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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

David Mackenzie
Hell or High Water (Comancheria)
Sortie le 21 septembre 2016
Article mis en ligne le 11 septembre 2016

par Charles De Clercq

Synopsis : Après treize ans de prison, Tanner retourne dans la propriété familiale où vivent son frère Toby et ses neveux. Lorsqu’ils manquent de perdre la maison familiale, les inséparables frères se lancent dans une série de braquages élaborés, dans des petites banques locales. Comme il s’agit chaque fois de petits montants, Tanner et Toby espèrent ne pas éveiller l’attention du FBI. Tout se déroule comme sur des roulettes jusqu’à ce que l’agent Hamilton, qui lorgne son départ à la retraite, s’empare de l’affaire.

Acteurs : Chris Pine, Ben Foster, Jeff Bridges, Katy Mixon

 Coup de cœur - coup de poings

Wouaw, quel film ! Hell or Higt Water que l’on pourrait traduire par « contre vents et marées » et dont le titre alternatif est Comancheria sort ce 21 septembre en Belgique. Il avait été présenté au Festival de Cannes en mai dernier. Et c’est vraiment de la belle ouvrage, un film qui a de multiples atouts : la réalisation et le scénario, la musique, les images, les acteurs. C’est un film quasiment sans défaut et c’est encore un coup de cœur en cette rentrée. La bande son donne le ton en ajoutant spleen et nostalgie sans trop en faire. Les acteurs sont justes y compris dans les petits rôles (certains sont succulents comme des plantes grasses ou des steaks cuits à point) voire dans la figuration (essentiellement locale car de nombreux figurants sont des habitants du Nouveau Mexique où le tournage a été réalisé). L’utilisation de la lumière naturelle y est pour beaucoup. Elle magnifie les décors extérieurs mais aussi intérieurs (certaines banques désaffectées ont été utilisées pour le tournage). Wouaw, quel film !

 Les poings contre les murs

La sortie de Hell or High Water était signalée en fin avril dernier dans le communiqué qui annonçait que The Searchers, distributeur indépendant de films pour le Benelux chargeait Day One MPM de ses relations publiques. Cela pouvait passer inaperçu parmi d’autres sorties, mais le nom du réalisateur David Mackenzie attirait déjà l’attention du cinéphile ! En effet, c’est à lui que l’on doit le remarquable Starred Up (Les poings contre les murs) en 2014 que nous cotions à 8,5/10 sur le forum cinéphile DVDClassik. Nous y découvrions Jack O’Connell, 23 ans, remarquable dans le rôle d’Eric Love (un meurtrier de 19 ans), transféré dans une prison pour adultes. Il y retrouvait son père Neville (Ben Mendelsohn). La violence, la hiérarchie parmi les détenus, la relation père/fils, les tentatives de gestion de la violence par des ateliers animés par Oliver (Rupert Friend) étaient très bien rendues grâce notamment à un tournage dans l’ordre chronologique (l’acteur principal découvrait son scénario chaque soir). La tension était palpable à chaque instant, la montée dans la violence, l’enfermement oppressant, les matons... De notre expérience d’ancien Officier de police judiciaire dans un corps d’élite du pays, nous avions beaucoup apprécié ce film de prison, pour ce que nous en connaissions… de l’autre côté des grilles bien entendu.

 Les poings contre les banques

Tout commence par l’arrivée de deux hommes masqués, tôt le matin dans une petite banque. Elle n’est pas encore ouverte et l’on devine déjà que les deux bandits sont des « minables », des losers  ! Spontanément, le mouvement que l’on peut avoir est de recul et de rejet. C’est qu’ils n’ont pas la stature des grands dévaliseurs de banques, ceux que l’ont peut admirer (tout en les condamnant au plan éthique). C’est aussi l’aversion naturelle que l’on peut avoir vis-à-vis des perdants. On prend rarement fait et cause pour eux. Mais nous découvrons, en même temps une certaine division entre les deux hommes. C’est que l’un veut éviter la violence tandis que l’autre semble se lâcher et assène un coup violent sur le visage du directeur de la banque à son arrivée. Que dérobe-t-il ? Des petits billets, des minables on vous dit !

Jusqu’à ce que les spectateurs les voient à visage découvert dans leur voiture et apprennent qu’ils sont frères. Mais, magie et convention du cinéma, ce sont des acteurs ayant une gueule et un nom, Chris Pine et Ben Foster. Un message passe alors : certes, ce sont des losers, mais ils ne seront pas cantonnés à des petits rôles, ils joueront un rôle important tout au long du film (on ne peut décemment plus refaire le coup de Hitchcock qui « tue » son héroïne à la moitié de Psycho). Spontanément, l’aversion que l’on pouvait avoir pour des perdants se mue en possible admiration. Aurions-nous affaire à des hommes à aimer plutôt qu’à détester ?

Jusqu’au moment où nous voyons arriver un autre protagoniste, Marcus Hamilton, un Texas Ranger. Il est à quelques jours de sa retraite. Celui-ci est joué par Jef Bridges. Et s’il est en fin de carrière, il n’en est pas fini pour autant et est tout le contraire d’un loser ! De nouveau, les conventions cinématographiques nous feront penser que ce Ranger est du côté des « bons » et il serait donc normal que nous prenions fait et cause pour la justice, surtout quand elle s’attaque aux voleurs de banques... après tout ce sont peut-être nos sous qui s’y trouvent ! Et si en plus, notre Jef a un accent texan à couper au couteau, à la fois nasillard et guttural et qu’il a comme partenaire de travail un indien-mexicain qu’il ne manque pas de taquiner avec des vannes aux limites du racisme, on se dit que les choses ne sont probablement pas aussi carrées que l’on peut le croire !

 Les quatre font les paires

Ils sont donc quatre engagés dans un improbable road movie ! Deux frères dont l’un d’eux, Tanner (Ben Foster) est sorti de prison pour avoir tué son père... qui est donc aussi celui de Toby (Chris Pine). Ces deux frères ont des personnalités très différentes, mais les liens du sang les unissent ainsi que quelque chose du passé : outre leur père, il y a la mère décédée depuis peu. Il y a aussi une propriété familiale et les enfants de Toby. Tous ces éléments sont importants pour l’intrigue, car ce sont eux qui motivent leurs actes, les mobilisent et fixent les limites techniques et morales de leurs agissements. En somme, au cours du déroulement du film nous apprendrons ce qui les entraine ainsi sur les routes de certaines banques et pourquoi le temps est important. Nous verrons aussi comment un tas de sable ou de poussière peut modifier les paysages pour empêcher de voir certaines choses. Mais parfois, un seul grain de sable peut compromettre les plans les mieux préparés. Ainsi quand la répartition des gènes ne s’est pas faite équitablement entre violence et intelligence !

Deux partenaires. Un américain pure souche, blanc, catholique... euh, non, pour ce dernier point, cela il n’est pas. Marcus Hamilton aura le langage cru par rapport aux intégrismes religieux et à ceux qui croient de telles fadaises. Les images employées auront de quoi faire rire - parfois jaune - même le croyant si du moins il est cool par rapport à ses convictions religieuses. Là on vous laisse rire (ou pas) dans votre fauteuil ! Aux côtés du Texas Ranger, son adjoint, Alberto Parker (Gil Birmingham), sera la cible de ses nombreuses taquineries. Mais le film nous permettra de prendre conscience que derrière celles-ci il y a une grande amitié, beaucoup de respect. En fait, les deux frères s’aiment et se respectent et il en est de même pour ces deux collègues de travail. En terre Comanche, il sont peut-être Comanche, l’un pour l’autre !

 Balade sauvage à Badlands

Pas question d’en dévoiler plus, car le réalisateur met en scène un scénario en béton. C’est en effet Taylor Sheridan à qui l’on doit aussi celui de Sicario, réalisé l’an dernier par Denis Villeneuve. Nous sommes dans un western du XXIe siècle où les voitures ont remplacé les chevaux. Les banques y sont aussi largement présentes, mais avec un autre arrière-plan, celui de la crise financière et bancaire de 2008, sur les prêts douteux, les hypothèques inversées, toutes choses qui ont ruiné tant de gens aux USA et ont eu des conséquences mondiales. Cet élément est une des clés du jeu (et pas seulement dans le casino - indien ? - dans lequel nos deux frères vont se retrouver). C’est aussi une intrigue très bien ficelée, car on ne voit pas la fin venir. C’est bien construit. Le clan des mauvais et des bons n’est peut-être pas dû coté des brigands opposés aux forces légitimes de l’ordre. Peut-être bien qu’il y a un tiers externe qui tire son épingle du jeu ? Peut-être bien que tout se joue aux frontières de la morale, du bien et du mal, du pardon et de la rédemption. Peut-être bien que cette balade sauvage sur de mauvaises terres à l’odeur de pétrole et d’argent pas toujours propre sera une occasion de découvrir que l’homme, debout ou abattu doit gérer ses zones grises et vivre à jamais avec ses culpabilités acceptées. Et lorsque l’on sait que tout cela est magnifié par une bande-son de Nick Cave et de Warren Ellis on saura que les oreilles et le cœur seront eux aussi comblés !

Bande-annonce :

COMANCHERIA (Hell or High Water)
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