il traine une étiquette de cinéma didactique, barbant, ennuyeux. Et si cela est vrai dans certaines occasions, il en est d’autres où nous découvrons de véritables bijoux, tant sur le fond que la forme. Et c’est bien le cas de L’Opéra qui nous a complètement bluffé. Si le bâtiment en tant que tel est au centre du documentaire, comme ce l’est avec Frederick Wiseman avec National Galery, il est d’autres centres (d’intérêts) dans le film qui sont autant de focus qui élargissent le champ (oserions-nous « le chant »). Planter les caméras dans un lieu d’excellence, alors même que l’on changeait de Direction, n’est pas une chose simple. L’accord lui-même n’a pas été immédiat ni évident et à tout moment les responsables auraient pu mettre fin à l’expérience en cours.

Nous sommes dans un lieu de représentation, avec des personnes « en représentation », visuelle et vocale de par leurs métiers et qui ne sont dès lors pas indemnes du regard de la caméra. Ce peut-être le lieu d’une surenchère, d’un don de soi, d’un surcroît de représentation et, en ce sens, ici, plus encore que pour d’autres films dans le cadre du « cinéma du réel ». Si l’objet filmé est relativement neutre par rapport au regard que l’on pose sur lui, il en est tout autrement d’une personne qui prend pleinement conscience d’être sujet d’étude et « objet » cerné par l’objectif de la caméra.

L’Opéra nous montre ainsi divers intervenants : chanteurs, danseurs, artistes, personnel de direction, d’encadrement, d’exécution, « petites mains » mais aussi ceux qui enseignent, dirigent, accompagnent… et donc aussi, un animal, vivant Easy Reader, un taureau à la masse impressionnante dans le rôle du veau d’or dans Moïse et Aaron. Cet opéra a été présenté [1] dans une mise en scène de Romeo Casetelluci qui exigeait d’avoir un vrai animal, au grand dam des chanteurs et choristes. Easy Rider sera un des « acteurs » de ce documentaire. Et le spectateur découvrira qu’il est assez chouchouté : on lui a fait écouter pendant des mois Moïse et Aaron, on l’a douché, pour l’habituer à l’être après avoir été aspergé de peinture noire (comme des comédiens et danseurs du reste) durant la représentation. Ce n’est d’ailleurs pas uniquement anecdotique, parce que le Sprechgesang (parler-chanter) est essentiel dans l’opéra pour manifester l’incapacité de Moïse de s’exprimer (d’où la nécessité de la présence de son frère Aaron) et que la musique de l’opéra illustre certaines séquences du film, de façon extradiégétique donc… ce que nous lisons aussi comme cette tension, cette difficulté liée aux enjeux de l’opéra… mais aussi de la réalisation do documentaire.

Il n’y a pas que la musique que le réalisateur (qui n’avait jamais écouté en opéra en totalité et qui traitait essentiellement de thèmes économiques) met en images : ce sont des personnes et des collectifs. Ce sont aussi des événements externes - certains dramatiques - qui viennent bouleverser la vie de cette institution : ainsi une grève nationale qui empêche la représentation d’un ballet ou l’attaque contre le Bataclan. Ce sont aussi les contraintes financières : gérer les ressources en personnes et en argent. Comment ne pas être trop élitiste ? Comment gérer le stress ou les doutes d’un chef de ballet qui veut se retirer (Benjamin Millepied qui démissionne six mois après son entrée) ? Un directeur doit-il prévoir un « plan B » ?

Le documentaire nous montre aussi tous les côtés « accessoires » (et nous jouons aussi sur les sens du terme) sans qui rien ne se ferait. Les nombreuses répétitions, exigeantes. Des individus et groupes en particulier, ainsi un jeune baryton russe, Micha Ti­mo­shen­ko (qui dit que son prénom imprononçable est plus long). Il est baryton et ce jeune qui est né dans les montagnes de l’Oural, dans un petit bled perdu, ne parle pas le français et chantera cependant un opéra de Gounod dans cette langue. C’est aussi un nouveau directeur. Stéphane Lissner. Il était à Chatelet, au festival d’Aix puis à la Scala de Milan. Comment gérer mille six cents salariés, les salles, chœurs, ballets, orchestres, ateliers, décors, Académie). Et encore, très touchants, des jeunes, d’une dizaine d’années environ. Ils viennent d’une ZEP, ils sont « les petits violons » apprentis musiciens que l’on suit durant la saison. Autant de portraits poignants d’une grande richesse auxquels cette chronique ne peut véritablement rendre justice. Un documentaire à recommander qui parle à la tête et au cœur. A voir et à écouter de toute urgence.

Bande-annonce :

L’Opéra : Trailer HD
L’Opéra : Trailer HD

Une saison dans les coulisses de L’Opéra de Paris. Passant de la danse à la musique, tour à tour ironique, léger et cruel, l’Opéra met en scène des passions humaines, et raconte des tranches de vie, au cœur d’une des...
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