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CINECURE
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Maïwenn
Jeanne du Barry
Sortie du film le 17 mai 2013
Article mis en ligne le 24 mai 2023

par Julien Brnl

Genre : Drame, romance, film historique

Durée : 115’

Acteurs : Maïwenn, Johnny Depp, Benjamin Lavernhe, Pierre Richard, Noémie Lvovsky, India Hair, Melvil Poupaud, Pascal Greggory ...

Synopsis :
Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant le comte Du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au Roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu. Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV et Jeanne, c’est le coup de foudre… Avec la courtisane, le Roi retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour.

La critique de Julien

S’il y a bien un film dont on entend (énormément) parler, c’est « Jeanne du Barry », présenté hors compétition en ouverture du 76e Festival de Cannes, actuellement en cours, lui qui met en scène Johnny Depp dans la peau du Roi de France Louis XV, succombant aux charmes de la courtisane Jeanne Gomard de Vaubernier, alias Jeanne du Barry, interprétée par Maïwenn, elle qui réalise également ce métrage, qu’elle essayait alors éperdument de mettre en scène depuis plusieurs années (ce qu’on relatait déjà dans notre critique de son précédent film, « ADN », sorti en pleine pandémie). Or, si le film fait actuellement couler beaucoup d’encre, c’est moins pour ses qualités et défauts que pour ses interprètes...

En effet, alors que le comédien a perdu un premier procès en diffamation contre son ex-femme Amber Heard, le second l’a également vu déclarer coupable de diffamation, mais cela au même titre que Heard, ce que beaucoup ont dès lors qualifié de victoire pour l’acteur. Les réseaux sociaux ont également joué un énorme rôle dans l’image de cette seconde affaire bien plus médiatisée, lesquels semblent avoir ainsi réussi à retourner l’opinion publique, alors que l’actrice a été initialement condamnée à verser dix millions de dollars à Johnny Depp, elle qui vivrait aujourd’hui exilée en Espagne (on la retrouvera au cinéma dans « Aquaman et le Royaume Perdu » en décembre prochain). Autant donc dire que l’acteur n’a pas été innocenté des accusations dont il a fait l’objet. Mais cela n’a pas refroidi la cinéaste, elle qui aurait pensé à lui avant qu’il ne soit accusé, lui qui vient aussi de signer un nouveau contrat (record) de vingt millions de dollars avec la marque de parfum Dior Sauvage, tandis qu’il mettra en scène un film consacré au peintre Modigliani, dont le tournage est prévu cet automne à Budapest. Quant à la réalisatrice du film, Maïwenn (Le Besco), elle fait actuellement face à une plainte judiciaire pour avoir agressé le cofondateur du journal en ligne Mediapart, Edwy Penel, et cela dans un restaurant, à la date du 22 février dernier, ce qu’elle assume totalement, sans « rien regretter », et avec un sourire aux lèvres lorsqu’on lui en parle, comme on a pu l’entendre et le voir dans certains médias télévisés durant la promotion de son film. Qu’importe ainsi si Cannes fait partie d’un « système qui soutient les agresseurs » [1], « Jeanne du Barry » a bien été diffusé sur la croisette, où le film a reçu sept minutes d’applaudissements à son issue. Mais est-ce réellement mérité, ou bien ces acclamations - amnésiques - étaient dirigées vers l’acteur (les larmes aux yeux), en guise de réaction consentie quant à son retour sur le devant de la scène par le public ?

Fascinée par Jeanne du Barry après l’avoir vue campée par Asia Argento dans le film de Sofia Coppola « Marie-Antoinette » (2006), Maïwenn interprète ici celle qui fut ainsi la (dernière) favorite officielle du Roi Louis XV, elle qui est surnommée la « première catin de France » ou « la créature », tandis que la voix-off qui nous raconte son histoire nous dit qu’elle est une « fille de rien », dès lors « capable de tout », éveillée très tôt à l’érotisme par la lecture, et devenue une « femme grâce au libertinage ». Sauf que cette histoire nous en apprend moins sur ce personnage méprisé par la noblesse et l’entourage du Roi que la page Wikipedia de la principale intéressée. Car « Jeanne du Barry » n’est centré que sur la relation de la demoiselle avec Louis XV, devenue pour cela Comtesse du Barry, à la suite d’un mariage blanc, visant à enrichir les du Barry, en ouvrant ainsi les portes de la Cour de France à Jeanne, en 1768, en espérant que le Roi la remarque, ce qui sera, au bout du compte, le cas...

Bénéficiant d’un budget de production de plus de vingt millions d’euros (!), il est vrai que ce film est doté d’une cinématographie d’époque assez léchée, allant des décors aux maquillages et coiffures, en passant par les costumes. Cependant, l’ensemble se veut très classique, et surtout assez lent dans sa mise en scène, quitte à jouer à fond la carte de la reconstitution historique, bien que le scénario s’offre d’énormes libertés quant à la véracité historique des faits. Le film s’avère dès lors être très tape-à-l’œil, voire grotesque, à l’image de Versailles, ce qui sera d’ailleurs prononcé par le premier valet de chambre du Roi, La Borde (Benjamin Lavernhe, tirant son épingle du jeu, bien que sous-exploité). Mais beaucoup plus que de la soi-disant passion amoureux qu’auraient vécue les deux amants en question, « Jeanne du Barry » parle avant tout de sa réalisatrice, elle qui - tiens donc - a vu des similitudes entre l’histoire du personnage qu’elle joue et sa propre histoire, elle qui a notamment dû se battre pour se faire une place, notamment face à l’homme, et le mépris des classes. Elle fut notamment ballottée de casting en casting par sa mère lorsqu’elle était enfant, avant de remporter un concours de mannequinat et de rencontrer plus tard Luc Besson, laquelle l’a épousé à ses 16 ans (il en avait le double), tout en devenant parents d’une fille en 1993. Sauf que le réalisateur l’a quittée pour l’actrice du « Cinquième Élément » Milla Jovovich, Maïwenn faisant une dépression nerveuse et devenant boulimique, touchant ainsi le fond comme l’a fait son personnage, bien qu’on lui souhaite de ne pas se faire guillotiner à son tour. Par contre, jouant de ses charmes, et se sachant belle, la cinéaste est ici de tous les plans, et incarne tout de même une demoiselle plus de vingt ans plus jeune qu’elle à l’écran, elle qui enchaîne les situations et poses assez embarrassantes et m’as-tu-vu, bien qu’elles aillent de pair avec l’attitude subjective et insolente de Jeanne du Barry, regardant notamment le Roi dans les yeux, et l’invitant ainsi à la bagatelle. Mais le nombrilisme de l’actrice surpasse tout le temps son rôle, face à un Johnny Depp assez transparent et mutique dans sa composition, mais qui essaie d’exister (et de parler français sans trop d’accent) malgré tout, et cela au même titre que l’ensemble des personnages secondaires, réduits malgré eux à de la figuration, sans qu’on ne parvienne finalement à mettre un nom sur tous les visages, et encore moins sur chacun de leur rôle dans cette belle mascarade. Ainsi, même si l’histoire de Jeanne du Barry parle à sa metteuse en scène, il y avait définitivement bien plus à raconter quant à ce personnage complexe et sa tragique destinée que les coulisses et bruits de couloirs de ces batifolages à la Cour exubérante et décadente du Versailles d’autrefois...



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