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CINECURE
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Sebastian Hofmann
Halley
Vu au BIFFF le 15 avril 2014
Article mis en ligne le 16 août 2014

par Charles De Clercq

Synopsis : Alberto est mort et il ne peut plus cacher l’évidence. Le parfum, le maquillage, ces artifices deviennent insuffisants pour dissimuler la réalité de son corps en rapide décomposition. Mais au moment de tirer définitivement sa révérence, il se lie d’amitié avec Silvia, la directrice du club de gym qui l’emploie comme gardien de nuit.

Acteurs : Alberto Trujillo, Hugo Albores, Luly Trueba

Un film sur la « vie » d’un zombie contée avec une exaspérante lenteur. Nombre de festivaliers manifestaient leur exaspération, plusieurs sont sortis de la salle avant la fin, d’autres se sont demandés comment les organisateurs avaient laissé passé ce film.

Echanges entre festivaliers, dont des classikiens, à la sortie, au cours duquel l’un deux m’a signalé des analogies de structure avec Carlos Reygadas.

Puis le film m’a trotté dans la tête pendant 48 heures. Le surlendemain, échanges avec des confrères au sortie d’une projo presse à l’UGC et je leur fait part de ma métanoïa (J’utilise ce terme dans son acception religieuse : conversion, littéralement « retournement à 180 degrés » !). En deux jours je refaisais la même expérience que pour The Tree of Life de Terrence Mallick. Passer de : « Est-ce que ce réalisateur s’est foutu de moi à je viens de découvrir une perle » !

Alors, ne nous leurrons pas, il s’agit d’un film expérimental. Il est d’une désespérante et insupportable lenteur et ses 84 minutes paraissent en durer le triple. Le film ne fera pas de recette. Il m’a cependant fait réfléchir à l’existence d’un zombie.

A commencer par le premier du christianisme, à savoir Lazare (un récit littéraire, symbolique et ’construit’). Il y a eu d’autres zombies peu après (les nombreux morts qui ressuscitent après la crucifixion de Jésus). Théologiquement, celles-ci et celle de Lazare sont incommensurables (sans commune mesure) à celle de Jésus. Cette dernière n’est d’ailleurs pas « historique » mais « eschatologique » ce qui nous place avant tout dans un domaine d’un discours à venir. Revenons-en au premier zombie, Lazare et j’ai bien conscience de tirer sur les textes qui ne parlent pas de zombie ! Mais il a toujours été entendu que Lazare allait mourir à nouveau. Michel de Ghelderode théâtralise Lazare et dans sa mise en scène, il nous est dit que Lazare « sent » !

De Lazare à Alberto, il n’y a qu’un pas à franchir !
Cela fait quoi de vivre quand on est mort ?
Ici, Sebastian Hofmann nous fait prendre conscience de combien c’est éprouvant.
Il prend à contrepied toutes nos images zombiesques. Point de contagion ici, point de ruée sur les vivants pour les mordre ou leur manger le cerveau !

Rien de tout cela sinon se fondre dans l’épouvantable vacuité du quotidien tout en gérant les inconvénients de cette non-vie avec un corps qui se décompose. Ici, nous n’avons pas l’humour de Death Becomes Her (Robert Zemeckis, 1992), pas de mari chirurgien plastique pour vous refaire une beauté !

Il faut se la faire soi-même, se tamponner devant le miroir, enlever les vers et la purulence… Pas vraiment emballant comme « vie ». Et puis, il faut aller au boulot, gérer ce quotidien là également.
A côté de ceux qui se crèvent pour cultiver leurs corps, lui qui crève, meurt d’envie d’avoir une « vie » tranquille et sans problème.
Surtout pas de convivialité : il faudrait alors manger et boire alors que, tant bien que mal, seule une perfusion (de quoi ?) peut l’hydrater.

La seule relation qu’il pourrait avoir, ce serait avec l’employé de la morgue, préposé à l’entretien des corps. Il accepte ce non-vivant/non-mort et lui offre une place potentielle où il pourrait subsister à ses côtés et sans danger. Il lui faudrait simplement parler avec lui qui chérit les morts et les fait beaux !
Mais cette opportunité ne sera pas choisie.

Même un seul à seul dans un onanisme aux conséquences désastreuses : malgré une abondance de ruban adhésif, il sera impossible de recoller l’engin du plaisir qui a pris ses distances avec son maître. Il ne lui restera, comme ultime solution que de se mettre, au vert,.. au frigo,... non au froid dans les icebergs !

Alors, malgré mon rejet de départ, malgré l’inexorable lenteur de ce film, ma conversion est totale et au prix d’être... incompris, c’est un coup de chapeau au réalisateur pour ce film coup de cœur qui m’a donné à penser aux désarrois de l’existence d’un zombie !

https://www.youtube.com/embed/3Eq1AA4wJ2I
Hofmann, Sebastián - Halley [2012] - YouTube


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