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Emanuele Crialese
L’Immensità
Sortie du film le 11 janvier 2023
Article mis en ligne le 14 janvier 2023

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 97’

Acteurs : Penélope Cruz, Vincenzo Amato, Filippo Pucillo, Aurora Quattrocchi...

Synopsis :
Rome dans les années 1970. Dans la vague des changements sociaux et culturels, Clara et Felice Borghetti ne s’aiment plus mais sont incapables de se quitter. Désemparée, Clara trouve refuge dans la relation complice qu’elle entretient avec ses trois enfants, en particulier avec l’aînée née dans un corps qui ne lui correspond pas. Faisant fi des jugements, Clara va insuffler de la fantaisie et leur transmettre le goût de la liberté, au détriment de l’équilibre familial...

La critique de Julien

Onze ans après son dernier film « Terraferma », Lion d’argent (Grand Prix du Jury) à la Mostra de Venise en son temps, le cinéaste Emanuele Crialese revient avec le drame « L’Immensità », également présenté à ce même festival, l’année dernière, mais duquel il est cependant reparti les mains vides, bien que porté par la grâce de Penélope Cruz, qui y avait, justement, il y a deux années, remporté la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine pour le film « Madres paralelas » de Pedro Almodóvar. Autrement dit, entre l’actrice, le cinéaste italien et la Mostra, c’est une grande histoire d’amour... De l’amour, il en est aussi question dans son nouveau drame, inspiré de l’enfance de son metteur en scène, lequel a révélé sur le Lido qu’il était d’ailleurs un homme transgenre, soit l’un des sujets de ce beau film...

Traversé, comme son œuvre, par la question de l’émigration économique, « L’Immensità » raconte une double histoire d’identité et d’affirmation de soi, au sein de l’Italie traditionnelle des années 1970. Il y a tout d’abord Clara (Cruz), immigrée espagnole et maman de trois enfants, laquelle est mariée au Sicilien et infidèle Felice (Vincenzo Amato, pour la 3e fois chez Crialese), lesquels vivent dans un appartement aux couleurs vives, situé en banlieue de la capitale, alors que les constructions pullulent partout autour, à l’image des baraques temporaires d’ouvriers et de leurs familles, à leurs pieds. Malheureuse dans son mariage, et victime de violences conjugales, Clara sombre alors peu à peu dans la dépression, sans pouvoir se séparer de son mari (ce qui était très mal vu à l’époque). C’est bien pour ses enfants qu’elle se bat au quotidien, eux qui ressentent les tensions du couple, lesquels sont marqués indirectement par celles-ci. D’ailleurs, leur fille aînée de 12 ans, Adriana (ou Adri) (Luana Giuliani), se sent comme étrangère dans son corps, elle qui affirme à sa maman que ses parents l’ont mal conçue (faute d’amour ?), ayant ainsi l’impression de venir d’une autre planète, tout en attendant un signe des extraterrestres, elle qui a les cheveux courts, s’habille en garçon, et ne retire jamais son t-shirt en vacances. Mère et fil(le)s tenteront alors de s’épanouir dans un monde où les contraires et conventions sociales établies leur en empêchent (encore)...

C’est en chanson qu’Emanuele Crialese lance son film, alors que la resplendissante Penélope Cruz met en route le tourne-disques, et précisément le titre « Rumore » de Rafaella Carrà, tandis que les enfants et son personnage mettent, en chorée, la table. On croirait ainsi voir la parfaite petite famille, jusqu’à rapidement comprendre qu’il s’agit là d’une façade pour cette maman, qu’interprète alors magnifiquement l’actrice. Elle y joue une femme dévouée à ses enfants, tout en n’ayant personne à qui parler de la particularité de sa fille (et surtout pas son mari macho, et parfait représentant du patriarcat), elle qui ira pourtant jusqu’à s’effacer pour les protéger, et leur offrir de la fantaisie, de la liberté et de l’amour, au détriment de l’équilibre familial...

Dans sa première partie, « L’Immensità » sent bon le début des vacances d’été, les moments de joie partagés en famille, mais aussi le premier béguin amoureux, au-delà du champ de roseaux, situé en contre-bas du domicile. Penélope Cruz rayonne une nouvelle fois, tandis que la jeune actrice Luana Giuliani offre une dense prestation d’une fille qui se sent garçon, forcée de sourire sur la photo que sa grand-mère tente de prendre d’elle, elle qui a dû enfiler une robe pour l’occasion. Au travers de son film autobiographique, Emanuele Crialese nous parle ainsi du mal-être, de l’identité de genre, sans pour autant étaler la tristesse de ses protagonistes, préférant laisser parler les images et l’imaginaire, plutôt que les mots (outre quelques puissants dialogues), à l’image de la projection de soi que se font les deux personnages principaux, respectivement dans la peau de Patty Pravo et de Johnny Dorelli, en train d’interpréter sur scène le titre « Love Story », lors du Festival de Sanremo, lesquels les regardent à la télévision, tout en réussissant à s’évader...

Malgré les lourds sujets qu’il aborde, « L’Immensità » est un film plus que vivant et solaire, qui étincelle par les nombreux moments d’amour qu’il nous livre, entre ses souffrances, mais sur lesquelles ne s’apitoie aucunement Emanuele Crialese. D’ailleurs, la transidentité n’est ici abordée qu’au travers des yeux de cet enfant, qui n’a tout alors simplement pas le bagage pour en parler, et encore moins les adultes qui l’entourent. On ressort alors touché de l’immensité de bienveillance humaine qui se dégage du métrage, lequel reflète la paix intérieure qu’a trouvée, depuis son enfance, son cinéaste vis-à-vis des thèmes qu’il aborde.



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