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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Fien Troch
Home
Sortie le 11 janvier 2017
Article mis en ligne le 5 septembre 2016

par Charles De Clercq

Synopsis : Home est l’histoire d’un conflit de générations. Les ados découvrent les subtiles différences entre confiance, amitié et loyauté tandis que les adultes semblent avoir oublié qu’ils ont été jeunes un jour. Le clash risque d’être plus douloureux que l’on pouvait l’imaginer.

Acteurs : Sebastian Van Dun, Mistral Guidotti, Loïc Batog, Lena Suijkerbuijk...

Home a été projeté à la Mostra de Venise 2016, dans la section Orizzonti, ce 3 septembre 2016.

Mise à jour : Fien Troch remporte le Prix de la Meilleure Mise en Scène pour Home au Festival de Venise !

 Les films de Fien troch

La mélancolie, la tristesse, l’absence de communication, la famille, le couple, les enfants et adolescents imprègnent le cinéma de Fien Troch.

Son premier film, quasiment passé inaperçu en Belgique francophone, Een ander zijn geluk (Le bonheur de l’autre, 2005), abordait la question de la mort d’un enfant (suite à un accident de la route) en hiver et des conséquences sur les habitants d’un village. Le non-dit remonte à la lumière, des anciens conflits surgissent chacun cherchant son propre bonheur en détruisant celui de l’autre, d’une certaine manière. Personne n’est totalement mauvais, personne n’est totalement bon. Peut-être que l’on a dit de trop en laissant le non-dit affleurer à la surface !

Trois ans plus tard, en 2008, le « non-dit » refait son apparition avec Unspoken, qui a reçu le Prix André-Cavens par l’Union de la Critique de Cinéma en 2009. Le choix était courageux de la part des critiques, car le film était, disons, « difficile » d’accès, de compréhension. Il y était question de non-dit, d’absence de communication d’un couple, Lucas et Grace, qui a abandonné son face à face pour un « dos à dos ». C’est que la disparition de leur enfant, cinq ans plus tôt les avaient déstructurés jusqu’à l’arrivée d’un certain Benjamin, un ancien ami de leur fille Lisa. Quels mots pourra-t-on dire (ou pas) et quelles seront les conséquences sur les protagonistes ?

En 2012, la réalisatrice flamande revient à la charge avec Kid. C’est l’histoire d’une famille, un petit garçon et sa maman. Quand celle-ci vient à disparaître, que peut-il faire ? La chercher ? Espérer ? Le film était superbe. Aussi surprenant et elliptique... mais beaucoup moins que Unspoken ! Le film n’était pas sans analogie avec certains de Bruno Dumont dont Hors Satan, en 2011 ou Le retour d’Andreï Zviaguintsev en 2003 ! Là aussi l’enfant et la famille ou son absence étaient partie intégrante du film.

Home, son quatrième long métrage est présenté au format 1.33 mais avec l’insertion de plan « verticaux » au format « portrait » des GSM lors de certaines actions concernant des jeunes sont présentées à la façon dont ils regardent leurs smartphones aujourd’hui (espérons toutefois que cela ne devienne pas le standard de projection du futur !). Au centre du film, un certain... Kevin !

 We Need to Talk about Kevin...

...John and Sammy !

L’on (se) parle peu dans les films de Fien Troch. La famille brille par sa présence/absence ! C’est encore plus le cas avec cette nouvelle pépite que nous propose la réalisatrice ! Si dans ses films précédents, elle était la seule scénariste, elle s’adjoint ici Nico Leunen [notamment le monteur du film « The Broken Circle Breakdown (Alabama Monroe) »]. Le synopsis fait état de l’histoire d’un conflit de générations, mais c’est à la fois plus et moins que cela. Nous serions - de nouveau (voir dans un autre domaine Juste la fin du monde de Xavier Dolan — dans une histoire de « non-dit ») !

Dès le début du film, une jeune étudiante, Lina (Lena Suijkerbuijk) est confrontée au directeur de son école suite à une dénonciation apparemment calomnieuse. Un étudiant, John (Mistral Guidotti) est interpellé par un professeur (ou surveillant ?), Tom Audenaert, dans un couloir alors qu’il envoie un SMS au lieu d’être en classe. L’envoi de SMS perdure, le ton monte et le spectateur découvre que les SMS sont envoyés à la maman du jeune adolescent. Jusque-là, spontanément, nous pensons nous mettre du côté du droit, de la légitimé des adultes et des institutions.

Nous découvrons ensuite l’arrivée d’un jeune Kevin (Sebastian Van Dun), chez son oncle. Il semblerait que cela n’aille pas trop dans sa propre famille. Kevin est ou serait violent et sort d’un centre fermé. Il nous fait songer à John dans Efterskalv (The Here After/ Le lendemain), un autre jeune qui lui aussi a été enfermé même si là c’était pour un acte très grave. Enfin, un troisième jeune nous est également présenté, Sammy (Loïc Bellemans), le cousin de Kevin, fils donc de l’oncle et de la tante qui l’hébergent. Fien Troch filme ces jeunes, souvent caméra à l’épaule, de façon proche et nerveuse à la fois. Dans leur quotidien : jeux, école, relations avec les filles et les potes. Un peu à la manière d’un autre Kids (avec « s », celui-là), réalisé par Larry Clark en 1995. Mais là où celui-ci était très cru, presque choquant pour certains, posant question par rapport à son regard sur les ados, ici, Fien Troch est beaucoup plus pudique, ne s’attarde pas sur le sexe, en tout cas pas de façon explicite (sauf à deux reprises, la deuxième en laissera plus d’un en totale sidération, dans une scène qui aidera à comprendre une extrême violence ultérieure).

La réalisatrice filme aussi les interactions avec les adultes : à la maison, à l’école, au travail pour Kevin (que son oncle emploie comme apprenti), mais aussi la violence, latente, en particulier chez Kevin. Ce garçon, sorti de prison, il ne faut pas le chercher, un coup est vite parti et certains voudraient l’entraîner dans la bagarre. Mais derrière le huis clos des maisons, il y a des adultes. Ils sont là, présents/absents et il s’en passe parfois des choses qui marquent, blessent, terrassent, détruisent. Quels vis-à-vis trouver alors lorsque les choses vont trop loin, lorsqu’un ou une adulte n’était pas là pour écouter et tenter de comprendre, pour aider, pour aimer ? Parce qu’il y a de l’amour qui manque parfois ! Ou parfois de l’amour en trop, même celui d’une maman. A qui s’adresser lorsqu’il y a carence des adultes ? Est-ce que l’absence de dialogue et d’écoute peut conduire à un point de non-retour ? Que faut-il dire alors ? Que faut-il taire ? Et ne faut-il parfois pas, dans certains cas, du « non-dit » même s’il est difficile de se taire totalement ?

Le générique de début indique que le film s’inspire de fait réels. Le spectateur n’en saura pas plus. N’empêche que d’une manière ou d’une autre, dans la « vraie vie » le non-dit a dû être exprimé - à quel prix ? - pour qu’il puisse être dé-livré dans un scénario et un film dont on ne sort pas indemne. Ajoutons un coup de chapeau à l’équipe du film qui crédite le générique du nom des acteurs qui n’apparaissent pas à l’écran parce qu’ils font partie des « deleted scene », des scènes supprimées (gageons/espérons qu’on les verra dans les bonus du DVD du film lors de sa sortie). Pour conclure au sujet des acteurs, un deuxième coup de chapeau à ces jeunes gens et jeunes filles dont c’est pour l’immense majorité le premier rôle au cinéma ; ils sont criants de vérité et de naturel.

Enfin, la réalisatrice a reçu le prix ARTE international pour le scénario de Home pendant le TorinoFilmLab (anglais) au Festival du Film de Turin en Italie.

 Bande-annonce :

https://www.youtube.com/embed/Z6C6hfvdgrc
HOME (Trailer Belgique) - Release : 11/01/2017 - YouTube


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