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CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Michaël Bier, Erika Sainte et Vincent Solheid
Je suis resté dans les bois
Sortie le 26 avril 2017
Article mis en ligne le 18 mars 2017

par Charles De Clercq

Synopsis : Je suis resté dans les bois raconte l’histoire d’un artiste plasticien, Vincent Solheid, qui dans le cadre de la création de sa nouvelle expo vidéo va reconstituer des moments de sa vie. Il est entouré par une petite équipe dont font partie Erika, sa compagne et Michaël, un ami réalisateur, aidés par des proches, des connaissances ou de parfaits inconnus qui endosseront les rôles de ses parents, son premier amour, du curé de sa paroisse... Il se confronte à des situations passées, tour à tour honteuses ou cocasses, et les réincarne avec une totale sincérité dans douze tableaux/vidéos. Si ces situations paraissent souvent anodines prises individuellement, elles ont en commun de lui avoir fait mal, à lui ou à ses proches.

Au fur et à mesure que Vincent se replonge naïvement et sans pudeur dans son passé, l’image que ses collaborateurs ont de lui commence à se ternir. Pire que ça, c’est la vision qu’il a de lui-même qui se transforme petit à petit, le mettant face à ce qu’il a été, à ce qu’il est et à ce qu’il veut être.

Acteurs : David Murgia, Vincent Solheid, Erika Sainte, Nicolas Bier, Adriana Da Fonseca

NB : Le film ET l’exposition

C’est un film tourné avec peu de moyens et, oserais-je écrire, grâce à une bande de potes que ce film, produit par Eklektik voit le jour après avoir été financé l’an dernier grâce à une plateforme de crowdfunding. Le film est improbable, inclassable et semble avoir évolué au cours de son écriture et de sa réalisation. C’est qu’il s’inscrit dans la réalité de la vie des acteurs, comédiens et protagonistes, dont la majorité joue leurs « vrais » personnages (jusqu’aux parents d’un acteur joués par ses propres parents !), pour dresser les tableaux d’une exposition. Il semble bien que ces tableaux se soient créés durant le tournage, que l’idée est/était venue après avoir envisagé dans un premier temps de les exposer en lien, en miroir ou en prolongation du film. Ces tableaux forment un dispositif artistique et théâtral qui serait constitué d’images fixes dans l’exposition. j’emploie ici le conditionnel, car la frontière est étroite entre la fiction et la réalité.

S’agissant du principe, les liens sont plus ou moins patents avec des films tels que Le Bal des actrices de Maïwenn (2007) ou plus récemment Rock’n roll de Guillaume Canet. Mais il y a aussi Grosse fatigue (1994), Les acteurs de Bertrand Blier ou Platane d’Eric Judor, voire la série télévisée Dix pour cent.

S’il y a des liens, c’est cependant éloigné par certains points, car le fil fait presque penser à une ligue d’improvisation. Tant pour la création des différents tableaux, lorsque des vicissitudes ou contraintes extérieures rendent difficile la réalisation du scénario prévu ou envisagé, voire lorsque la mémoire de Vincent se trouve confrontée à la relecture de son passé. L’on songera ici à un autre film, The Sense of an Ending - mais là, nous sommes dans la cour des grands - qui joue sur cette relecture du passé et le thème de la falsification involontaire de la mémoire. Là, le film adaptait un roman tandis qu’ici il adapte la vie réelle, ou supposée telle des protagonistes. Et s’il y a de la fiction, le spectateur ne peut s’empêcher de penser qu’il y a du vécu et du personnel là-dedans, comme si la démarche de mémoire et de reconstitution de tableaux du passé n’était pas indemne de la vie et du passé des vrais acteurs.

Nous sommes aussi dans un double jeu de miroir, un peu comme une réflexion sans fin d’une image circulaire qui se regarde et se pense elle-même. A la fois dans les tableaux reconstitués et qui se donnent à voir par la médiation du noir et blanc d’une part et l’incrustation de différents graphismes colorés sur ces images. Mais le miroir reflète aussi la réalisation même du film lorsque viennent dans l’intrigue des questions qui semblent s’être posées durant le tournage lui-même, voire des tensions entre les uns et les autres, ainsi toute la réflexion (encore !) au sujet du passage d’images animées à des images fixes dans l’exposition ou encore des doutes exprimés par les uns et les autres.

Il est difficile de déterminer quel sera le public de ce film. On peut le recommander aux cinéphiles qui sont friands de 2e ou 3e degrés et de mises en abime. C’est presque un exercice de style où les uns et les autres se donnent à fond moins pour régler leurs comptes avec leur(s) passé(s) que pour en rendre compte ! Et cela, de façon ob-scène... littéralement soit donc qui se tient devant la scène (oui, je joue ici volontiers d’un jeu de langage). Ils réussissent à montrer au spectateur ce qui devait être caché. Ainsi se déploient à l’écran les pages de journaux intimes de réalisateurs qui ont voulu les mettre en scène en les drapant d’un voile de vertu (peut-être aussi de vice ?) qui empêche de distinguer clairement le réel de l’imaginaire : miroir, mon beau miroir, dis-moi quel est mon vrai passé ?

Pour prolonger la réflexion et donner l’envie (ou pas) de voir le film :

Sur le tournage de « Je suis resté dans les bois »

https://www.youtube.com/embed/qfPWFUBjrk0
Sur le tournage de "Je suis resté dans les bois" - YouTube


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