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CINECURE
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Andrew Haigh (2009)
Greek Pete
Article mis en ligne le 11 septembre 2015

par Charles De Clercq

Synopsis : Pete est un escort boy charismatique et ambitieux, toujours partant, toujours chaud, l’incarnation éblouissante des fantasmes de ses clients. A Londres, désireux d’être le meilleur, Pete travaille dur, rêvant d’une nomination aux « World Escort Awards » de Los Angeles. Mais tout se complique lorsqu’il rencontre Kai, un autre escort, avec qui il entame une relation amoureuse difficile, car si Pete arrive aisément à séparer sa vie professionnelle de sa vie affective, Kai a le plus grand mal à partager son petit ami...

Avec : Peter Pittaros, Barry Robinson

C’est au moment de rédiger la chronique de 45 Years que, par nature « complétiste », je me suis intéressé au premier film d’Andrew Haigh, dont j’avais vu Weekend lors de sa sortie et ensuite les deux saisons de la série Looking (abandonnée faute d’audience ?). Il y avait certes quelques courts, mais le documentaire Greek Pete m’était totalement inconnu et pour cause, hormis quelques festival gays et lesbiens, la diffusion a plutôt été confidentielle.

Après avoir vu le film, on comprend aisément qu’elle l’ait été ! S’il y a certes des défauts, même si l’on sent déjà la patte du réalisateur dans ses futurs longs métrages de fiction, c’est surtout le caractère homosexuel explicite qui aurait pu rendre sa projection difficile pour un grand public, même cinéphile. En outre, il semble, à lire les échos des critiques du milieu gay, que le film les aurait déçu. C’est que le « héros » du docu-drame ne répondrait pas aux canons de l’esthétique gay [1], que Pete est trop arrogant, sûr de lui et qu’en plus les scènes sexuelles soient loin de ce que l’on peut attendre.

Andrew va filmer en 2008, Pete, un jeune grec de 22 ans, escort boy [2] qui loue son corps. Son film sera présenté au London Lesbian and Gay Film Festival et gagne l’Artistic Achievement Award à l’Outfest en 2009. « Pete de Londres » gagnera lui aussi un prix en 2008, celui du meilleur escort boy au monde, à Los Angeles, scène qu’il captera durant le tournage de ce documentaire (voir sur Youtube).

S’agissant d’un escort qui monnaie son corps, Pete va « monnayer » son image. Dès le début, il va demander au réalisateur si les images sont pour lui ou pour d’autres et qu’en tout cas, il se fait payer. Le documentaire ne revient pas sur une cette éventuelle transaction financière. Nous suivons donc Pete, d’origine grecque, aussi bien dans ses contacts avec des clients [3] qu’avec ses ami(e)s (escort-e-s et/ou prostitué-e-s). Les protagonistes se parlent avec pudeur - tout en étant impudiques parfois - ou s’adressent à la caméra, non sur le mode interview mais plutôt comme le fait Sophie Bruneau, dans son documentaire La corde du diable. Quant à la façon dont Andrew Haigh filme les corps et le sexe (tant avec les clients que Pete avec Kaï, son boyfriend) c’est une tendresse intime et complice qui nous est donnée à voir, comme probablement dans la chambre de nombreux amoureux ! Il y a des analogies avec les approches de Travis Mathews [4] dans I Want Your Love ou dans sa série de documentaires In Their Room, consacrée à plusieurs homosexuels dans quelques grandes villes du monde.

On pressent et sent déjà la façon tendre, pudique de filmer les corps au plus près, jusque dans l’intime et dans les émotions que l’on va retrouver dans Weekend et 45 Years. Certaines scènes paraitront cocasses, ainsi lorsque pendant que Pete est avec quelques amis dont Kaï, pendant le réveillon de Noël, tout en fredonnant des chants de Noël, notre escort se présente à un client en répondant à chacune des questions : « 24 ans... 1m80... 22 cm... grosse...120£ » et je vous passe d’autres détails ! C’est aussi la difficile gestion financière, car Pete, à Londres doit payer 500£ de loyer par semaine et pour cela il va devoir passablement travailler. C’est également la drogue, l’évocation de la prostitution très jeune, dès 13 ans souvent.

Il ne s’agit pas d’un film pornographique, même s’il y a des scènes de sexe explicite, mais celles-ci sont filmées de façon très respectueuse (comme le fait Travis Mathews déjà cité ci-avant). Il n’empêche que ce premier film d’Andrew Haigh, un réalisateur à suivre, sera réservé à des adultes à l’esprit ouvert (et ne pas se cantonner au milieu homosexuel) et qu’il peut susciter débats et réflexion sur un sujet que l’on ne peut occulter.



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